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SAINT-LAURENT DE CERDA, département des Pyrénées. Le trait que nous venons de rapporter, nous en rappelle un semblable. Quatre habitans de SaintLaurent de Cerda, revenoient de la montagne, sur des mulets: un torrent gonflé par l'orage les arrêta. L'un d'eux voulut sonder le gué; il se cramponne sur son mulet et se lance à l'eau. Vers le milieu du torrent, il est emporté, culbuté. entraîné par les flots. L'un des trois restés sur le rivage, voyant son camarade prêt à périr, se jette à l'eau tout habillé, le joint à la nage, et le porte à demi-mort au rivage opposé. Là son camarade se lamente sur la perte de son mulet qui étoit tout son bien. Alors ce brave homme rentre dans le torrent, va droit au mulet qui se débattoit sous sa charge, coupe les sangles pour l'en débarrasser. Le mulet, en se relevant, frappe à la poitrine de son libérateur; il s'évanouit et le torrent l'entraîne. Celui qu'il avoit sauvé et à qui il alloit rendre son mulet, voyant son bienfaiteur entraîné par les flots, s'y rejette à l'instant, et parvient à le ramener au rivage où il reprend ses sens; et ils rentrent tous deux sains et saufs à Saint-Laurent de Cerda. Ils furent couronnés et récompensés tous deux à Perpignan, au milieu de l'assemblée publique d'Agri

culture.

AVIGNON. Une armée de trois mille hommes, commandée par M. Patrix, est allée d'Avignon assiéger la ville de Cavaillon, distante de quatre lieues. Arrivée devant les remparts, le général envoya un trompette sommer les habitans de se rendre. Sur leur refus on livra l'assaut et de part et d'autre le combat fut vif et sanglant. La porte fracassée par des boulets laissa l'entrée aux assiégeans qui parcoururent la ville, lançant et recevant des coups mortels. Après bien des violences réciproques, l'armée d'Avignon est revenuė chez elle, en menant trente prisonniers. Voilà l'abrégé du combat, en voici le motif. Cavaillon, ainsi que Carpentras, travailloit, dit-on, à soulever tout le Comtat Venaissin contre Avignon et la France.

ANGERS. Les évêques ont fait circuler dans cette ville et dans presque tous les diocèses, une bulle

supposée du pape. Cette bulle, quoique grossièrement fabriquée, n'a pas laissé que de troubler quel ques cervelles d'une fabrique non moins grossière, Tant il est vrai que les plus misérables inventions font toujours fortune quelque part, Nos évêques dissidens voudroient bien retrouver en ce siècle la crédulité des siècles passés. S'ils apperçoivent quelques demeures enveloppées encore de préjugés, c'est là qu'ils portent leurs machinations: c'est là qu'ils attachent leurs mandemens, ou plutôt leurs libelles. Ils aiment mieux contrefaire les bulles du pape qu'imiter ses

vertus.

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PARIS. Il s'est passé à un lieu voisin de Paris, nommé la Chapelle, une scène vraiment déplorable. Un épicier étoit soupçonné de recéler dans sa maison de la contrebande. Sous prétexte de visiter sa maison, plusieurs chasseurs des barrières y commirent des excès. L'épicier se plaint sa femme crie: elle est frappée d'un coup de sabre les voisins accourent: le tocsin sonne le maire de la Chapelle se présente : on le menace, on l'attaque lui-même.: il échappe, par une prompte retraite, à un assasinat. La garde nationale arrive pour mettre l'ordre : elle est fusillée par les chasseurs, et les fusille à son tour. Quelques personnes sont tuées et plusieurs blessées. Les chasseurs sont mis en fuite, et huit sont faits prisonniers et conduits à l'abbaye. On regarde cette aventure, comme la branche d'un vaste complot; mais peut-être n'est-elle que le fruit malheureux du hazard, de l'intérêt ou de l'ivresse.

Le lendemain le peuple ameuté s'est emparé d'un homme qu'on lui représentoit comme un espion: il alloit l'exécuter avec cette barbare promptitude et ce despotisme meurtrier auquel on l'avoit accoutumé et dont il sembloit enfin corrigé pour toujours: la garde nationale est accourue: elle a délivré ce malheureux de la main d'un peuple tigre et bourreau. Il étoit tigre et bourreau dans sa furie: redevenu plus calme, il a béni lui-même ceux qui lui ont épargné une atrocité nouvelle.

Le roi a fait part à l'assemblée nationale d'une lettre

de l'empereur. Dans cette lettre, Léopold demande à Louis seize quelques dédommagemens qui sont dûs aux princes de l'Empire pour leurs possessions en Alsace; et il lui annonce en même temps que toutes les cours environnantes sont à l'égard de la France dans des dispositions non-seulement pacifiques, mais fraternelles. Quoique cette lettre amicale ne ressemble à rien moins qu'à un manifeste, quoiqu'elle doive inspirer de la confiance, l'assemblée nationale et le roi ne négligent aucune des précautions. On a décrété même qu'il seroit fait dans les départemens du royaume une distribution nouvelle de quatre-vingt dix-sept mille fusils. La défiance est l'arme de la paix.

La guerre du sacerdoce touche à sa fin. L'armée des faux dévots est chassée par le mépris et battue par la raison. M. l'abbé Grégoire lui a donné le dernier coup par son excellent ouvrage, intitulé: la légitimité du serment ecclésiastique. Cet écrit le met au rang des auteurs et le désigne à celui des évêques.

L'assemblée électorale du district de Paris, a été convoquée, dimanche 30 janvier, dans l'église métropolitaine, afin de procéder, en présence du peuple, à la nomination des cures vacantes par l'infidélite des pasteurs qui ont refusé de prêter le serment civique imposé par la loi. M. Poirée, supérieur de la congrégation de l'Oratoire, et recommandable par toutes les vertus chrétiennes et toutes les qualités d'un bon citoyen, a été élu curé de Saint Sulpice. Jamais aucun Concile n'a offert un coup-d'œil plus imposant. L'union, le silence donnoient une dignité nouvelle à cette cérémonie. Le moment où les électeurs ont juré tous ensemble de faire le meilleur choix, a frappé tous les spectateurs d'un religieux saisissement. On auroit dit que Dieu étoit lui-même présent au scrutin. Un peuple nombreux considéroit ce spectacle avec le plus silencieux respect. Le public n'a pas besoin de magistrats ni de gardes lorsqu'il voit faire le bien, et son attendrissement le retient dans l'ordre et la décence.

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Discours prononcé par M. le curé de Chretienville, département de l'Eure.

"Messieurs, des ignorans ou des fanatiques ne craignent pas de répandre dans le public que le serment que nous allons faire est un serment schismatique et hérétique, , que nous devions nous exposer à la misère et au martyre, plutôt que de le prêter. Chacun de vous, Messieurs, va juger combien ces propos sont téméraires et mal fondės.

"Qu'est-ce qu'on exige de nous et de tous autres ecclésiastiques? Rien qu'on n'ait exigé des ambassadeurs, de tous les magistrats, de tous les militaires, de toutes les gardes nationales, de tous les citoyens actifs, des ministres et du roi lui-même.

"On exige que nous promettions trois choses sur la foi du serment. On exige d'abord que nous promettions de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui nous est confiée.

"Je vous le demande, Messieurs, cette première promesse n'est-elle pas de droit naturel ? A-t-on jamais confié un poste ou un ministère sous la condition de ne pas en remplir les devoirs ? Il n'y auroit pas de bon sens à l'imaginer.

"On exige, en second lieu, que nous promettions d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi.

"Je vous le demande encore, Messieurs, que peuton appercevoir de si répugnant dans cette seconde promesse? Peut-on méconnoître la souveraineté de la nation, de la loi et du roi, en matière d'administration et de police extérieure? La soumission que nous leur devons n'est-elle pas de précepte divin et de précepte humain? En opposant la désobéissance ou la rebellion, ne se rend-on pas coupable envers Dieu et envers les hommes? On ne peut donc pas se refuser à cette seconde promesse.

"On exige, en troisième lieu, que nous promettions de maintenir de tout notre pouvoir la constitution décrétée par l'assemblée nationale et acceptée par le roi. "Mais il n'y a pas de milieu; il faut que j'adopte

cette

cette constitution, ou que j'en adopte une autre. Sans cela je suis un être isolé et véritablement schismatique. 3 » Mais si je ne tiens à aucune constitution, je me - condamne à l'état de sauvage, et je romps les nœuds de toutes les sociétés.

"Mais si je tiens à une constitution étrangère, je cesse d'être Français et j'affiche l'indépendance à l'égard de ma nation et à l'égard de mon souverain: je m'excommunie moi-même au préjudice de mes intérêts et au mépris de la loi de Dieu.

„Voilà, Messieurs, les trois articles qui sont l'objet de nos promesses et de notre serment. Je vous le demande encore, s'il pouvoit y avoir quelqu'ombre de schisme, quelqu'ombre d'hérésie sur des matières d'administration civile, de quel côté verroit-on partir ou le schisme ou l'hérésie?

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Les promesses qu'on exige de nous sont donc conformes aux principes les plus naturels et aux idées les plus incontestables de notre sainte religion.

C'est d'après ces réflexions abrégées que je fais avec sincérité la déclaration suivante :

,, Il ne m'en coûtera pas d'effort pour prêter le ser-' ment décrété par l'assemblée nationale. Je n'ai besoin que de suivre les lumières de ma conscience et les mouvemens de mon cœur. A mes yeux, aux yeux de l'université de Paris, aux yeux de presque tout le clergé du royaume, la nouvelle constitution française n'a rien qui blesse la religion catholique, apostolique et romaine, rien qui doive faire regretter l'ancien régime, rien qui ne tende à l'utilité générale. Depuis environ deux ans, dans un cahier rendu public par la voie de l'impression, j'ai manifesté mes vœux pour une réforme entière. Je vois avec la plus grande satisfaction que tous les états sont rappelés à leur institution primitive, que les abus s'extirpent jusqu'à la racine, et qu'il s'établit un nouvel ordre conforme aux

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