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tellan vient des châteaux-forts dont il étoit le gardien. On appelle Staroste, un noble à qui le roi donne l'usufruit d'un domaine et l'administration des justices royales.

On appelle grand Maréchal de la couronne, le maître du palais, le capitaine des gardes, le juge souverain après la nation, la troisième personne après le roi, et celui qui convoque le sénat, composé de cent cinquante-trois sénateurs.

La diète est convoquée tous les deux ans. Elle s'assemble à Varsovie dans l'ancien château des rois. La chambre des nonces ressembleroit à la chambre des communes angloises, si comme celle-ci elle représentoit le peuple.

Mais le nom seul de peuple blesseroit l'oreille de ces superbes oppresseurs. Casimir le Juste essaya de le délivrer de leur joug: ce fut envain. Casimir-le-Grand tenta la même entreprise : elle échoua. Sigismond - Auguste, ne pouvant abolir la servitude, voulut du moins l'adoucir: elle devint plus rigoureuse. Le pape Alexandre III, avoit lui-même dans le douzième siècle, sollicité, au nom de l'évangile, la liberté des serfs: on se joua de l'évangile. Stanislas second a fait, de nós jours, de vertueux sacrifices pour donner aux nobles l'exemple de la générosité: on s'est joué de la vertu. Rousseau et Mably ont tracé des plans philosophiques pour la réforme de la Pologne: on s'eft joué de la philosophie. Nobles polonois, nobles d'Europe, nobles du monde entier, jugez par-là de l'esprit et du caractère de la noblesse.. Vos généalogies, vos parchemins, vos titres sont la preuve héréditaire de la sottise des nations : pour faire un noble, il falloit dégrader tout un peuple; et plus on élevoit l'un, plus on abaissoit l'autre.

En extirpant cette monstrueuse excroissance, la constitution françoise a redressé la constitution humaine.

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Suppression des Jurandes et Maitrises: Etablissement

des Patentes.

Après avoir donné la liberté au commerce, il falloit bien la rendre à l'industrie. A quel degré de servitude nous étions réduits! Un édit d'Henri III déclaroit, il y a deux cents ans, que le droit de travailler est un droit royal et domanial. C'est de-là qu'on partit pour nous vendre la permission de faire toutes sortes de métier ou de commerce. C'est comme si on nous eût vendu la permission de respirer. Quelle idée devoit avoir des hommes un roi qui pensoit avoir sur eux un pareil droit? Empêcher un homme de gagner sa subsistance avec ses dix doigts, c'est l'empêcher de vivre, c'est le tuer. C'est le droit du maître sur l'esclave, du loup sur le mouton, du vautour sur la colombe.

Faut-il s'étonner que le travail, la plus noble source du bonheur et de la vertu, fût jugé en France une chose honteuse et roturière? Voilà pourquoi noblesse et paresse étoient deux sœurs jumelles et inséparables.

Les jurandes blessent la liberté de deux manières. Elles empêchent l'ouvrier et le marchand de faire ce qu'il veut et ce qu'il peut pour vivre; elles empêchent le consommateur d'acheter où il lui plaît, de faire travailler qui il lui plaît.

Les premières jurandes furent établies par SaintLouis, en forme de confréries; c'étoient les écoles des métiers. En Angleterre, on disoit, l'université des tailleurs. A leur naissance, elles n'avoient point de privilège exclusif. Mais le gouvernement voulut tirer de l'argent des marchands. Alors il donna aux maîtres. le pouvoir de vendre seuls et de fabriquer seuls. Bientôt, pour être admis parmi eux, il fallut que les jeunes gens fissent un apprentissage de plusieurs années; il fallut ensuite payer une grosse somme : autrement, l'ouvrier trop pauvre pour être reçu maître, restoit dans la dependance de ceux qui l'étoient. Ce seul abus faisoit une foule de misérables et de mendians.

Autre vice des jurandes! ces maîtres réunis dans leurs communautés se liguoient, s'entendoient pour

hausser tous les prix des ouvrages et des marchandises. Voilà comment tout se payoit au-dessus de sa valeur. La liberté leur ôte ce moyen de vexation. Chacun pouvant tout vendre et tout fabriquer; ils n'auront plus pour attirer les acheteurs, que la bonne marchandise et le bon marché. Ce sont les habitans des campagnes qui profiteront le plus de cette concurrence. Ĉar les habitans des villes, en vendant plus cher, se récupéroient les uns sur les autres. Ceux des campagnes, au contraire, ne peuvent vendre leurs denrées qu'au prix du marché, qu'ils ne peuvent diminuer ou augmenter à leur gré.

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Enfin les privilèges des jurandes donnoient lieu à une multitude de procès et d'autres dépenses. Les marchands les payoient; mais comme ils rejettoient cette augmentation de frais sur le prix de leurs marchandises, elle finissoit toujours par devenir une charge de plus pour Je consommateur. En un mot, le renchérissement des denrées, causé par ces privilèges, étoit énorme. Il y a vingt ans que des calculateurs habiles l'estimoient plus de quarante millions.

L'assemblée nationale vient de supprimer les jurandes et les maîtrises. C'est pour toute la nation une diminution de charges, et un accroissement de liberté.

Mais l'Etat tiroit un revenu de ces privilèges. Il a fallu le remplacer. Voici la taxe nouvelle qui va être établie. Tout citoyen est libre de faire tel métier ou commerce qu'il voudra, même d'en réunir plusieurs. Mais il faut qu'il se fasse connoître et inscrire à la municipalité du lieu, et qu'il paye à l'Etat une redevance annuelle.

Cette contribution se mesure sur le prix du loyer, et conséquemment se proportionne à l'étendue du commerce et aux gains du commercant et de l'ouvrier.

Elle s'appelle droit de Patente, parce que la reconnoissance de la municipalité et la quittance du droit sera donnée à chacun par une patente particulière.

Voici les divers taux des Patentes:

2 sols pour livre du prix du loyer jusqu'à 400 liv.

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Il y a deux exceptions. Les boulangers ne paieront qu'une demi Patente. Le pain est l'aliment du pauvre. Il faut éviter d'en hausser le prix.

Au contraire les marchands de vin, aubergistes, traiteurs, brasseurs, limonadiers et autres fabricans et marchands du même genre, paieront une patente plus considérable. On a voulu remplacer en partie les aides et les droits sur les boissons qui ont été supprimés.

Quelle que forte que soit cette nouvelle charge, ceux qui la paieront, savent bien qu'ils la feront ensuite payer à tous ceux qui consomment les denrées qu'ils débitent. Demandez à un traiteur pourquoi un mauvais repas vous coûte si cher; il saura bien vous objecter son loyer, sa capitation, toutes ses charges. Qui paye done tout cela? est-ce celui qui fournit le dîner? Non, c'est celui qui le mange. Le marchand fait l'avance. L'acheteur le rembourse, et souvent même avec intérêt. La taxe des patentes sera donc, dans le fait, supportée par la nation entière et par les étrangers, c'est-à-dire par tous ceux qui achètent les productions et les marchandises de France. Ainsi les villes ne peuvent pas plus s'en plaindre que les campagnes, ni l'artisan plus que le propriétaire ou le rentier, ni le vendeur plus que le chaland.

Suppression des droits d'entrées des villes.

Voici un soulagement nouveau qu'il faut additionner à la suite de tant d'autres que nous devons à l'assemblée nationale. Si le droit de patentes a pu élever quelques murmures inconsidérés, la suppression des droits d'entrées des villes mérite des acclamations de joie et de reconnoissance.

Les villes ont payé jusqu'à ce jour soixante-dix millions en taxes d'entrée, dont quarante-six au profit du trésor public, et le reste pour la dépense particulière de ces villes.

Paris, pour sa part, contribuoit ainsi de trentequatre millions, dont vingt-huit étoient payés à l'Etat.

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Ces taxes portoient en partie sur des matières preou marchandises de commerce, et en plus ande masse sur les denrées de consommation nécessaire, telles que la viande, le bois, le vin, les toiles, etc.

Elles ne pouvoient se percevoir que par des moyens onéreux et violens. Les visites aux barrières entraînoient une perte de temps considérable. Or le temps est une richesse. Le temps est le capital du pauvre. Il faut le ménager ou le payer. Ces visites mettoient l'habitant des campagnes dans la dépendance d'une foule de commis qui abusoient souvent de leur pouvoir pour les vexer.

Un pareil impôt donne toujours lieu à la contrebande; et conséquemment aux recherches, aux saisies, aux amendes, aux confiscations, et à des peines indignes d'une nation libre.

Cet impôt pèse sur le pauvre, bien plus cruellement que sur le riche. Un ouvrier qui gagnoit à Paris trente sols par jour, se trouvoit au bout de l'année avoir payė trente-quatre livres en droits d'entrée.

Cet impôt, en rendant la subsistance si difficile dans les villes, les privoit encore d'un autre.moyen de pros. périté. Les manufactures ne pouvoient s'y établir; la journée de l'ouvrier étoit trop chère, et il ne pouvoit vivre.

Cet impôt écartoit aussi des villes une foule d'étrangers et de consommateurs rebutés par la cherté des denrées.

Enfin cet impôt étoit aussi une ruine pour les campagnes. Comme il renchérissoit leurs productions, il en diminuoit la consommation générale. Il diminuoit même leur bénéfice; car les marchés se tenant dans les villes, si les acheteurs sont moins aisés, ils se privent, ou offrent moins. Alors les vendeurs sont obligés de baisser leur prix, plutôt que de remporter la denrée. La suppression des entrées des villes tournera donc aussi au profit des campagnes.

La suppression des entrées est encore pour le commerce national un éclatant bienfait. Les barrières des

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