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C'est avec ce langage imposteur que d'ambitieux pontifes ont ébranlé tant de couronnes et brisé tant de sceptres. Je ne scandaliserai pas le sanctuaire, en répétant ici les blasphèmes que les papes ont fait prononcer contre l'église de Jesus-Christ; je me contente d'op poser les saintes maximes de son évangile aux prévarications de ses ministres. « Mon roycume n'est pas de , ce monde : rendez à César ce qui appartient à César. Il n'y aura parmi vous ni premier ni dernier. Celui ,, qui refusera d'écouter l'assemblée des fidèles, sera mis 9 au rang des idolâtres et des publicains ".

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Voilà, mes frères, des textes précis; voilà d'éternels décrets. Ceux de la constitution civile du clergé en sont l'image ressemblante et la copie exacte Comment ́oserai-je donc les combattre? comment balancerai-je à m'y soumettre? Quel est le seul cas où la conscience doive, non-seulement se déclarer, mais se révolter même contre le gouvernement? Quel est le moment juste de l'insurrection religieuse? l'oracle de l'église Saint-Augustin, l'a marqué, l'a prescrit dans ces paroles mémorables: L'église, a-t-il dit au chapitre dixsept, livre dix-neuf de la cité de Dieu, l'église doit se conformer aux mœurs, aux lois, aux établissemens politiques des Etats, sans les attaquer, sans les contester même excepté lorsqu'un gouvernement s'oppose au culte du vrai Dieu. Non curans quidquid in moribus, in legibus, institutis que diversum est, nihil

eorum rescindens nec destruens immo etiam servans ac sequens, si religionem quá unas summus et verus Deus colendus docetur; non impedit."

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Adorateurs de l'Etre-Suprême, reconnoissez dans ce passage vraiment divin, la morale de Jesus-Christ, le dogme du bon sens, la théologie de la conscience. éclairée. Oui, mes frères, les diversités de législation, de savoir. de meurs et de coutume, quoiqu'intéressantes pour l'esprit humain, sont tolérées par la foi chrétienne, si elles admettent, si elles conservent le culte du véritable Dieu, et tant que cet immortel fam beau luit sur un empire, on peut laisser librement errer de passagers nuages: nihil curans, si religionem qua unus Deus colcndus docetur, non impedit.

Fénelon, le plus vertueux évêque de son siècle, a pensé comme Saint- Augustin. La fidélité civile, dit-il dans ses maximes des saints, s'accorde avec la foi religieuse. La seule différence entre elles, c'est que la première lie les mains, et que la seconde lie les sentimens en un mot, l'une obéit et l'autre creit.

L'ennemi de Fénelon et le rival de son éloquence, Bossuet a proclamé d'une voix éclatante cette même doctrine. Il n'existe, dit-il dans sa défense de la cé lèbre déclaration du clergé de France, il n'existe qu'un seul cas où il soit permis de résister aux magistrats : c'est s'ils se disoient les égaux ou les supérieurs de Dieu, si Deo superiores esse velint.

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Quel est l'homme insensé ou hypocrite, qui oseroit dire que la constitution civile du clergé, est opposée au culte du vrai Dieu, à la morale, aux dogmes de l'évangile ? personne ne le dit, mes frères, les ennemis de cette constitution en conviennent euxmêmes; mais ils soutiennent que l'assemblée nationale n'avoit pas le droit de la faire. Mais c'est sans fondement, sans motif raisonnable; car il est de fait que dans toutes les assemblées d'états généraux, dont la puissance étoit moins étendue que celle du sénat François d'aujourd'hui, on a délibéré et statué sur la discipline extérieure de la religion : il est de principe que la puissance temporelle qui, pour la France, réside dans l'assemblée nationale et dans le roi, est plus absolue, pour ce qui concerne le culte extérieur de la religion, que celle de l'église. La puissance temporelle peut rejeter un canon de discipline extérieure qui lui est proposé par un concile général : un canon de discipline n'a force de lci ecclésiastique dans un gouvernement que par l'acceptation du prince qui en tient les rênes. Dans le cas de contradiction de la part des ministres de la religion, c'est-à-dire, si la puissance temporelle veut faire des changemens, des modifications dans la police, si je puis parler ainsi, du culte religieux, et que ces ministres invités par elle, à y coopérer, s'obstinent à ne pas vouloir admettre ces changemens et ces modifica

tions, cette puissance temporelle doit l'emporter. Si son succès pouvoit être préjudiciable aux dogmes et à la morale de l'évangile, les ministres de la religion auroient le droit de faire des représentations, mais leur premier devoir est d'obéir. Obtempero ut debeo, nunc tibi rescribo ut licet.

L'ordre public, je l'avoue, en dirigeant taes actions ne peut enchaîner ma conscience. Nulle puissance humaine ne peut en m'ordonnant d'obéir, m'ordonner de croire. Les clefs de Saint-Pierre elles-mêmes n'ouvrent point les cœurs. C'est à la grace seule qu'il appartient d'y descendre et d'y agir en souveraine. Encore Dieu veut que le libre arbitre puisse lui résister, ou qu'il ne cède que par un mouvement spontané et une persua

sion intime.

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Puissance divine, puissance humaine, qu'ordonnent vos lois? d'obéir et non de croire et qu'ordonne le décret national? un serment conforme à la liberté civile et religieuse; le voici: Je jure d'obéir, je ne jure pas de croire: le doute m'est permis, l'examen m'est recommandé, mais l'obéissance m'est pres

crite..

Dans quelque place que nous porte le choix du peuple ou celui du prince, nous devons jurer d'en observer les devoirs et d'en remplir les fonctions. Ce scrment est-il un certificat public de la bonté, de la perfection des lois? Non, il est simplement la promesse d'y être fidèle. Cette fidélité est l'engagement de tout fonctionnaire public. Le capitaine jure d'être fidèle à l'ordonnance militaire, quand même elle ne seroit pas la meilleure à son jugement. Le magistrat jure d'être fidèle au code judiciaire, quand même ce code sembleroit imparfait à ses yeux; et le ministre des autels refuseroit un semblable serment! il rejetteroit la discipline extérieure qu'établit la volonté nationale, qu'exige l'économie publique, que nécessite l'édification chrétienne? Le ministre des autels seroit donc indépendant des nations? Les prêtres seroient donc étrangers à l'Etat qui les salarie, et supérieurs à la patrie qui les protège? Nous suivrions donc dans un siècle de lumières, la marche que suivoient, dans les temps d'ignorance et de supers

tition, des pontifes usurpateurs qui plongèrent la France chrétienne dans un chios plus monstrueux que celui que Dieu débrouilla en formant le monde.

L'assemblée nationale a débrouillé ce chaos ecclésiastique. La constitution civile qu'elle donne au clergé, n'est autre chose que la constitution apostolique donnée à l'église naissante.

Cui, mes frères, j'ai médité tous les points que la fausse piété où la fausse logique chicane dans cette constitution. Je les réduis à cinq articles que je vais vous exposer rapidement, afin que vous puissiez juger si je suis fondé à jurer ce que je crois, et à croire ce que je jure.

Premier article. Nouvelle division des diocèses: Eet article est purement territorial et géographique ; il ne concerne ni le dogme, ni la morale evangéliques. Jésus-Christ, en envoyant ses apôtres évangéliser la teire, leur dit: Instruisez et baptisez les nations. Il ne leur a pas dit: mesurez et circonscrivez des diocèses. Aussi les premiers diocèses et les premières métropoles de la primitive église, furent-ils tracés d'après la division des provinces romaines, circonserites par Auguste, quarante ans avant l'établissement du christianisme. Les premiers diocèses et les premières métropoles de l'église Gallicane, furent tracés de même, d'après la division des provinces et des capitales de la Gaule. L'assemblée nationale ayant changé cette division provinciale, a pu, a dû changer la divbion diocésaine ; par-là le catholicisme s'est, pour ainsi dire, incorporé avec la monarchie française.

Deuxième article. Suppression des évêchés. Qu'il y ait cent dix-huit ou quatre-vingt-trois évêchés; cela est fort indifférent au dogme et à la morale de JésusChrist; une nation est seule juge des convenances locales. Un évêque de trop, est un citoyen déplacé, un fardeau pieux. Lui-même doit applaudir à sa réforme; c'est insi que Saint-Augustin offroit d'abdiquer son siège épiscopal en faveur de la paix et de l'union chrétienne: c'est ainsi que Saint-Basile se soumit sans murmure à la loi de l'empereur Valence, qui venoit de supprimer la moitié de son diocèse.

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Troisième article; nouvelle circonscription des paroisses. L'utilite publique les a établies, l'utilité publique peut les circonscrire, les transférer, les séparer ou les unir. Que le pasteur se souvienne que ses pouvoirs spirituels émanent de la main sacerdotale, mais que l'exercice de ces pouvoirs doit s'arrêter à la borne posée par la main souveraine.

Quatrième article; l'élection des fonctionnaires ecclésiastiques par le peuple. Ainsi fut choisi Matthias; ainsi furent élus presque tous les évêques pendant les deux premiers siècles. Il est vrai que les ministres de la religion participoient à ces élections. Mais la loi française n'exclut ni le concours des prêtres, ni la jurisdiction des évêques. Il n'y a qu'à lire le décret pour s'en convaincre.

Cinquième article, le conseil donné à l'évêque: ce conseil, mes frères, est d'institution divine. Jésus-Christ lui-même admettoit ses apôtres aux sécrets éternels de sa mission céleste. Ce conseil est d'institution primordiale, d'institution raisonnable et tutélaire: un administrateur ecclésiastique, sans conseil, pourroit s'égarer au détriment de la religion. Si la réunion des lumicres est favorable à l'administration des intérêts temporels, combien ne l'est-elle pas davantage au gouvernement des consciences? La véritable hiérarchie consiste dans la subordination des places et la correspondance des autorités. Rompez la chaîne qui les lie, vous renversez l'ordre qui les maintient.

Sixième et dernier article: La restriction mise à la puissance des souverains pontifes. Est-ce dans ce siècle de lumières, est-ce au sein d'une nation libre et éclairée, que l'on espère ressusciter le délire ultramontain? ou bien espère-t-on persuader au peuple des croyans, que nous voulons rompre la communion romaine, parce que nous voulons nous y borner? Qu'a fait l'assemblée nationale ? a-t-elle imité la Hollande, la Suisse, l'Angleterre, la Suède. le Dannemarck, la Grèce et la moitié du monde chrétien, qui a foulé aux pieds la tiare et fait un divorce éternel avec l'église Romaine? non : dirigée par des idées plus vastes, animée du véritable esprit de l'évangile, c'est-à-dire de la fraternité univer

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