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à la nation. Il n'est pas plus permis de dévaster qu'il n'est permis de moiffonner dans le champ de fon voifin ou de voler dans un grenier public. La liberté fans juftice eft la deftruction du monde. Toute entreprise violente eft une entreprise ariftocratique. Tout délit impuni eft un crime de despote. Le brigaudage et l'anarchie pro duifent l'infortune et la mendicité, et celles-ci conduifent tout droit le peuple, ou fur l'échafaud, ou à l'hôpital, ou à l'esclavage.

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PARIS. M. de Villette a dénoncé, aux amis de la religion et de l'humanité, une action atroce, commife fur la paroiffe de SaintRoch. La femme d'un pauvre ouvrier, manquant de tout voit mourir, entre fes bras, fon fils qu'elle alaitoit. Elle va porter, toute en larmes, fon cher fils a l'églife, et demande un enterrement de charité. On exige neuf francs. Si je les avois, dit-elle, mon enfant ne feroit pas mort, faute de fecours. On confent à l'inhumation. On fournit une bière qui fe trouve trop courte. La mère defolee follicite un cercueil qui puiffe renfermer les restes de fon fils. L'abo. minable foffoyeur prend le cadavre de l'enfant, lui brise les jambes, et le jette dans ce coffre fusèbre. A ce fpectacle, fa mère s'évanouit. On la porte chez elle faus connoiffance. La pitié et l'indignation fe foulèvent à ce récit. Tous les voilins accourent. Mde. de Villette ayant appris cette horrible aventure, s'eft empreffée d'aller ficourir, confoler, reffufciter en quelque forte une mère au désespoir.

Questions faites par des Abonnés..

Première. Un curé peut-il être affeffeur d'un juge de paix? Réponse: L'article I du titre XIII du décret général fur l'organisation judiciaire, dit que les ecclésiastiques ne peuvent être élus aux places des juges dont les fonctions font déclarées incompatibles avec leur miniftere. Or les fonctions de l'affeffeur font des fonctions judiciaires, puifqu'il concourt aux décisions du juge de paix. Ainfi nous ne penfons pas qu'un curé puiffe être aiicffeur, d'autant plus que l'affeffeur remplit la place de juge de paix lorfque celui-ci vient à mourir et que fon fucceffeur n'eft pas encore nominé.

Seconde. Un juge de paix peut-il fe difpenfer d'avoir un greffier, et s'acquitter lui-même de cet office? Réponse: La loi décide le contraire en ordonnant dans fes decrets fur l'organifation judiciaire que chaque tribunal aura un greffier qui ne pourra pas méme étre parent du juge.

Troifième. On nous demande où nous avons trouvé la nouvelle de Vienne, relative aux évêques de Hongrie, et quelle est l'impératrice qui leur a donné la leçon citée dans le N. 17 de notre feuille. Reponfe: Nous avons trouvé l'anecdote dans tous les journaux allemands et entr'autre dans le couriers du Bas-Rhin. L'impératrice qui sait fi bien conduire fon ménage et réprimander les évêques, c'est la femme de Léopold, l'empereur régnant.

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C'eft par erreur que dans notre Numéro 16, page 294, nous avons rapporté, comme décrété, la proposition qui a été faite municipalités ne puiffent envoyer des députés auprès de l'aflemblée nationale, que fur l'autorifation expreffe des départemens. Cette motion, fi conforme à l'ordre hiërarchique des pouvoirs, et aux vrais intérêts du peuple a simplement été accueillie et renvoyée au comité de conftitution.

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N°.

No. 19.
ANNÉE

DE LA

FEUILLE VILLAGEOISE.

DIX-NEUVIEME SEMAINE.

Jeudi 3 Février 1791.

LES partisans des influences de la lune ne manqueront pas d'objecter que cet astre étant la cause du flux et reflux de la mer, peut aussi influer sur l'at-. mosphère et causer des changemens de temps; l'objection n'est pas à mépriser; mais avant de la combattre, je me vois obligé de parler aux bons villageois d'un des plus beaux phénomènes de la nature, de l'attraction, soupçonnée des anciens, affirmée par Bacon, ét dont Newton a démontré les lois admirables.

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Le premier moteur de l'univers a imprimé aux nètes une force d'impulsion qui les fait tourner dans l'espace; mais indépendamment de ce mouvement, elles ont une tendance à se rapprocher mutuellement, et cette tendance est appelée attraction ou gravitation. Le globe de la terre étant composé d'une partie solide et d'une partie liquide, cette dernière qui est mobile cède facilement à l'attraction de la lune et voilà le haussement des marées; mais pourquoi ce soulèvement a-t-il lieu pendant six heures ainsi que l'abaissement? En voici la raison.

Par le mouvement journalier de la terre en vingtquatre heures, la lune paroît être douze heures à par courir la moitié de l'hémisphère, et les plages de la mer sur lesquelles elle est perpendiculaire éprouvent instantanément les plus hautes marées, et à mesure qu'elle s'en éloigne, les eaux s'abaissent. Mais dans la

partie opposée de notre globe qui n'est point éclairée de cet astre, le même effet des hautes marées a lieu par une raison toute contraire que voici.

La masse du globe de la terre éprouvant du côté de la lune la force de l'attraction, son mouvement en est accéléré; mais dans le côté opposé qui ne peut être attiré par la lune, les eaux ne pouvant participer à cette accélération, restent dans une espèce de langueur ou de retard; c'est ce qui forme un autre flux et reflux en sens contraire; il y a donc deux flux et reflux en vingt-quatre heures.

S'il y a quelques variétés dans ces effets, elles viennent de l'attraction du, soleil combinée avec celle des deux autres corps selon l'aspect plus ou moins direct que le soleil a sur eux; de là il arrive que dans les sysigies ou nouvelles lunes, le soleil et la lune exerçant toute leur force par le même côté, les marées sont plus considérables. Mais ce soulèvement des eaux est généralement uniforme, constant et périodique: il obeit sans cesse à la cause immédiate qui le produit; on est sûr qu'à telle heure demain la marée sera dans la hauteur, et à telle heure dans la plus grande baisse, conformément au lieu de la lune; mais revenons à l'objection: il n'en est pas de même sur le continent; la lune occasionne sans doute quelques troubles dans l'atmosphère par son attraction, mais on n'y sauroit jamais appercevoir aucune régularité, aucune périodicité, c'est le soleil seul qui par sa chaleur est la cause des vents et des autres météores; il est donc démon. tré que les phases de la lune n'ont aucune connexion avec les changemens de temps, et que bien que la lune soit la cause immédiate du flux et reflux de la mer, il est inconséquent de compter sur les phases pour en attendre un changement quelconque dans l'atmosphère, du chaud ou du froid, de la pluie ou du beau temps. Signé, PASQUIER.

Entretien de M.ETIENNE sur la nouvelle procédure criminelle, ou sur le jugement par JURE'S.

N.

os lecteurs ont-ils oublié M. ETIENNE et ses instructions sur l'impôt? Pour nous, qui n'avons pas perdu de vue ce bon et sage cultivateur, nous allons rapporter le discours qu'il tint, il y a peu de jours, devant les plus braves gens du lieu, rassemblés dans sa grange. Voici comme il débuta: Pour cette fois, mes chers pays, je puis me flatter d'avoir de grandes et bonnes choses à vous dire; et c'est bien sans vanité que je vous l'annonce. Car je ne suis ni plus sage, ni plus savant qu'un autre. Mais j'ai, Dieu merci, le temps d'ouvrir de bons livres et de consulter des hommes instruits. Ce que j'ai puisé chez eux, je viens le verser chez vous. Voilà tout mon secret: Ecoutez-moi donc bien; car si vous manquez d'attention, je manquerai de mémoire; et nous y perdrons tous.

"Mes amis, continua-t-il, après s'être un instant recueilli, vous savez que je ne suis ni avide, ni chicaneur, ni méchant. Cependant j'ai eu dans ma vie deux grands procès et deux procès criminels. Je m'étois plaint des vexations d'un gabelleur. Dans le même temps, je m'étois opposé à la tyrannie d'un seigneur du canton. La ferme protégea son commis. Le seigneur étoit le favori de la femme d'un président. D'un côté on m'accusa de faux-saunage; de l'autre, on m'imputa des injures et un complot. Bref, j'étois riche; on se contenta de me ruiner. Si j'eusse été pauvre, à pelue en aurois-je été quitte pour les galères ‚‚.

Ce qui m'est festé de ces aventures, c'est une grande frayeur des procès, et sur-tout des juges. La révolution elle-même n'avoit point calmé ces craintes. Ces jours derniers, je revenois de la ville voisine avec notre ami M. GERSON. Cet excellent homme venoit d'être nommé juge de notre tribunal. Nous cheminions en silence. Son cheval marchoit devant le mien. Je le regardois, et réfléchissant à sa nouvelle place, tout-à

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coup, je me dis à moi-même ; -- Voilà pourtant le meil leur homme du monde, qui peut-être sera un jour le maître de m'assassiner ou de me faire. grace, suivant son bon plaisir, et sans que personne puisse s'en plaindre. Cette pensée me saisit avec tant de force, que je ne pus la lui cacher. Il n'en fut point blessé ; car il m'aime, et il sait que je l'estime. Nous suivîmes cet entretien, et je lui avouai qu'aucun citoyen ne me sembloit parfaitement libre, du moment que tous devoient avoir la même crainte que moi. Il sourit, et me répondit: C'est apparemment pour vous rassurer, que la constitution a établi des juges nommés par le peuple, et seulement pour un temps limité. --Je repliquai que ce remède ne me rassuroit point du tout. Vous êtes juge, lui disois-je, mais moi, j'ai été accusé. J'ai vu que depuis l'ouverture d'un procès, jusqu'à la sentence, le juge étoit le maître d'obscurcir ou d'éclaircir mon innocence ; j'ai vu qu'il informoit, qu'il entendoit, qu'il interrogeoit, qu'il admettoit les témoins, qu'il évaluoit les preuves, qu'il mesuroit la peine, le tout presque à sa fantaisie. J'ai vu que toutes les facilités étoient pour l'accusateur, et tous les obstacles contre l'accusé. Je suis libre de vous élire. Soit; mais vous êtes libre de me faire pendre. Et que m'importe que vous perdiez votre place, quand j'aurai, moi, perdu lá vie? Il vouloit me répondre je l'ar: rêtai, et je poursuivis. Maintenant, dites-moi, M. Gerson, un peuple est-il libre, seulement parce qu'il peut nommer ses représentans, ses administrateurs et ses magistrats? Non, sans doute, si tous ces gens-l s-là peuvent impunément abuser de leur pouvoir; si tout citoyen ne peut en tout temps, tout haut, et par-tout, se plaindre de ces abus. Eh bien! le pouvons-nous, s'il

y a une espèce d'hommes plus à craindre pour nous que les lois, et du caprice desquels nous dépendrons aujourd'hui ou demain. Ces hommes-là, c'est vous autres juges, Tous ceux qui ont l'autorité en main, font naturellement cause commune, et vous vous appuierez tous les uns les autres. Les hommes que nous élisons pour nous gouverner, nous domineront sitôt qu'ils ne craindront plus nos plaintes; et ils ne les craindront

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