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ont été convoqués tous pour réformer l'église ? Et pourquoi donc, s'écria le prélat, ne l'ont-ils pas réformée ? Par une raison bien simple, dit le jurisconsulte ; ils étoient composés d'ecclésiastiques: assemblez tous les nuages du ciel, et vous verrez s'il fera jour.

LONDRES. M. Pitt a proposé un bill, c'est-à-dire un projet de loi, pour révoquer les lois pénales qui subsistent encore en Angleterre contre les catholiques-romains. M. Fox a demandé que la liberté du culte fût accordée sans exception à toute secte religieuse, selon le droit naturel et les maximes de l'évangile. M. Pitt s'est opposé à la tolérance générale, et il a voulu la borner aux çatholiques. Cette réserve a fait soupçonner que son intention étoit un piège adroit pour attirer en Angleterre les émigrans de France et pour préparer les colonies françoises à passer sous le joug britannique.

BRUXELLES. Le peuple Brabançon, s'appercevant enfin que les Etats, composés du clergé et de la noblesse, s'étoient joués de lui, et n'avoient fait semblant de secouer la tyrannie que pour la recueillir eux-mêmes, en a tiré vengeance. Il n'a point commis de désordre, ni d'assassinat, mais au moment que les nobles et les ecclésiastiques sortoient de l'assemblée, il les a couverts de huées et de boue. C'est une juste et douce punition de l'orgueil et de l'hypocrisie. Il vaut mieux jetter un tombereau de boue que répandre une goutte de sang.

GENÈVE. Les troubles, sans cesse renaissans dans cette république, viennent des distinctions injustes qu'elle veut maintenir entre les citoyens, les bourgeois, les natifs et les simples habitans. Toutes ces inégalités sont un reste de barbarie et une source de discordes. Quiconque habite, paye, et sert la cité doit être citoyen. Il n'a au-dessus de lui que le magistrat et au-dessous que le malfaiteur. Le conseil de Genève a bien mauvaise grace de vouloir singer le sénat de Rome: Memento homo quia pulvis es et in pulverem reverteris. Souvenezvous de la boue de Bruxelles.

BERNE. Le sénat de Berne a besoin de la même leçon que le conseil de Genève. Nous venons d'apprendre la véritable cause de l'emprisonnement du pasteur de Mezière. Ce ministre pieux, dans une conversation

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amilière, avoit eu le bon sens de dire que c'étoit une chose abusive d'avoir ajouté, à tant d'autres dîmes, celle des pommes de terre. C'est pour ce mot innocent qu'il a été enlevé de nuit et enfermé dans l'hôpital de Berne. Tout le canton est indigné de cet acte de despotisme sénatorial. On l'a dit et redit, le pire despotisme est celui de plusieurs. Chacun d'eux sacrifie des victimes à la vengeance de son collègue. On met en commun les ressentimens et à l'écart les remords. Un sénat qui n'est pas responsable est une bastille éternelle.

BALE. Le canton de Bâle qui est entièrement démocrate, conserve dans toute sa pureté la liberté helvétienne. Il se dispose, par cela même, à soutenir la liberté françoise. Instruite des mouvemens et des manœuvres qui se font en secret sur les frontières de l'Allemagne pour ramasser et enrôler tous nos fuyards, la république de Bâle, la plus proche voisine de ces frontières, a les yeux ouverts sur les complots, et des milices prêtes à repousser celles de nos émigrans. Tous les peuples libres doivent faire cause commune. La Suisse s'unira aux François pour défendre nos provinces contre les tyrans de l'Allemagne ; et l'Amérique septentrionale nous aidera, s'il le faut, à défendre nos colonies contre les tyrans de l'Angleterre.

BESANÇON. Une fausse allarme a fait éclater l'ardeur publique. Des coups de fusil tirés sur les frontières ont réveillé l'attention. Les habitans des villages voisins sont accourus sur les hauteurs. Une maison incendiée par hasard a frappé leur vue. Aussi-tôt le tocsin sonne de toute part. Vingt mille hommes sont sur pied. Cinq cent gardes nationales marchent pour se joindre à eux. Arrive tout-à-coup un homme à cheval qui annonce que cette fusilladé étoit une partie de chasse du prince de Montbeillard. Toute la France est prête à s'élancer contre les armées vraies ou fausses dont on nous menace. Soyons unis et nous serons invincibles. N'arrêtons pas le bled; n'arrêtons pas l'argent ; n'arrêtons pas le commerce; n'arrêtons pas les voyageurs: mais arrêtons, précipitons, faisons reculer toute armée enncmié.

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USES. Le fanatisme a beau soufler ses flammes au midi de la France. Le feu prend un instant, êt s'amortit; il

se rallume, et s'éteint de nouveau. Le peuple est détrompé en grande partie des folles impressions qu'on lui avoit données. Il commence à voir que la religion qu'il aime ne court aucun danger. Les bons citoyens, les bons pasteurs sont tous ensemble les missionnaires de la paix. Ils ont fait sentir aux plus entêtés que la charité ou la tolérance étoit la même vertu chrétienne. Enfin, jusqu'aux jeunes gens, tout prêche la concorde : un jeune homme à qui sa mère en pleurs recommandoit de fuir la dispute, lui répondit: je donnerois ma vie pour la tranquillité publique.

Aix. Le curé d'Eirague a été élu évêque de cette ville. Le peuple a fait éclater sa joie. La messe a été célébrée au bruit des canons. De bonnes gens ont remarqué que le soleil qui avoit été caché tout le matin, a voulu être de la fête, et s'est montré au moment que le nouvel évêque est entré dans l'église. Nous ne sommes plus au siècle des augures, mais les hommes crédules et supers

titieux sont de tous les siècles.

GRASSE, département du Var. Samedi, 19 février, des biens nationaux, estimés 95 mille liv., ont été vendus deux cent mille. Le lendemain, le curé de Grasse, âgé de près de quatre-vingt ans, infirme depuis plus d'un an, et professeur de théologie pendant trente années, s'est fait porter à la cathédrale, pour y prononcer, à la tête de son nouveau clergé, le serment civique. Un peuple innombrable attendoit. En voyant paroître ce vénérable octogénaire, la tête couronnée de cheveux blancs, soutenu par un de ses neveux, juge du tribunal, et appuyé sur un bâton, ressemblant à ceux qui guidoient les apôtres, des acclamations ont retenti, et les voûtes du temple paroissoient y répondre et reconnoître le ministre des autels. Un discours animé des plus doux sentimens, et ennobli par la majesté des années, a fait couler des larmes de tous les yeux. L'attendrissement universel a seul interrompu le silence du peuple. L'orateur octogénaire sembloit en ce moment le patriarche de la nouvelle loi.

SALON. Le directoire vend avec succès les biens nationaux. Les enchères sont écrites sur une grande table qui servoit autrefois, aux jours de gala, pour les festins

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ecclésiastiques. Les deux premiers acquéreurs de ces domaines ont reçu une couronne civique que l'on a suspendue à leur porte, avec cette inscription; Citoyens, respectez l'azile d'un croyant à la constitution Françoise. La garde nationale de Salon est un modèle de discipline et d'activité; mais pour ne pas accabler d'exercices les jeunes gens, et pour ne pas enlever des bras à l'agriculture, les vieillards réunis ont formé plusieurs compagnies vénérables. Ils montent la garde pendant le jour; et le soir, la jeunesse, arrivant du travail, va relever ses pères et ses ayeuls. Ceux-ci, le lendemain, relèvent à leur tour leurs fils et leurs petits-fils. Ainsi, à Salon, aucun moment n'est perdu et aucun âge n'est désœuvré tout le monde est utile, et chacun a le temps de veiller pour sa patrie et de travailler pour sa famille.

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DUN LE PALTEAU, département de la Creuze. Un aristocrate Lorrain s'étoit occupé sérieusement à dresser de petits chiens qui sautoient pour l'aristocratie. Un démocrate Berrichon, nommé M. Beaufort, a élevé de son côté un petit chien qui fait des merveilles en l'honneur de la démocratie. Au seul mot de constitution, il danse un ménuet; mais si l'on profère le mot de contre-révolution, il s'arrête et montre les dents. Lui parle-t-on de l'assemblée nationale, il se redresse sur ses pattes, il saute de joie, il va caressant tout le monde. Le précepteur de ce petit prodige défie hardiment tous les chiens de l'univers de tenir tête au sien, et il nous priè d'annoncer à la France un si rare talent. La France lui doit des lauriers ou des gimblettes.

PARIS. Un homme décoré de la croix de Saint-Louis, se présente pour parler à la reine. A`un mouvement qu'il fait, on découvre un poignard suspendu sous son habit. On lui demande pourquoi il est ainsi armé. Il répond, sans se troubler, que c'est sa coutume et celle de tous les citoyens qui veillent sur la sûreté de la famille royale. Interpellé de dire son nom, il montic une carte inscrite: billet d'entrée pour M, le marquis de Court, lieutanı-de-roi à Salins. Conduit à la section des Thuileries, il est interrogé ; il se justifie en répétant que la plupart des personnes, attachées à la famille

royale, ne marchoient point sans pistolets. L'ordre fut donné de visiter tous ceux qui se présenteroient aux appartemens du roi. Il y avoit près de cinq cent personnes. On voyoit, parmi les courtisans, plusieurs députės suspects; tous avoient des armes cachées. On les pria de déposer ces armes. Comme ils résistoient, le roi parut et leur ordonna d'obéir. En peu d'instans on vit des corbeilles pleines de pistolets, de poignards, de stilets, etc. Tandis que cette scène se passoit au château des Tuileries, une scène non moins alarmante se passoit au château de Vincennes. Des factieux, qui savoient fort bien que d'après un décret de l'assemblée nationale, on réparoit ce vieux donjon, pour y renfermer, d'une manière plus humaine, les prisonniers entassés au Châtelet, persuadèrent à des écervelés d'aller abattre Vincennes, qu'ils représentoient comme une seconde Bastille. Déja le marteau brisoit les murailles, déja la flamme dévoroit les meubles préparés pour recevoir les prisonniers. M. de la Fayette est averti. Prompt dans sa marche, éloquent dans ses discours, calme et intrépide au milieu des dangers, il arrive à temps, il harangue le peuple, il contient le soldat, il fait arrêter les séditieux, et après avoir sauvé Vincennes, il revient pacifier les Tuileries. Là, on lui montre les corbeilles chargées de poignards, et les courtisans qu'on avoit désarmés: ceux-ci s'excusent, en disant que leur but n'étoit que de former un rempart autour du roi. Vous les remparts du roi! apprenez, leur dit-il, que le roi de la constitution ne doit et ne veut être défendu que par les soldats de la liberté.

L'assemblée nationale avoit chargé le comité de constitution de lui présenter un projet de loi contre l'émigration des riches mécontens. Le comité a proposé la loi elle consistoit à créer trois dictateurs absolus, ou trois géoliers souverains, qui donnant, ou refusant la permission de voyager, ouvriroient ou fermeroient, à leur gré, les portes de la France. Cette dictature ou cette géole a paru une invention tyrannique. On l'a rejetée, et demandé une loi plus conforme à l'esprit généreux de la constitution qui accorde une libre sortie au chagrin et un libre retour au repentir. C'est en rétablissant le calme que l'on ramènera les fugitifs,

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