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églises paroissiales, et vous n'irez plus chercher dans un temple étranger, un pardon que vous croyiez obtenir parce que vous le payiez. L'on ne vous verra plus courir certains jours de l'année, pour aller solliciter des guérisons que vous promettoient les moines et prêtres charlatans qui vivoient de vos pélerinages, et qui rioient de votre superstition. Mieux instruits, vous viendrez demander à vos pasteurs des conseils pour marcher dans les voies du salut, que les riches savoient si bien s'applanir, et que les prêtres ne rendoient pénibles qu'aux malheureux. Bientôt la suppression des fêtes, leur translation aux dimanches, rendra plusieurs jours au travail et à l'agriculture; les cabaretiers seuls y perdront sans doute; mais les mœurs y gagneront; car, sans mœurs point de vraie religion; sans religion, point de vrai bonheur, et là où le bonheur n'existe pas, il ne peut se trouver ni union, ni fraternité, ni civisme.

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Commencez donc, chers concitoyens, l'année 1791 par un sincère retour sur vous-même. Formez la résolution de vous instruire dans la pratique des lois que vous avez juré d'observer. Si vos parens ont eu la foiblesse de négliger votre instruction, n'en punissez pas vos enfans. Riches laboureurs, vous savez par expérience que la meilleure terre, laissée inculte, ne produit rien; que le sauvageon, tout vigoureux qu'il soit, ne porte que de mauvais fruits: vos enfans sont cette terre inculte, ce sauvageon abandonné à la nature : donnez-leur une éducation convenable, et songez que ces premiers soins seront toujours leur plus sûr patrimoine. Elevez des citoyens à la patrie; formez des hommes. Les Romains alloient les prendre à la charrue pour en faire leurs chefs.... Et vous, pauvres manouvriers des campagnes, qui n'avez que vos bras pour nourrir une femme et des enfans, songez que vous avez maintenant une patrie. Si, jusqu'à ce jour, vous avez été oubliés, méconnus, ahandonnés ; vos riches concitoyens, vos administrateurs veilleront aujourd'hui sur vous. Les ressources d'une nation généreuse seront les vôtres. L'homme misérable par sa faute, sera le seul délaissé.

Réjouissez-vous, chers concitoyens; ils sont passés ces momens de crise et de douleur. Bientôt, du milieu

des nuages qui depuis deux ans obscurcissent l'horizon de la France, sortira cette sublime constitution, triomphante du choc de toutes les passions humains. Déja sa consistance déconcerte ses ennemis. Réduits au silence ou à la fuite, leurs ténèbreux complots se dissipent comme la fumée. La fermeté de vos dignes représentans, la parole sacrée de votre monarque, le zèle et la vigilance des gardes nationales, ce concert admirable d'un peuple entier leur annoncent assez que le seul parti qui leur reste à prendre est celui de la soumission. Plaignez-les dans leur aveuglement, mais ne les haïssez pas; ce sont vos frères.... Aimons - nous les uns les autres, mes chers amis. Tous ensemble ne formons plus qu'une seule et même famille, unie par les liens de la fraternité la plus sincère.

Soyez heureux, chers concitoyens, voilà les vœux fraternels que je fais pour vous. Méritez d'être libre et apprenez à l'être, voilà mon uniqué désir.

PICHONNIER, curé d'Andrezel, district de Melun.

Événemens.

CONSTANTINOPLE. Le grand Vizir, ou le premier miaistre du Sultan, a fait étrangler sans autres sentence ju diciaire que son ordre absolu, les gouverneurs des citadelles que les Russes ont prises d'assaut. Les Turcs regardent chaque bataille perdue, comme une fatalité inévitable, et cependant ils punissent le général vaincu, comme s'il avoit pu vaincre sa destinée. La cruauté et l'ignorance ne raisonnent pas. Les Russes qui raisonnent un peu mieux, se préparent, dit-on, à marcher vers Constantinople. Mais on assure que l'Angleterre, de son côté, se prépare à secourir les Turcs. Une bonne flotte Anglaise les sauvera mieux que le fatalisme sur lequel ils se reposent.

ROME. Le saint père ne peut se résoudre à donner bulle que les évêques de France ne cessent de mendier à Rome. Ils ont gagné les cardinaux dont l'intérêt s'accorde avec le leur. Mais ils n'ont pu encore aveugler le souverain pontife, ami de la concorde, savant dans l'histoire ecclésiastique, et dont les principes et

la piété sont favorables aux réformes faites en France, Il sait, il avoue lui-même que la foi et la communion romaine sont respectées par nos lois. Il a vu sans peine le cardinal de Bernis prêter le serment civique. Sa justice a été plus loin: un de nos émigrans traitoit devant lui d'impie et de sacrilège, la constitution civile du clergé; je l'ai lue attentivement, lui dit le saint père: je n'y ai rien vu de semblable: son but est même tres-pieux et très-édifiant; car elle ne veut que deux chose, des évêques moins opulens et des curés plus riches.

GAND, en Brabant. On parloit d'une insurrection formidable dans l'armée Autrichienne. On annonçoit que lés soldats Allemands avoit déclaré d'un commun accord qu'ils ne vouloient plus du code militaire du bâton. Depuis un temps immémorial le bâton étoit employe en Allemagne à châtier les moindres fautes du soldat. Dans les belles années du règne féodal le bâton étoit aussi l'arme ou le sceptre avec lequel un noble insolent gouvernoit à son gré le paysan esclave. En Turquie, les bachas font distribuer aussi avec libéralité cent coups de bâton sur la plante des pieds de quiconque leur a déplu. Enfin, le bâton mène la Chine, dit l'historien de cet Empire. Pour revenir au Brabant, on assuroit que les soldats avoient notifié à leurs officiers que le premier d'entr'eux qui les traiteroit à coups de bâton seroit traité à coups de fusil. La nouvelle est fausse, ou du moins douteuse.

AMSTERDAM en Hollande. Depuis que le Stathouder, c'est-à-dire le chef armé des Provinces-Unies, est devenu, avec le secours de l'armée prussienne, l'arbitre tout-puissant des états de Hollande, beaucoup de patriotes et de négocians tournent leurs regards vers la France, pour s'y réfugier eux et leur fortune. Ils ont chargé leurs correspondans François d'acheter en leur nom des biens nationaux. Ainsi ils apporteront au milieu de nous leurs capitaux, leur industrie; et le ciel françois bénira l'aigent de la Hollande.

TOULOUSE. La ferme de Braqueville vient d'être vendue huit cents mille livres. Elle avoit été donnée jadis à une communauté de Bénédictins par la mauvaise humeur d'un père contre son fils. La chronique du temps raconte ainsi le fait. Ce fils encourut la disgrace pater

nelle pour une perdrix. Il donnoit un grand festin dans lequel chaque convive eut sa perdrix. Une seule restoit à partager entre son père et sa femme. Il la réserva toute entière pour celle-ci. Il faut observer que le père avoit refusé d'abord d'être de ce festin, et qu'il y vint ensuite sans être attendu. C'étoit l'homme du monde le plus bizarre il le prouva bien en cette occasion. Il fut si indigné de la préférence conjugale, et si révolté de n'avoir pas eu la perdrix, qu'il donna sa malé diction à son fils, et tout son bien aux moines.

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NANCI. Un brave cultivateur, s'étant rendu adjudicataire d'un bien national, évalué soixante-dix mille livres, en apporta le prix en louis et en écus. Vlà, s'écria-t-il, mon magot. Ci-devant j'entassions les écus et les louis. Je préférerons désormais les assignats, et j'attendrons pour empiler l'argent que je lisions sur la monnoye cette belle légende, la Nation, la Loi et le Roi.

VANNES en Bretagne. L'évêque de cette ville, celui de Saint-Pol-de-Léon et celui de Tréguier avoient persuadé au peuple de leur diocèse que la vente des biens nationaux alloit attirer la grêle et la stérilité sur toutes les campagnes; que les sacremens administrés par des prêtres sermentés feroient mourir tous les malades; que la messe célébrée par les nouveaux pasteurs, seroit nulle et sacrilége; enfin que les évêques nouvellement élus ne seroient pas sacrés ni ordonnés évêques, et qu'ainsi on alloit fermer les églises, les confessionnaux et les cimetières. Le peuple, effrayé de ces menaces ridicules, s'est porté à des résistances criminelles. Mais des prêtres plus sages et plus véridiques ont expliqué à la multitude en qnoi consistoit la réforme de l'église gallicane. Ils ont dissipé les craintes, et arrêté les troubles. Tout est calme en ce moment, grace aux bons citoyens: mais que dire des évêques qui avoient trompé et soulevé leurs diocèses? L'assemblée nationale a mandé ces trois prélats séditieux.

BESANÇON. La garde-nationale a établi en cette ville un cabinet littéraire où sont rassemblés tous les citoyens et tous les journaux. La lecture en est faite aux personnes qui ne peuvent se procurer ces feuilles. Par-là les lumières circulent dans la classe la plus pauvre qui est celle que les mécontens abusent par de fausses

nouvelles. Ce cabinet littéraire sert à détruire le mensonge, à répandre la vérité, et à fortifier le patriotisme. C'est une institution heureuse que l'on devroit imiter dans toutes les villes du royaume.

BLOIS. L'excellent abbé Grégoire, un de nós bons législateurs, un des théologiens les mieux instruits, qui a si bien défendu la constitution civile du clergé et plaidé si éloquemment pour la cause touchante et juste des esclaves-noirs, vient de recevoir le prix de ses vertus il est élu évêque de Blois : c'est un bonheur pour cette ville et un triomphe pour la religion.

CHARTRES. A l'exemple de Blois, Chartres a élu pour évêque un ancien pasteur recommandable par ses mœurs, ses lumières, et sa franchise, M.le curé de Saint-Michel.

CHATILLON. Des paysans, excités par des perturbateurs publics, ont voulu empêcher leurs voisins d'acheter au marché un bled dont eux-mêmes n'avoient plus besoin. Dans leur égarement ils menaçoient les jours du maire. Celui-ci, après avoir épuisé tous les moyens de douceur, ferme dans ses principes et dans sa contenance, s'est présenté aux rebelles, la loi dans une main et le pistolet dans l'autre. Le commandant de la garde-nationale l'accompagnoit et montroit le même courage. Leur présence et leur intrépidité a ramené le calme, et soumis des gens plus échauffés que pervers. Les deux héros se nomment Jalouzet et Bezard. Leur conduite apprend aux hommes publics qu'ils doivent être prêts également à s'immoler pour le peuple qu'on opprime, et à s'exposer devant le peuple qu'on égare.

RHEIMS. Les femmes de la Halle viennent de donner une autre leçon aux femmes de l'aristocratie. Ces dernières, accoutumées au luxe et aux distinctions orgueilleuses, ont fait porter devant elles à l'église des carreaux galonnés d'or, et des sacs d'heures en velours cramoisi. Le lendemain les femmes de la Halle se sont rendues à la même église, en faisant porter devant elles de gros oreillers et de grandes sacoches. Ce qui a beaucoup diverti les spectateurs et corrigé les dames de leur faste religieux.

CROSNE, près de Paris. M. Berthou, curé de ce lieu, célèbre par la naissance de Boileau, a prononcé, avant

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