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Le roi vient de sanctionner le décret du 27 novembre dernier, qui a pour objet de faire prêter par tous les ecclésiastiques en fonctions, le serment civique et le serment de fidélité à la constitution civile du clergé. Le roi l'a annoncé à l'assemblée par une lettre, où l'on remarque ces expressions touchantes: Si j'ai tardé à ,,donner ma sanction à ce décret, c'est que j'ai désiré pré

venir les moyens de sévérité par ceux de la douceur; "mais puisqu'il s'est élevé sur mes intentions, des doutes "que la droiture connue de mon caractère, devoit éloi"gner. ma confiance dans l'assemblée nationale m'en"gage, accepter. Il n'est pas de moyen plus propre à "vaincre toutes les résistances que cette confiance réci "proque entre l'assemblée nationale et moi : elle est „nécessaire: je la mérite; et j'y compte. Dans la séance du 27 décembre, plus de soixante ecclésiastiques, curés et autres, ont prêté le serment prescrit. M. Grégoire curé d'Embermesnil, est monté le premier à la tribune, pour exprimer au nom de ses confrères leur admiration et leur respect pour les principes de la nouvelle constitution du clergé.

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ANNÉE

DE LA

FEUILLE VILLAGEOISE.

QUINZIÈME SEMAINE.

Feudi 6 Janvier 1791.

sur ce

Nous avons promis, dans notre article géographique sur l'Angleterre, de revenir plus d'une fois royaume, un des moins étendus, mais un des plus opulens, et ce qui vaut mieux, un des plus libres de l'Europe. Les Anglois ont un proverbe qui sembloit insolent, et qui néanmoins étoit juste: selon ce proverbe, un Anglois valoit trois François : cela vouloit dire que, d'après le calcul de la liberté, un homme bien gouverné valoit trois hommes qui l'étoient mal, ainsi qu'un champ, cultivé avec soin, vaut trois champs négligés ou épuisés.

Les étrangers qui ne connoissent l'Angleterre que sur de faux récits ou de vieux préjugés, se représentent ce pays enveloppé sans cesse de brouillards et de vapeurs. Cela est assez vrai pour Londres qui est obscurci perpétuellement par la fumée du charbon de terre que l'on y brûle, au défaut de bois. Mais la campagne y jouit d'un cie: plus serein et d'un air plus pur. La température de son climat, quoique plus froide que celle du nôtre, y est assez douce et même plus égale. Charles second, quí, avant de remonter sur le trône anglois, avoit erré dans toute l'Europe, et contracté l'habitude de se promener tous les jours, disoit que l'Angleterre étoit le pays le plus difficile pour le gouvernement et le plus agréable pour la promenade.

Des fleuves et des rivières coulent au milieu de superbes prairies, tapissées d'une herbe fine et tendre, enrichies de nombreux troupeaux, ornées de peupliers et d'ormes, et bordées de champs fertiles et de côteaux riants. S'il ne s'élève pas, sur ces côteaux, des ceps de vigne, ni des plantations d'oliviers, ni des quinconces d'arbres alignés au cordeau, on y contemple un mélange

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varié de chênes verds, de houblon en échalas, et d'arbres
à fruit, tels que le cerisier et le pommier.

Dans les villages, situés la plupart au bord des ruisseaux et des prairies, éclate l'abondance. C'est le fruit du travail, de l'industrie, des bonnes lois et des bonnes mœurs. Les habitans y sont d'une propreté qui charme tous les yeux et qui contribue à la santé des paysans. On ne voit point dans leurs traits, ni cet air de souffrance, ni cet extérieur d'abaissement que l'on remarque ailleurs parmi les gens de la campagne. On n'y rencontre pas non plus, comme dans les hameaux du reste de l'Europe, l'air de la misère et de la destruction, et l'on n'y trouve guère de maisons ruinées que celles de quelques anciennes abbayes et de quelques forteresses féodales.

Les seigneurs Anglois ne représentent, ni à la ville, ni à la cour; mais ils s'en dédommagent dans leurs terres où ils ont des châteaux brillants, de magnifiques jardins, des parcs immenses. Ces rois de la campagne, ces despotes des forêts, ces aristocrates-chasseurs, exercent un empire absolu sur le gibier et les bêtes fauves, mais ils n'oseroient toucher au moindre de leurs vassaux. S'il leur arrivoit d'en insulter un seul, tout le village s'arn eroit contre eux. Toute leur puissance est dans leurs bienfaits, et comme ils ont besoin des suffrages de leur canton, pour être élus membres du parlement, ils sont les courtisans du peuple, bien loin d'en être les oppresseurs.

Le bonheur champêtre, tant célébré par nos poètes, n'est bien connu qu'en Angleterre. Les fortunes villagecises, soumises, il est vrai, à des contributions très-fortes, sent à l'abri de toute exaction arbitraire et de tout brigandage seigneurial. Instruit autant q laborieux, chaque cultivateur règne en paix dans safamille et dans son champ. La répugnance qu'ils ont pour venir dans la cité, l'empressement qu'ils témoignent pour revoir leurs foyers rustiques, annonce et prouve que la félicité y réside avec eux, et que l'air de la campagne est en quelques sorte, l'air natal du cœur humain. Un philosophe Anglois a légué, en mourant, un fond à l'église de Saint-Léonard de Londres, pour que l'on y préche tous les ans l'amour de l'agriculture. Ce sermon convertit chaque année plusieurs Citadins; mais un simple voyage à la campagne fait plus d'effet que tous les prédicateurs du monde.

J

Lettre d'un curé de village aux Rédacteurs.

E viens, Messieurs, de prêter le serment prescrit aux ecclésiastiques en fonctions. Voici le discours que j'ai adressé à mes paroissiens avant de prononcer la formule. Il n'est ni pompeux ni fleuri: mais j'aime mieux qu'on me comprenne sans m'admirer, que de m'admirer sans me comprendre, comme il arrive souvent aux grands orateurs. Je suis, etc.

Discours du Curé de... sur la CONSTITUTION GIVILE du CLERGÉ.

Mes chers concitoyens, vous savez qu'il y a dans ce pays grand nombre d'ecclésiastiques qui vont par-tout criant à l'impiété contre l'assemblée nationale et ses décrets. A les en croire, ceux qui prêteront le serment de maintenir et d'observer fidèlement la constitution civile du clergé, sont des hérétiques et des lâches. La chose est vraie, si cette loi attaque en effet la religion; c'est ce que je veux examiner avec vous. Car ce seroit un double malheur d'être méprisé dans ce monde, et damné dans l'autre.

Ne croiriez-vous pas d'abord, au bruit qu'on en fait que cette constitution civile est un changement apostat; une révolution payenne dans la foi et dans le culte catholique? Ne croiriez-vous pas qu'on supprime quelque sacrement, qu'on retranche la messe, ou au moins les vêpres? rien de tout cela. Pas une procession, pas un pain-béni de supprimé. Il ne s'agit pas de religion, mais des prêtres; il ne s'agit pas même d'en faire, mais de les établir.

Les juges ne sont pas la justice; de même les prêtres ne sont pas la religion. Les représentans du peuple qui ont réglé toutes les administrations, devoient régler aussi celle du culte; ils devoient dire en quels lieux et par quelles personnes les fonctions ecclésiastiques seroient remplies. C'est là tout ce qu'ils ont fait.

P

Qu'est-ce d'abord que le clergé? les évêques, les curés, les desservans, les vicaires, enfin tous les ecclésiastiques employés. La constitution n'en reconnoît point d'autres. Chanoines, chapelains, pricurs, abbés, bénéficiers de tout genre sont supprimés avec leurs titres oisifs et fastueux. La constitution et le serment ne regardent donc que nous et que les prêtres qui servent la nation, qui les paie. De quoi se mêlent donc tous ces imutiles de s'armer contre une loi qui n'est pas faite pour eux, contre un serment qu'on ne leur de mande pas? Où est l'impiété de dire au frélon: tù ne prendras plus le nom de l'abeille ? et cependant ce sont les frélons de l'église qui murmurent le plus haut. La constitution défend à toute église et à tout ecclésiastique de reconnoître l'autorité d'aucun évêque ou autre puissance étrangère. C'est tout simplement de fendre à un françois d'être allemand ou italien. Comment une chose si raisonnable pourroit-elle être impie ?

De même que la constitution a distribué les tribunaux et les départemens, elle distribue les églises et les ecclésiastiques. Chaque département formera un diócèse et aura un évêché. Il n'y aura plus d'archevêchés: mais il sera formé dix arrondissemens, sous le nom de METROPOLITAINS; ce sont dix évêchés principaux qui servent de métropoles à certain nombre d'évêchés simples diocésains, etexercent une autorité supérieure pour -ce qui regarde la discipline ecclésiastique. Car, loin d'y porter la moindre atteinte, la loi laisse à l'église sa police intérieure et particulière. C'est l'objet des sy NODES. En voici la composition.

L'évêque nommera douze et jusqu'à seize vicaires, qui l'aideront dans les soins de son ministère. Il aura même dans son siège un séminaire, destiné à l'instruction des jeunes ecclésiastiques, dont les directeurs seront ses vicaires. Ce nombreux clergé ajoutera à la pompe des cérémonies, relèvera la splendeur du culte et la dignité de la prélature. Tous les vicaires de l'évêque formeront són conseil ou SYNODE. Car il aura le gouvernement de son diocèse. Mais il ne peut prendre aucune décision sans l'avis du synode, excepté dans ses visites, où il a le droit de rendre des ordonnances

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