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d'une armée pour être respectée d'un peuple qui mourroit de faim si ses voisins ne la respectoient pas. Comment peut-on oublier la leçon du meunier: si tu arrêtes l'eau à ton moulin et le grain à ta ferme, ton voisin en fera de même, et de proche en proche l'eau et le pain manqueront au monde.

PARIS. On avoit répandu le bruit qu'il y avoit un complot pour enlever le roi et sa famille. Voilà le centième complot ou le centième bruit de cette espèce. Le zèle inquiet est comme un somnambule qui, en rêvant monte sur les toîts pour effrayer le peuple, et le peuple effrayé court sonner le tocsin, au lieu de dormir tranquille.

L'assemblée nationale a discuté avec l'attention la plus sévère l'imposition du tabac. Dans la nécessité dé conserver un revenù public, et de ne pas charger toutà-coup les terres du fardeau universel des contribu tions, elle a cru important, elle a cru indispensable de conserver la recette qui est fondée sur les lois prohibitives du tabac. Un député objectoit que la culture du tabac devoit être libre comme celle des grains et des plantes. Un autre député a répondu que la constitution avoit établi l'égalité des hommes et non pas celle des plantes.

L'assemblée nationale reçoit chaque jour une foule d'adresses ecclésiastiques. La partie saine du clergé adhère toute entière aux décrets. La partie malade ou gâtée s'y refuse. N'importe, on a la preuve que le tiers du clergé a prêté le serment. Ce tiers suffit pour remplir les fonctions pastorales. Le reste peut demeurer oisif, pourvu qu'il demeure tranquille.

Un curé opposoit sa conscience à la loi du serment. Hé bien, lui dit le marguiller au nom de sa paroisse entière: si vous nous quittez, nous ne reviendrons plus dans cette église, et si nous sommes damnés, vous en répondrez à Dieu: voyez si votre conscience veut encore se séparer de la nôtre : le curé pleura d'atten drissement et jura de bonne foi.

Un prêtre de Saint-Sulpice, étoit chez des personnes pieuses, mais raisonnables. Il leur exagéroit son chagrin d'être obligé de quitter sa place ainsi que ses obstinés et aveugles collègues. Nous partons bientôt, dit-il, et nous emportons tout avec nous. Emportez-vous aussi le bon Dieu ?- Non. En ce cas, Messieurs, parteż quand vous voudrez.

ANNÉE

DE LA

FEUILLE VILLAGEOISE.

VINGT-UNIEME SEMAINE.

Jeudi 17 Février 1791.

Lettre de quatre Laboureurs aux auteurs de la
Feuille Villageoise.

MESSIEURS,

Vous êtes nos précepteurs; quatre de vos jeunes disciples ont désiré vous instruire du patriotisme qui règne dans le village, depuis qu'on y lit vos feuilles: et nous avons choisi le premier jour de l'année pour vous la souhaiter bonne et heureuse. Nous souhaitons aussi profiter pendant cette nouvelle année de vos sa ges instructions. Nous le désirons même pour tous les villages de la France. S'ils avoient tous lu ou entendu lire les leçons de nos précepteurs, quelquesuns ne seroient pas tombés dans les excès, dont nous avons gémi quelquefois. Ils croyoient peut-être faire ce mal à des aristocrates. Ils devenoient euxmêmes des aristocrates cent fois pires.... O vous, nos chers confrères laboureurs, ne déshonorons jamais ainsi la charrue n'employons la force des armes que

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contre les ennemis de notre constitution! Bénissons l'assemblée nationale; aimons notre roi et apprenons par Cœur nos devoirs.

Nous vous prions, Messieurs, de nous dire un mot, au sujet du nouvel arrondissement des paroisses. C'est une loi qui nous inquiète....

Nous remercions bien Madame Sillery de BONNES MORALES qu'elle nous donne. Elle a bien raison. Nous sommes aussi heureux que dans les villes....

Au printemps, les dimanches et les fêtes, nous irons nous mettre au bord de la plaine; et là en voyant profiter nos bleds, nous nous occuperons à vous lire pour notre instruction. Notre temps sera mieux occupé qu'au cabaret et au jeu...

Nous vous souhaitons une bonne santé et sommes, Messieurs etc. Jean Pignon, Martron, Rochés, Jussaume, laboureurs.

Au village de la Bourlianderie près Civray, en Poitou, département de la
Vienue, le Janvier 1791.

Réponse.

Nous n'avons jusqu'aujourd'hui reçu aucun éloge plus flatteur, que ceux qui nous sont donnés par cette lettre touchante, que nous n'avons fait qu'abréger. Il est doux de penser que des hommes estimables croyent nous devoir une partie de leurs sentimens. Le plus bel ouvrage n'a rien d'aussi beau que les vertus qu'il fait éclore.

Quant aux nouveaux arrondissemens des paroisses, ils ne doivent point alarmer nos concitoyens des campagnes. Ces changemens ne seront faits qu'avec les plus soigneux égards.

Bien loin de produire les inconvéniens que l'on redoute, ils sont destinés à les prévenir. Par - tout où le paroissien se trouveroit trop éloigné de la paroisse, la loi veut qu'un vicaire s'y transporte, pour y exercer son ministère. D'ailleurs les districts et les départemens ne feront cette circonscription nouvelle, qu'en consultant les municipalités.

ON

Suite de la Géographie universelle.

N nous demande, comme une chose, importante, de ne pas terminer la description de l'Angleterre, sans donner une idée précise des différentes sectes religieuses qui vivent dans son sein. Rien n'est plus facile.

La Grande-Bretagne fut soumise autrefois aux superstitions affreuses des DRUIDES. Ces prêtres cruels renfermoient des hommes dans une statue d'osier colossale qui représentoit leur dieu THEUTATÈS, et à laquelle ils mettoient le feu.

Cette divinité barbare tomba devant le christianisme; mais les ministres de Jésus imitèrent quelquefois ceux de Theutatès; et leur ambition, et leurs cabales, et leurs impostures ont ravagé long-temps ce royaume.

Le souverain pontife étoit parvenu même à lui imposer une taxe que l'on nommoit le DENIER de SaintPIERRE; et dans son avarice, il excommunioit les rois,. qui voulant affranchir leur couronne refusoient le denier de Saint-Pierre, ou plutôt le larcin des papes. L'orgueil de Henri VIII, et la fierté du peuple Anglois, profitant de l'exemple donné par Luther et par la moitié de l'Allemagne, secouèrent le joug de Rome. Quelques prêtres, se croyant obligés d'être martyrs de la papauté, payèrent chèrement leur résistance, qui qui ne pouvoit retarder une révolution amenée par les fiècles.

La religion ANGLICANE est devenue dès lors la foi dominante de l'Etat. Elle attribue la SUPREMATIE, c'està-dire le pouvoir de régler la discipline ecclésiastique, au monarque Anglois; et à son couronnement, il est revêtu d'un surplis, d'une étole et d'une dalmatique. En même temps, il prend sur l'autel un calice, une patène et un sceptre surmonté d'une croix, pour annoncer au monde que le chef de la nation est aussi le chef de l'église.

Soumis à leur monarque, les prélats auglicans reçoivent de lui leurs bulles, et lui paient les ANNATES,

c'est-à-dire la première année de leur rente épiscopale. Ces annates sont consacrées à la réparation des églises et au soulagement des curés pauvres.

Chaque diocèse a un certain nombre de doyens et d'archi-diacres, qui sont le conseil des évêques, les inspecteurs des paroisses, et les présidens honoraires des synodes qu'ils ont le droit de convoquer.

Le clergé anglican est composé de deux primats, de vingt-cinq évêques, de vingt-six doyens, de soixante archi-diacres, et d'environ dix mille pasteurs. Ce clergé n'est pas fort opulent; mais il est très-pieux et très exemplaire. Chaque prêtre, pouvant, selon l'usage de la primitive église et le droit naturel, participer, ainsi que tout fidèle, au sacrement du mariage, le bonheur domestique influe sur ses mœurs et les rend plus pures et plus régulières. Chaque pasteur donne une demiguinée par an pour composer un fond qui sert à doter les filles des ministres et à nourrir les veuves.

Aucune église n'a produit des pontifes aussi décens, ni aussi laborieux que ceux de l'église anglicane. Sa profession de foi contient trente-neuf articles, et tout fonctionnaire public est obligé de jurer qu'il y adhère ; il ne jure pas de CROIRE, il jure d'OBEIR.

une

L'Angleterre d'ailleurs tolère toute sorte de croyance. Les calvinistes qui rejettent l'épiscopat, comme charge onéreuse et inutile, y ont formé la secte des PRESBYTERIENS, c'est-à-dire des simples ministres. La secte des PURITAINS ne diffère de celle des presbytériens que par une doctrine plus rigide et un patriotisme plus ardent. Ils sont les ennemis implacables de la cour et les intrépides soutiens de l'OPPOSITION, ou du parti populaire.

Aussi intègres, mais plus paisibles et plus indulgens, les QUAKERS, célébres autrefois par leurs extases fanatiques, se distinguent aujourd'hui par leur incomparable humanité. Le caractère de leur religion est une méditation impartiale des écritures saintes, la fraternité évangélique, la parole permise à tout inspiré, le sacerdoce donné à tout père de famille, des pasteurs sans ordination et librement choisis par l'assemblée des fidèles, l'adoration de l'Etre-suprême sans vaines sima

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