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nationale et du roi, qui par respect pour la liberté n'ont pas cru devoir s'opposer à l'émigration hostile des riches mécontens, s'est attroupé au jardin des Thuileries, et avec des cris séditieux, et des menaces punissables, a voulu forcer le roi de rappeler Mesdames. La garde nationale qui a déja épargné tant de sang et tant de crimes à la capitale, est parvenue sans violence à dissiper l'insurrection populaire. Dans cette insurrection, comme dans beaucoup d'autres, les spectateurs, amis du peuple, ont cru voir des monstres qui conduisoient des

insensés.

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liv. 4 sols par an ; l'abonnement ne peut être moins d'une année. On prévient les Souscripteurs qu'il faut affranchir les lettres et le port de l'argent; et on les prie de vouloir bien circonstancier l'adresse de chaque Village, , pour éviter la ressemblance des noms.

Messieurs les Souscripteurs qui auront des réclamations à faire, sont priés d'indiquer avec précision le numéro qui se trouve sur leur adresse.

ANNÉE

DE LA

FEUILLE VILLAGEOISE.

VINGT-QUATRIEME SEMAINE.

Jeudi zo Mars 1791.

Fait rapporté dans l'histoire de Saint-Louis.

SAINT-LOUIS eft un des rois qui ont réfifté avec le plus de force aux prétentions de Rome. Il eut autant de peine à foumettre les évêques de France qu'à dompter les Sarrazins. Mais fes plus grands combats furent contre les barons. Ils infultoient fon autorité et ils: bravoient ou trompoient fa juftice. Voici un exemple qui prouve qu'un monarque et un faint n'étoient pas affez forts pour châtier un feigneur féodal.

ENGUERRAND DE COUCY, fils du héros qui illuftra ce nom, étoit d'un caractère violent, et auffi paffionné pour la chaffe que fon père l'avoit été pour la gloire. Trois jeunes Flamands qui étudioient la langue Françoise à l'Abbaye de Saint-Nicolas des Bois, fe prome-. nant un jour, s'amufoient à tirer le gibier à coups de flèches. Ils poursuivirent un lapin jufques dans les bois de Coucy. Arrêtés par les gardes du comte, ils furent amenés devant lui. Sans être touché, ni de leur jeuneffe

ni de leurs larmes, ni des amendes

qu'ils s'offroient à payer, il les fit pendre au premier arbre.

Leurs parens inconsolables vinrent implorer la juftice de Saint-Louis. Il commença par vérifier le meurtre. Alors il fomma le meurtrier de comparoître. Celui-ci parut avec audace. Le monarque indigné le fit enfermer dans la tour du Louvre. Tous les barons furent convoqués pour juger le coupable. La plupart étoient fes alliés. Conduit au milieu d'eux et convaincu du crime, il le jetta aux pieds du roi. Louis fe montra inexorable, et commanda aux barons affemblés de prononcer le jugement. Aucun ne voulut opiner, et quittant leurs places, ils entourèrent le fuppliant. Ils demandoient fa grace, profternés avec lui devant le monarque. Fiéchi, ou troublé par le cri unanime de tous les grands du royaume, et prenant fon émotion extrême pour une infpiration divine, il dit au coupable: « Enguerrand, » fi je favois que Dieu ordonnât votre fupplice, toute , la France, et notre parenté même ne vous fauveroient » pas; mais le ciel qui m'éclaire, me dicte une fen

tence qui fans être mortelle fera exemplaire : je vous , condamne à fonder quatre chapelles où l'on dira des >> meffes pour les quatre victimes. Je vous condamne, » de plus, à voyager quatre ans dans la terre fainte >> avec un certain nombre de chevaliers. Enfin je vous >> condamne à donner à l'Abbaye de Saint-Nicolas le bois >> fatal, témoin de votre crime ».

Tel fut le jugement de Saint-Louis. Il résulta de cet arrêt dévotieux que le meurtre fut expié, mais non puni; que les barons furent amendés, mais non corrigés; que les morts eurent des meffes funèbres, et les moines, un bois magnifique. Ce bois, dit-on, va être vendu à une compagnie Flamande, qui, peut-être, descend de la famille des quatre infortunés.

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Suite de la Géographie universelle.

E tableau de la Pologne a intéressé les villageois et les philosophes. Empressé de connoître à fond un gouvernement qui semble l'histoire de la féodalité, ou le roman de la chevalerie, un de nos abonnés est venu nous demander quelques éclaircissemens. Nous allons rapporter ses demandes et nos réponses.

D. Quelle est la composition et la puissance du sénat polonois ?

R. Le sénat polonois est composé des principaux évêques, palatins et castellans du royaume. Les ministres du roi peuvent assister aux délibérations, mais ils n'ont pas de voix délibérative. Dans l'intervale annuel des diètes, le sénat exerce, de concert avec le roi, une sorte de puissance législative; mais ses décrets ne sont que des jugemens, et ils doivent être soumis à la première diète qui les confirme ou les révoque. Quand cette diète est convoquée, le sénat et le roi forment la première chambre, qui est en Pologne ce que la chambre des pairs est en Angleterre. Il est des jours d'assemblée générale. Le sénat et l'ordre équestre sont réunis alors dans la même chambre, mais dans une place distincte. Les évêques et les palatins sont assis dans des fauteuils; les castellans, sur des banquettes; les nonces ou les députés de l'ordre équestre se tiennent debout, derrière les sénateurs. Pendant la session, les portes restent ouvertes pour le public; et les spectateurs, pourvu qu'ils soient gentilshommes, sont considérés comme les arbitres de la diète.

D. Combien de temps dure une diète ?

R. Une diète dure six semaines, à moins qu'elle ne soit coupée en deux par le tranchant aigu du liberum veto. Cette parole fatale est la mort violente d'une diète.“ Pour y remédier, on a imaginé les confédérations. Ce sont des assemblees délibérantes qui se forment des débris de la diète, et dans lesquelles, sans avoir égard au liberum veto, tout se décide à la pluralité des suffrages.

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Mais ces décisions, pour avoir force de loi, doivent être ratifiées à la première diète. Alors la difficulté revient toute entière, et l'opposition se montre quelquefois plus formidable. Un inconvénient non moins grave accompagne ces confédérations: c'est qu'il s'en élève souvent plusieurs qui se combattent, qui se déchirent, qui s'anathématisent l'une l'autre ; le schisme est déclaré pour lors; on casse les décrets par les décrets; on brise les sabres contre les sabres.

D. Qu'étoit-ce que ces confédérations qui ont désolé et ensanglanté les premières années du règne actuel? R. C'étoient de véritables croisades contre les noncatholiques, appelés dissidens. Une loi nationale accordoit aux derniers la liberté du culte, mais leur refusoit le partage des honneurs. Cette inégalité choquoit la justice civile et le droit naturel. Un prince, également religieux et philosophe, signala son avénement au trône, en obtenant des Polonois que les dignités politiques ne seroient plus le privilège exclusif de la foi romaine. Celle-ci se crut blessée. Un moine fanatique tonna en chaire contre la tolérance. Le pape, mal instruit et mal conseillé, fulmina une bulle incendiaire. Les confédérés, jaloux des dissidens, s'armèrent contre eux. Ils dévastèrent les campagnes, ils saccagèrent les cités, ils massacrèrent plus de cent mille Polonois, enfin ils enlevèrent le roi, et ils l'auroient égorgé, si l'un des brigands même ne l'avoit dérobé à ses horribles compagnons. Le nonce du pape fut accusé d'être à la tête de cette ligue abominable; et les régicides avoient communié tous ensemble pour consommer leur crime avec plus de ferveur. Le démembrement de la Pologne fut la suite, le terme et la punition de cette rage catholique, le fléau des états.

D. Comment se rend la justice en Pologne?

R. Jadis, les rois étoient chargés de cette fonction, auguste. Les uns abusoient de la magistrature, d'autres la négligeoient. Henri de Valois, transporté sur le trône et le tribunal des Polonois, mais incapable de soutenir le sceptre ni la balance, disoit je trouve singulier que l'on ait voulu faire de moi un jurisconsulte. SigismondAuguste avoit formé le dessein d'ériger des tribunaux,

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