Page images
PDF
EPUB

pourroit se soutenir avec les revenus habituels: la guerre maritime sur-tout, à laquelle nous sommes le plus souvent exposés, entraîne des préparatifs si dispendieux qu'on ne peut y fournir sans emprunter. Or, qui voudra prêter à une nation qui rompra ses engagemens un an après. Nous ne trouverions de l'argent qu'à un intérêt énorme ; nous n'en trouverions pas assez pour nous mettre en état de défense. Les nations ennemies, les Anglois, par exemple, qui ont un grand crédit, parce qu'ils ont toujours fidèlement et complettement acquitté leurdette nationale, lès Anglois profiteroient bientôt de l'état de foiblesse où nous réduiroit le discrédit de notre nation. Il ne faudroit qu'une semblable faute pour nous attirer tout-à-coup une guerre effroyable et ruineuse. Aussi tous les députés les plus habiles et les plus patriotes, se sont réunis pour faire rendre le décret suivant :

L'affemblée nationale, fe référant à fes précédens décrets, qui confacrent les principes de la foi publique et l'intention qu'elle a toujours manifeftée de faire contribuer les créanciers de l'état, comme citoyens, dans l'impôt personnel, à proportion de leurs facultés, déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer fur la motion qui lui a été faite, tendante à établir une imposition particulière pour les rentes dues par l'état.

Ce décret a déja produit les meilleurs effets; la confiance se rétablit: l'argent est moins rare, et l'intérêt baisse. Ce dernier avantage est bien plus sûr pour la nation, que le foible profit d'une imposition injuste. Bientôt elle trouvera de l'argent à emprunter à un taux très-bas. Alors elle dira à ses créanciers: "Je vous paye six pour cent de votre capital: je vais vous le rembourser, avec une somme égale qu'on me prête à quatre pour cent; si vous ne voulez pas que je vous rembourse, consentez que votre rente soit réduite de deux pour cent,,. Le créancier ne peut alors refuser ni se plaindre. C'est une opération qui pourra se faire avant deux ans, et par laquelle on diminuera en un moment d'un vingtième et plus notre dépense, et par conséquent nos contributions annuelles.

Au surplus, la motion qu'on a' rejettée vient d'une erreur contre laquelle nous devons prémunir nos conci

[ocr errors]

toyens des campagnes. Comme un grand nombre des créanciers de l'Etat résident à Paris, quelques hommes peu éclairés se figurent que la capitale seule est intèressée au paiement de la dette publique. D'autres plus perfides qu'ignorans, accréditent et répandent cette opinion comme un moyen de diviser tous les François, en excitant la jalousie et l'humeur des départemens, en arrêtant le paiement des impôts.

Que nos chers villageois se gardent bien d'écouter cette pernicieuse extravagance. Il s'est fait en France une banqueroute, au commencement du siècle : nous en avons souffert pendant trente ans ; et ce sont les campagnes qui ont eu le plus de peine à s'en relever.

La banqueroute qui seroit aujourd'hui plus considerable, entraîneroit des maux encore plus grands; elle livreroit la France entière au pillage des brigands intérieurs ou des armées étrangères; elle amèneroit bientôt la guerre civile et la contre-révolution: enfin, la plus grande gloire de l'assemblée nationale, sera un jour d'avoir évité la banqueroute, le plus terrible écueil de la liberté et de la constitution; et nos représentans ne nous ont jamais mieux servi qu'au moment où ils ont déclaré qu'un peuple libre ne pouvoit être un peuple banqueroutier.

5 Décembre. L'assemblée nationale a commencé l'organisation de la FORCE PUBLIQUE et de la GARDE NATIO

NALE.

Voici les articles décrétés :

ART. I. La force publique, confidérée d'une manière générale, eft la réunion des forces de tous les citoyens.

L'armée eft une force habituelle, extraite de la force publique et deftinée effentiellement à agir contre les ennemis du dehors. Les corps d'armée pour le service intérieur font une force habituelle, extraite de la force publique, et effentiellement destinée à agir contre les perturbateurs de l'ordre et de la paix.

Ceux-là feuls jouiront des droits de citoyens actifs, qui, réuniffant d'ailleurs les conditions prefcrites, auront pris l'engagement de rétablir l'ordre au dedans, quand ils en feront légalement requis, et de s'ar mer pour la défenfe de la liberté et de la patrie.

Nul corps armé ne peut exercer le droit de délibérer. La force armée eft effentiellement obéiffante.

Les citoyens ne pourront exercer aucun acte de la force publique

tablie par la conftitution, sans en avoir été requis; mais lorfque l'ordre public troublé, ou la patrie en péril, demanderont l'emploi de la force publique, les citoyens ne pourront refufer le fervice dont ils feront requis légalement.

Les citoyens armés ou prêts à s'armer pour la chose publique, ou pour la défense de la patrie, ne formeront point un corps militaire.

Les citoyens ne pourront exercer le droit de suffrage dans aucune des affemblées politiques, s'ils sont armés, ou seulement vêtus d'un uniforme.

II. En conféquence l'affemblée nationale décrète que les citoyens actifs, et leurs enfans mâles, âgés de dix-huit ans déclareront folemnellement la résolution de remplir au befoin ces devoirs, en s'inscrivant sur les regifres à ce destinés.

III. L'organisation de la garde nationale n'eft que la détermination du mode, fuivant lequel les citoyens doivent se raffembler, se former et agir, lorsqu'ils font requis de remplir leur service.

IV. Les citoyens requis de défendre la chofe publique et armés en vertu de cette réquifition, ou s'occupant des exercices qui feront inftitués, porteront le nom de gardes nationales.

V. Comme il n'y a qu'une nation, il n'y aura qu'une garde nationale foumise aux mêmes règles, à la même difcipline et au même

uniforme.

Il a été décrété un grand nombre d'articles fur les dernières formalités et conditions à remplir pour le rachat des rentes foncières. Il feroit impoffible d'en donner, par extrait, une idée

fuffifante.

Du lundi 6. On à décrété, 1o. que tous ceux qui ont fait jusqu'à préfent le service des gardes nationales pourront le faire toute leur vic, méme sans être citoyens actifs; 2°. qu'il n'y aura rien de changė dans le fervice des gardes nationales jufqu'à leur organisation définitive.

L'affemblée nationale a distribué dans deux caiffes tous les fonds de la nation. L'une est le tréfor public, qui reçoit toutes les contributions ordinaires; l'autre est nommée caisse de l'extraordinaire; elle reçoit tout ce qui ne fait pas partie des impôts, et les fonds font deftinés à l'acquittement de la dette. C'eft cette dernière dont l'affemblée vient de décréter le réglement particulier. Tout le monde admire fa clarté et fa fimplicité. On ne fauroit établir des mefures plus certaines pour empêcher les adminiftrateurs d'embrouiller leurs comptes, comme ils le faifoient autrefois, pour cacher le défordre et le brigandage des revenus publics. On doit ce sage règlement à

M. Camus, auffi habile à étouffer les abus à venir, que courageux à dévoiler et proscrire les abus paffés.

On a présenté auffi à l'affemblée un tableau des befoins de l'Etat, et des impofitions qui feront établies pour y fournir. Il en résulte que les charges actuelles ne feront pour la France que de 504 millions, tandis que les anciennes s'élevoient à 738 millions. La nation fera donc foulagée de plus de 170 millions.

L'affemblée a rendu un nouveau décret relatif aux fuites de l'affaire de Nancy. Les juges de cette ville avoient commencé une procédure contre ceux qu'on accufoit d'avoir excité ou fomenté les troubles. Les difpofitions de ces juges étant suspectes, beaucoup de citoyens n'ayant été égarés que par les inquiétudes d'un ardent patriotisme, cette procédure alarmoit et divisoit toutes les familles et empêchoit la paix de fe rétablir dans un pays, qui fe trouvant fur la frontière, a besoin de la force que donne l'union des citoyens. L'affemblée a fagement annullé ces premières pourfuites. Elle a auffi décrété que les régimens du Roi et de Mestre-de-Camp, dont la révolte avoit caufé tant de maux, feroient réformés et licenciés.

Des 9 et 10. Deux articles ont été décrétés fur la contribution mobiliaire ou perfonnelle; elle fera établie fur le revenu de chaque citoyen, évalué en raison du loyer qu'il paie. Cette évaluation fe fait dans une proportion croiffante. Celui qui paie dix mille livres de loyer eft présumé avoir en revenu les neuf dixièmes de plus, c'est-à-dire cent mille livres de rente; tandis que cent livres de loyer font cenfés être le quart du revenu du citoyen peu aisé qui les pate. Il est aisé de voir combien cette proportion est équitable, et favorable au pauvre. Le fecond article porte que la contribution personnelle fera pour chacun du vingtième de fon revenu, présumé suivant ces proportions, ou du dix-huitième, fi le vingtième ne fuffifoit pas. pour atteindre la fubvention décrétée.

Nous fommes forcés de renvoyer au numéro fuivant l'extrait de l'inftruction fur la contribution foncière.

Evénemens.

PETERSBOURG. La flotille russe, commandée par le général-major Ribas, est entrée par une des sept embouchures du Danube, après avoir détruit l'escadre turqué

qui en défendoit le passage avec une puissante artillerie. Dans le même temps un détachement Russe, passant le Danube, a pénétré dans les retranchemens de l'armée Ottomane et lui a enlevé trente-sept canons. Ces rapides victoires sont une preuve des avantages de la discipline sur la valeur. Car le Russe et le Turc sont également courageux. Mais le dernier s'abandonne à un fatalisme aveugle, et il semble être le soldat du hazard. Le premier, au contraire, obéissant et discipliné, s'attache aux règles militaires, et semble être le soldat de la tactique. Elle conduit sa marche; elle dirige ses attaques; elle lui apprend à profiter tour-à-tour des avantages du moment et des fautes de l'ennemi.

VIENNE. Le couronnement du roi de Hongrie s'est fait avec cette magnificence qui est la maladie des princes et la folie des peuples. Léopold a donné un spectacle d'un genre plus digne de lui: au milieu du repas qu'il donnoit à sa cour, il s'est levé, et il s'est écrié, le verre à la main: vive la nation Hongroise. Il ne s'est pas borné à cette salutation. Pénétré des devoirs du trône, il a de son propre mouvement prêté à la nation Hongroise le serment militaire. Les officiers Bohêmes et Autrichiens ont frémi en l'écoutant. Ils ont tremblé pour leur aristocratie, en voyant Léopold abjurer le despotisme.

FRANCFORT SUR LE MEIN. Dans la dernière foire tenue dans cette ville, on avoit vendu près de vingt mille mouchoirs, sur lesquels étoit écrite la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Un baron Allemand ayant vu entre les mains d'un paysan de sa terre, un de> ces mouchoirs, le déchira avec fureur. Les autres paysans en recueillirent les morceaux et les ont encadrés. Ces reliques produiront tôt ou tard un grand miracle, celui d'affranchir l'Allemagne de ses barons et de ses fers.

CEUTA, côte d'Afrique. La guerre des Espagnols contre les Maures, paroît prête à finir. Les Maures se sont présentés avec leur drapeau de paix devant le général Espagnol qui commande à Ceuta. Le général Maure portant la parole, lui dit que le roi de Maroc, son souverain, lui avoit ordonné de cesser toute attaque et de faire trancher la tête au premier Maure qui oseroit

« PreviousContinue »