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sur cette monnoie: il m'a été donné par notre député qui a réduit cette grande cause à des questions et des réponses intelligibles, les voici :

Qu'est-ce qu'un assignat?

C'est une délégation, ou un mandat sur les terres et immeubles de la nation, ci-devant appelés biens du clergé et domaniaux. Ce mandat est tantôt de trois cent livres, tantôt de mille francs, tantôt de trois cent livres, tantôt de deux cents; peut être même que l'on en fera d'une moindre somme, afin de faciliter davantage leur cours.

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Pourquoi a-t-on rendu l'assignat une monnoie courante ?

La nation ayant considéré qu'une foule de circonstances malheureuses avoient fait cacher ou fuir l'argent, elle a compris combien il importoit d'y suppléer par un papier qui eût comme l'argent, une valeur réelle, et qui cependant ne fût pas exposé à être transporté en pays étranger et à nous laisser de nouveaux sans numéraire, c'est-à-dire, sans monnoie. Tel est heureusement l'assignat, quoique ce soit un papier, il est solide comme la terre qu'il représente ; et quoiqu'il serve de monnoie, il ne peut guères sortir du royaume où est située son hypothèque, et où est concentrée sa valeur.

Mais pourquoi l'assemblée nationale a-t-elle décrété huit cents nouveaux millions d'assignats?

Afin de rembourser une grande partie des créanciers de l'Etat, et d'épargner ainsi la masse des intérêts qu'elle leur payoit, et qu'elle auroit été obligée d'ajouter à la masse des impôts. Un autre avantage de cette opération, c'est d'accélérer la vente des do maines, qui, par leur étendue et leur richesse, doivent libérer la monarchie obérée si long-temps. Cette vente comblera, en quelques années, le déficit monstrueux, creusé pendant plusieurs siècles.

N'est-il pas à craindre que cette augmentation d'assi

gnats monnoie, rendantla monnoie plus commune, ne rendent les denrées plus chères.

Non, pour deux raisons. La première est que la France depuis long-temps n'avoit pas une quantité de monnoie proportionnée à celle de ses denrées, et de ses possessions. On étoit donc forcé de donner à crédit les marchandises, ce qui les renchérissoit. La seconde raison, c'est qu'à mesure que la monnoie augmentera, le travail augmentera de même et multipliera les denrées, ce qui rétablira la proportion. Il n'en est pas d'un royaume vaste et fertile comme d'un Etat stérile ou bomé. Trop de numéraire, peut affamer un peuple qui a peu de productions; mais il aide à mieux nourrir un peuple qui peut faire produire sans cesse, à la terre et aux arts un surplus nécessaire. Aussi avoit-on dit que le luxe enrichissoit les grands Etats et ruinoit les petits.

Et si les assignats tomboient au - dessous de leur valeur, les denrées ne s'éleveroient-elles pas au-dessus de leur prix ? quand la monnoie vaut moins, il en aut davantage.

Céla est vrai; mais cela ne peut arriver aux assignats que par la plus injuste défiance, que par la plus coupable intrigue, que par la cabale des mauvais citoyens, ou par la terreur panique des bons.

La loi fixe le prix de l'assignat. La terre est le garant de la loi : à moins que la terre ne soit avilie ou la terre détruite, l'assignat doit garder sa valeur : pour qu'il baisse, il faut que l'aristocratie hausse; cela n'est pas à craindre avec tant de bayonnettes qui la tiennent en respect.

Cependant les assignats. déja mis en circulation, n'ont-il pas perdu contre l'argent?

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Oui; mais ils cesseront de perdre, quand on laissera les marchands d'argent accourir en foule. C'est la rareté d'argent qui le rend si cher. C'est aussi parce que les assignats n'étoient pas divisés en sommes assez petites pour fournir aux petites dépenses. Enfin c'est que l'on ne voyoit pas la vente des

biens ecclésiastiques assez prochaine, pour persuader les incrédules et rassurer les gens timides. Aussitôt que la vente commencera, les assignats auront la vogue, et alors peut-être on verra l'argent, qui fuyoit, revenir et courir après eux.

Quel sera l'effet de cet heureux changement?

De ranimer la circulation et le commerce; de procu rer des secours à l'industrie et à l'indigence; de faire baisser le taux de l'intérêt et des emprunts; d'aider à l'établissement des manufactures, au défrichement des terres, à l'exportation et à l'importation des denrées d'une province à l'autre, de tirer, comme par miracle, nos villages et nos villes du découragement de la famine. L'émission des assignats fera le même bien au peuple que la pluie aux terreins desséchés et aux plantes flétries.

Mais, puisque ces assignats doivent servir à l'achat des biens nationaux, et doivent s'éteindre en les payant, nous n'aurons qu'une abondance passagère et trompeuse, et cette monnoie cessant tout-à-coup, nous serons replongés dans la disette. Que répondrezvous à cela?

Je réponds que les biens nationaux ne peuvent pas se vendre tous à la fois, et qu'ainsi l'assignatmonnoie ne diminuera que peu à peu. Dans l'intervalle on verra le calme renaître. L'or et l'argent, enfouis par la crainte, sortiront de leur cachette. Les terres mieux cultivées, les fermes rétablies, les atteliers entretenus produiront un excédent considérable de denrées et de marchandises. Nous vendrons cet excédent aux étrangers qui nous rapporteront l'excédent de leurs métaux, et par-là grossiront les nôtres. La nation, veillant elle-même sur ses intérêts par ses représentans, ne permettra plus les guerres inutiles, ni les déprédations obscures, ni les emprunts onéreux, ni les impôts excessifs. Tant de bénéfices à la fois formeront un revenu, un trésor public qui. suppléera de reste aux assignats, quand la vente ache

vée les aura fait disparoître de la circulation. Ainsi nous ne mourrons pas de langueur, après avoir acquis un extrême embonpoints..

Mais enfin n'est-il pas à craindre que l'on ne .contrefasse cette monnoie de papier?

L'on a pris toutes les précautions pour rendre cette contre-façon presque impossible, pour la rendre extrêmement coûteuse, et pour la découvrir promptement et sans peine. L'habitant des villes aura mille et mille personnes intéressées à reconnoître et a prévenir la fraude. Elle sera moins à craindre encore pour l'habitant des campagnes. Les contrefacteurs, sil en existoit jamais, chercheroient à glisser leurs faux billets dans les grandes villes et les marchés en gros; car c'est là seulement que la multitude des affaires et le mouvement de la place peuvent distraire l'attention de détourner la vigilance. D'ailleurs, en ne recevant pas les billets d'une main inconnue sans examiner, il ne sera pas facile d'être trompé, parce que les billets faux seront reconnoissables au premier coup d'œil. Enfin la contre-façon ne s'attachera jamais à imiter les petits assignats qui pourront circuler dans la campagne les frais passeroient le gain, et le danger ne seroit pas couvert par le profit.

Lés autres nations ont-elles de ces papiers?
Beaucoup et moins bons.

L'Angleterre en a-t-elle depuis long-temps?
Elle en regorge depuis un siècle
est libre.

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depuis qu'elle

La Hollande, si attentive à ses intérêts, a-t-elle quelque confiance dans son papier?

Une confiance aveugle.

Pouvons-nous être aussi confians au milieu de nos troubles ?

La liberté a fait de plus grands miracles: elle a volé au canon, reculeroit-elle devant des fantômes? Que penser donc de certains marchands qui ont deux prix et deux mesures, l'une pour l'argent l'autre pour l'assignat, vendant plus cher à celui qui

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paie en assignats, et moins cher à celui qui paie en argent?

Les marchands qui contreviennent ainsi à la loi sont des usuriers ou des rebelles. Les acheteurs qui se soumettent à cette condition injuste, sont des imbécilles ou des lâches.

Fais lire ce petit résumé que je t'envoie, au maire de notre village qui est instruit de tout: il t'expliquera les choses que je n'ai pas le temps de t'éclaircir. Je te récrirai là-dessus plus d'une fois : je veux que notre village devienne savant et riche en assignats.

Situation actuelle de la France, à l'égard des autres Etats de l'Europe.

Il faut expliquer encore quelques mots d'usage. Une nation ou un état, a des affaires, au-delà de ses limites, avec les états voisins. La conduite de ces affaires s'appelle politique extérieure. Lorsqu'il s'agit de ce genre d'affaires, on nomme les nations, puissances. Les conventions ou contrats des puissances entre elles, s'appellent traités.

LA FRANCE qui est en paix depuis dix ans, est aujourd'hui menacée de la guerre. Elle doit la craindre, non-seulement comme une source de maux, mais aussi parce que nos divisions, nos troubles, notre révolution enfin nous gêne et nous affoiblit pour un

moment.

La France doit sur-tout craindre de se voir forcée à une guerre ; et voici comment. La nation espagnole a beaucoup d'intérêts qui nous sont communs avec elle, soit à cause de notre commerce, soit parce que les deux nations ont les mêmes ennemis à redouter. De plus, il y a environ trente ans, que le roi d'Espagne et celui des François ont signé un traité par lequel les deux Etats s'engagent à se soutenir mutuellement dans leurs querelles; et parce que le roi d'Espagne étoit parent du roi des François, on a nommé ce traité pacte de famille. Aujourd'hui

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