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Ce

que c'étoit que les parlemens.

Les parlemens sont détruits. On craint que ces grands corps de magistrature ne soient trop regrettés en quelques endroits. Ami lecteur, se pourroit-il? Auriez-vous besoin qu'on vous rappelât ce qu'étoient les parle

mens?

D'abord, vous savez qu'ils avoient un grand pouvoir, avantage dont les corps usent pour le mal plus souvent que pour le bien; car vous savez aussi que l'esprit d'un corps est toujours mauvais, quand même tous ses membres auroient un excellent esprit.

Ami lecteur, les parlemens se disoient les tuteurs des rois: mais quels tuteurs! Ils secondoient les plus funestes caprices du monarque, et contrarioient son autorité salutaire. Ils se disoient les défenseurs du peuple : mais quels défenseurs! ils le laissoient charger de tailles, à condition qu'eux ne payeroient point de vingtièmes: Ils se disoient les représentans de la nation: mais ces faux représentans l'empêchoient d'en avoir de véritables.

Les parlemens étoient toujours en querelle avec les ministres, les évêques ou les intendans; mais pour quel sujet? pour le partage de nos dépouilles; car c'étoit pour leurs privilèges, et tout privilège est la dépouille du peuple.

Les parlemens étoient nos juges: mais de quel droit ? Ils avoient payé tant. Or, la science et la vertu du juge ne s'achètent point avec la charge; et même, quand tout un parlement n'auroit eu que des magistrats intègres et éclairés, des juges chargés de tous les procès qui s'élevoient dans cent lieues à la ronde, avoient-ils le temps de bien juger? Or, chacun sait aussi

combien étoit fatal cet éloignement des grands tribunaux. Quand votre partie adverse étoit plus riche que vous, n'étiez-vous pas contraint de lui tout céder, dans la seule crainte qu'elle ne vous ruinât, en vous traînant à cent lieuès de vos foyers?

Ami lecteur, comme vous, nous sommes gens débonnaires, sans fiel, et qui pardonnons les injures. Mais pourtant, quand nous plaidions avec un homme de robe, n'est-il pas vrai que nous perdions le plus souvent notre cause? Et quand par malheur un de ceux que nous appelions nosseigneurs s'avisoit de vouloir s'arrondir, n'est-il pas vrai encore que le voisin lui cédoit bien vite son champ, au prix qui lui convenoit? car il n'étoit pas sûr de résister à nosseigneurs.

Enfin, lorsque par hasard quelqu'un de nous osoit être un philosophe, ce qui signifie un homme asscz courageux pour dire ou écrire toutes les vérités utiles aux hommes, alors, ami lecteur, savez-vous ce que faisoit le parlement? il brûloit le livre, et le sage étoit flétri, banni, ou pis encore.

Ainsi donc, si quelque François regrette aujourd'hui les parlemens, qu'il regrette aussi la gabelle, la dîme, la corvée, les capitaineries, la Bastille et les intendans.

Encore un mot, ami lecteur; soyons justes, distinguons les magistrats de la magistrature; et dans la foule des ci-devant conseillers ou présidens, si vous connoissez quelque bon juge, n'hésitez pas à lui donner votre voix. S'il fut bon, n'étant que magistrat par charge, devenu magistrat par choix, il sera meilleur. Il n'étoit que la créature de l'or, il sera la créature du peuple, et voudra, par de plus grandes vertus, mériter une place bien plus belle.

Evénemens.

à

notre

Les deux premières feuilles ont peint, en raccourci, en abrégé, notre situation politique, tant au dedans qu'au dehors de la France. Nous allons suivre, commencer d'aujourd'hui, le cours des évènemens, et nous annoncerons toutes les nouvelles intéressantes, aussi promptement, aussi exactement qu'il sera possible. D'une extrémité du royaume à l'autre, journal fera connoître et circuler chaque fait avéré et chaque bruit important, en ayant soin de distinguer les uns des autres. Que les villages, nos abonnés et nos amis, comptent donc sur une gazette abrégée mais certaine, dans laquelle tout se trouvera, excepté ce qui nous paroîtra inutile ou faux. Qu'ils sachent de plus que nous ne nous permettrons jamais de donner une tournure infidèle à nos récits, quand même ce seroit pour servir la bonne cause. La servir par une fraude, seroit la trahir ou la déshonorer; la liberté de la presse n'est la liberté du mensonge, pas mais celle de la vérité.

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MADRID. Les Espagnols, nos alliés, ont fait partir plusieurs vaisseaux pour l'Amérique. Ils continuent d'en armer d'autres, malgré les négociations de la France qui cherche à réconcilier l'Espagne et l'Angleterre.

LONDRES. On avoit répandu le bruit que le ministère anglois avoit expédié les lettres de contremarque, c'est-àdire une permission par écrit à chaque armateur ou corsaire, d'attaquer les vaisseaux ennemis. La nouvelle

est fausse.

Le capitaine d'un vaisseau anglois, de retour à Londres, s'est plaint d'avoir été traité d'une manière cruelle par le commandant d'un vaisseau espagnol. On croit que ce traitement barbare a été imaginé ou exagéré pour enflammer l'esprit du peuple Anglois.

TOULOUSE. Le jour fixé par les décrets pour la ces

sation absolue de tous les parlemens de France, étant venu, ils ont obéi; celui de Toulouse a obéi de même, mais tout en obéissant, il a osé protester contre la loi. L'assemblée nationale a décrété que les ci-devant magistrats qui ont signé la protestation, seront poursuivis et jugés. En effet est-il permis à des citoyens de prtester contre l'autorité de la nation? n'est-ce pas se me tre au-dessus d'elle et vouloir qu'une foible partie l'emporte sur le tout? Les protestations étoient légitimes autrefois, parce que nous étions soumis à la souveraineté d'un seul homme que l'on pouvoit séduire et qui opprimoit quelquefois le monde à son insu. Mais aujourd'hui que la volonté générale s'explique dans une assemblée composée de tous les représentans de la France; aujourd'hui que chaque délibération est publique, et chaque décret motivé, proclamé, sanctionné par le roi, la protestation est une révolte ou une folie.

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ROVEN. L'agitation de quelques mécontcns et l'inquiétude de plusieurs bons citoyens, avoient donné lieu à une étrange nouvelle on prétendoit que l'aristocratie, si malheureuse dans tous ses complots, venoit d'en former un nouveau pour enlever le roi et l'amener à Rouen. Cette ville vient de publier une déclaration, dans laquelle elle annonce que si jamais des rebelles enlevoient le roi à lui-même et à son peuple, pour le conduire chez elle, elle s'armeroit sur-le-champ pour rendre la liberté au roi et le roi à l'assemblée nationale. Elle fait un grand et magnifique éloge des vertus de ce prince, qui, environné de cabales, n'acessé de se montrer le meilleur, comme le premier des citoyens François.

METZ. Les troupes en garnison dans cette ville, viennent d'adresser à l'assemblée nationale une déclaration qui contient les mêmes sentimens que celle de Rouen, et qui prouve dans l'armée autant de sagesse que de courage.

BREST. L'escadre qui est dans ce port, n'est pas aussi bien inspirée ni aussi bien instruite que l'armée. Elle dispute contre ses chefs et contre la discipline, et con

tre les bois. L'assemblée nationale a pris des mesures pour la soumettre. L'insubordination seroit plus terrible pour une flotte que les tempêtes de la mer.

RUEL, près de Paris. Le feu ayant pris la nuit dans une petite grange, on a sonné le tocsin ; le village voisin ayant entendu ce tocsin, l'a fait sonner aussi. De proche en proche le tocsin a fait rassembler une multitude considérable de gens armés qui sont descendus à Ruel. Comme l'on avoit parlé du projet d'enlever le roi, chacun croyoit que le tocsin sonnoit pour cette cause, et chacun arrivoit pour s'opposer aux ravisseurs et au rapt. Cette promptitude de réunion annonce que tous les cœurs sont disposés à soutenir le bon parti. Cela prouve aussi que l'on ne doit pas si aisément répandre les nouvelles allarmantes, avant de les vérifier. Il ne faut pas tourmenter inutilement les esprits et fatiguer le zèle, quoiqu'il se montre infatigable.

BORDEAUX. La municipalité du Pont-Canton donne un avis bien consolant; elle nous apprend que les villages de son ressort payent les impôts avec une exactitude qui a rendu inutiles les contraintes d'usage. Ces bons cultivateurs ont réfléchi que les subsides étoient le bien public, et que de tous les vols, le plus coupable et le plus odieux, c'étoit celui qu'on faisoit à la patrie, en ne la payant pas. Dans le temps du despotisme des ministres et des intendans, on pouvoit avoir des prétextes et même des raisons de se soustraire à une charge inégalement et arbitrairement repartie. Ces raisons et ces prétextes ne sont plus pardonnables, à présent que la justice impose à chacun sa cotte-part, et que la responsabilité garantit le bon emploi des deniers.

J

PARIS. Pour faciliter le cours des assignats, on vient de décrèter qu'il y en aura de 50, de 60, de 70, de 80 . de go et de 100 livres ; ainsi une personne qui auroit à payer dix francs, donneroit un assignat de 60 liv. pour un de 50 ainsi l'argent sera moins cher ou ne sera acheté que par les gens au-dessus de la classe pauvre ; et les ouvriers éprouveront moins d'embarras. L'éternelle attention de l'assemblée nationale est de soulager le peuple. Le Châtelet, après avoir entendu le rapport de l'af

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