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en six administrateurs, tous responsables. S'ils ressemblent tous à M. Delessard, le trésor public aura six gardes incorruptibles ct vigilans.

Le 11 de mars, il a été brûlé, devant le peuple, à la caisse de l'extraordinaire, six millions d'assignats, qui joints aux vingt-trois déja brûlés, feront vingtneuf.

Le 13, les électeurs ont nommé évêque de Paris l'évêque de Lyda, député à l'assemblée nationale.

Le même jour, une foule immense, assemblée aux Tuileries, en apprenant que Louis XVI étoit beaucoup mieux, a manifesté la joie la plus vive. La maladie du roi étoit une suite de la fameuse journée des spadassins.

La rage des mécontens, la turbulence des factieux, et puisqu'il faut le dire, l'impétuosité françoise, sans la sagesse de M. de la Fayette et la bravoure des gardes nationales, auroient déja fait mourir de chagrin vingt rois, et avorter cinquante constitutions.

On s'abonne a Paris chez DESENNE, Libraire au Palais-Royal; et en Province, chez les principaux Libraires et chez les Directeurs de la Poste, pour 7 liv. 4 sols par an; l'abonnement ne peut être moins d'une année. On prévient les Souscripteurs qu'il faut affranchir les lettres et le port de l'argent; et on les prie de vouloir bien circonstancier l'adresse de chaque Village, pour éviter la ressemblance des noms.

Messieurs les Souscripteurs qui auront des réclamations à faire, sont priés d'indiquer avec précision le numéro qui se trouve sur leur adresse.

On prévient qu'on peut s'abonner en tout temps, mais il faut prendre tous les Numéros qui précéderont l'abonnement.

ANNÉE

DE LA

FEUILLE VILLAGEOISE.

VINGT-SIXIEME SEMAINE.

Jeudi 24 Mars 1791.

Idée sommaire des décrets principaux qui viennent d'être rendus sur la restitution de la valeur de la dime et des impositions au propriétaire.

Dans notre No. 18 nous avons attaqué l'injustice des fermiers qui prétendent s'attribuer le bénéfice de la suppression de la dîme et refusent d'en tenir compte aux propriétaires. Nous avons cité un décret qui les condamne. Un décret nouveau lève toutes difficultés et règle les formes dans lesquelles les fermiers doivent s'acquitter envers les propriétaires, non-seulement pour la dime, mais aussi pour les impositions qu'ils étoient chargés de payer par leur bail et qu'ils ne payeront plus à l'avenir. Nous pensons trop bien de nos lecteurs pour insister sur l'équité de cette loi; s'il reste encore quelques incertitudes, c'est pour l'évaluation des indemnités. Heureux ceux qui auront le bon esprit de s'arranger à l'amiable! il y a tout à gagner, du temps, du repos, de l'honneur, de l'argent et surtout des amis.

Sur les jugemens relatifs aux élections.

Les tribunaux jugeront les constestations sur les qualités de citoyen actif ou éligible.

Les questions relatives aux élections des membres de la législature, de cour de cassation et du haut juré, seront décidées par le corps législatif.

Les constestations sur la convocation et la tenue des assemblées de communcs, primaires et électorales, seront jugées par les corps administratifs, sauf le recours au corps législatif.

Si les mêmes juges décidoient des droits des individus et des assemblées, ils seroient trop puissans. On a sagement divisé ces compétences redoutables. Car on sait qu'une constitution n'est autre chose distribution des pouvoirs.

Sur le trésor public,

que

la

Son administration sera confiée à un comité de six personnes nommées par le roi. Ce comité sera néanmoins indépendant du ministère et de la cour. Chacun de ses membres sera chargé d'une partie de travail. Ces commissaires ne peuvent rien ordonner que réunis. Un seul d'entr'eux dirige la comptabilité de tous. Enfin ils sont tellement limités, contrôlés et surveillės les uns par les autres, que les abus paroissent impossibles. D'ailleurs les comptes du trésor public seront imprimés tous les mois. On pourra suivre un écu à son entrée et à sa sortie. Chacun pourra savoir les affaires de la nation, comme les siennes.

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Sur la quotité des contributions foncière et mobiliaire.

La contribution mobiliaire, pour l'année 1791, sera de 66 millions. La contribution foncière, sera de 24 millions. Mais quant à celle-ci, elle ne doit pas, pour chaque propriétaire, passer le sixième de son revenu net foncier. Celui qui justifieroit avoir été taxé dans une proportion plus forte, auroit droit à une réduc

tion.

Mais, en outre de ce principal, il sera perçu un sol additionnel pour faire un fonds employé à des réductions, par la législature et par les départemens.

Il y aura aussi quelques sols ou deniers additionnels, perçus proportionnellement sur les contributions foncière et mobiliaire, pour servir aux dépenses particu lières qui ont été laissées à la charge des départe

mens.

LA

Suite de la Géographie universelle.

A Moscovie étoit, il y a un siècle, sans loix. sans arts, sans connoissances. L'église grecque, établie en ce pays, étoit la seule école nationale qui existât. Elle y entretenoit la plus abjecte superstition, et y proscrivoit l'ombre même du savoir. Si quelqu'un y manifestoit le moindre talent, il étoit aussitôt accusé d'hérésie par le clergé, et poursuivi comme magicien par le peuple. Eu voici un exemple singulier.

Un chirurgien Hollandois qui s'étoit arrêté à Moscow, s'amusoit un jour à jouer du luth dans son auberge. L'hôte, et les passans, attirés par le son de cet instrument, vinrent à la porte de sa chambre. Elle étoit fermée. Ils regardèrent à travers la serrure. Ayant vu un squelette, pendu à la muraille, et agité par le vent qui souffloit d'une fenêtre ouverte, ils en furent effrayés, et coururent au palais du patriarche attester qu'ils avoient vu un sorcier qui faisoit danser un mort au son des instrumens. Le patriarche envoya ses archimandrites ou grands-vicaires vérifier le fait. Ils jugèrent comme le peuple. Le Hollandois fut enlevé, et condamné à être brûlé vif avec son luth et son squelette. Il eut beau dire qu'il n'y avoit point de chirurgien en Europe qui n'eût chez lui un squelette pour étudier l'anatomie du corps humain; il eut beau protester que le luth étoit un instrument de musique et non un instrument de magie, enfin il eut beau soutenir que le vent de la fenêtre étoit le seul magicien qui eût fait danser le mort sur la muraille: il fut conduit au bûcher, préparé pour son supplice. Avant que d'y monter, il prit son luth que l'on avoit pendu à son col, et il en joua d'une manière si touchante que les barbares attendris se contentèrent de brûler le squelette et de bannir le chirurgien. La chambre qu'il avoit occupée fut démolie; et le patriarche grec, avec tout son clergé, vint exorciser l'auberge que l'on croyoit en possession du diable et des enchanteurs.

Telle étoit la Russie, quand Pierre-le-Grand entreprit de l'instruire et de la policer. On regarda ce projet comme le rêve d'un jeune prince. Il n'avoit que dixsept ans. Il falloit toute l'ardeur de la jeunesse, il falloit encore toute l'audace du génie. Il falloit, de plus, un confident, un collaborateur. La providence des nations lui en envoya un, digne de ses desseins. Un Génevois, nommé le Fort, instruit par les voyages et l'adversité, s'attacha au jeune czar, et le jeune czar devina un trésor caché, et se l'appropria. Ils concertèrent ensemble le plan de la révolution. Ils possédoient tous deux le véritable talent révolutionnaire : ils avoient cet esprit hardi qui conçoit les nouveautés utiles; cet esprit juste qui pèse les avantages réels; cet esprit étendu qui observe les rapports éloignés; cet esprit profond qui prévoit et sape d'avance les obstacles. C'est ainsi qu'avant de laisser transpirer leurs desseins, ils commencèrent par dresser, autour deux, un rempart défenseur, en formant, comme par jeu, un corps militaire, composés d'étrangers et discipliné à l'allemande. Ensuite ils firent partir secrettement, pour les principales villes de l'Europe, de jeunes Russes bien intentionnés et chargés d'y étudier les arts et d'y enrôler des artistes.

Le jeune souverain se disposoit à voyager lui-même pour cette double mission. La fortune retarda sa marche pour le mieux servir. Les Turcs attaquèrent le czar : il les chassa. Les Tartares se révoltèrent: il les soumit. La princesse Sophie, sa sœur d'un premier lit, voulut reprendre sa place sur le trône : il l'enferma dans un couvent. Ces rapides succès lui acquirent une renommée précoce: il partit, couronné, en quelque sorte, de rayons naissans qui annonçoient de beaux jours.

Jamais on ne mêla tant de grandeur dans les projets et tant de simplicité dans les manières. Arrivé en Hollande, il prit un habit de pilote, et alla faire son apprentissage à Sardam, le principal chantier où se construisent les vaisseaux hollandois. Inscrit dans le nombre des charpentiers, sous le nom de Maître-Pierre, il travailloit, il conversoit familièrement avec eux; et en les quittant, le soir, il alloit chez lui, dans une

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