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quillité. . . .

Cependant, interrompis-je, une longue habitude du travail, ne rend-elle pas ennuyeux ce repos éternel...? Non, répondit-il; parce que ce repos est utile. L'ennui me consumeroit, fi j'étois oisif dans nos cabanes : qui ne se rend pas utile aux autres, est sur-tout à charge à soi-même ; mais gardien de ces troupeaux, affis tout le jour fous ces rochers, je fers auffi bien ma famille , que dans le temps où je pouvois labourer la terre et conduire une charrue : cette pensée fuffiroit feule, pour me faire aimer ma paifible condition. D'ailleurs, croyez que lorsqu'on a, pendant plus de cinquante ans, exercé fans relâche et fes bras et fa force, il est doux de n'avoir plus d'autre devoir à remplir, que celui de paffer les journées mollement couché fur le gazon des prairies.---- Et dans cette inaction totale, jamais vous n n'éprouvez d'ennui. ?

-- Eh! comment pourrois-je m'ennuyer au milieu des objets qui m'environnent, et qui me retracent des souvenirs fi chers.. Ces montagnes en amphithéâtres qui nous entourent, je les ai toutes parcourues dans ma première jeunesse ; je réconnois d'ici, par la difpofition des grouppes de fapins et des maffes de rochers, les lieux dù j'allois le plus fouvent ma vue affoiblie ne me permet pas de diftinguer tout ce que vos yeux découvrent; mais ma mémoire fait y fuppléer, elle me repréfente fidellement ce que mbn œil ne peut appercevoir. Cette efpèce de rêverie demande une certaine application d'efprit, qui en augmente l'intérêt : mon imagination me transporte fur ces monts élevés, qui se perdent dans les nuages; d'ineffaçables fo fouvenirs me guident à travers ces routes tortueufes, ces fentiers efcarpés et gliffaus qui les coupent et les uniffent. Quelquefois, cependant, ma mémoire chancelante m'abandonne tout-à-coup, tantôt fur les bords d'un torrent tantôt fur le penchant d'un abyme; je m'arrête, je frémis.... . Et fi dans cet inftant, je puis me rappeler le chemin que j'ai perdu, mon cœur palpite encore de joie, comme au printemps de mes jours. C'est ainfi que fans fortir de ma place,, m'élançant fur ces montagnes, je les reconnois, je les parcours, et que je retrouve les vives émotions et tous les plaifirs de ma jeuneffe. Comme le vieillard achevoit ces mots ? nous entendîmes, dans le lointain et du fommet de la montagne, derrière nous les fons d'un flageolet: ah! dit le vicil lard, en fouriant : voici Tobie, qui vient fur le rocher r; il répète l'air que j'aime tant! c'eft la romance que je jouois f fouvent à fon âge ! en difant ces paroles, le bon vieillard marquoit doucement la mefure avec fa tête, et la gaîté brilloit dans fes yeux. Qu'est-ce que Tobie, lui demandai-je?: un berger dans fa quinzième année; il aime Lina ma petite fille; ils font du même âge; puiffai-je, avant de mourir, les voir unis enfemble! Voici l'heure, où nos petites filles viennent chaque matin, nous voir et nous apporter des rafraîchiffemens: Tobie alors, rapproche toujours fes chèvres du rocher, fous lequel il fait que je repose. Le vieillard parloit encore, lorsque j'apperçus de loin à l'autre bout de la vallée, une nombreuse troupe de jeunes filles qui s'avançoit lentement, et qui bientôt

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C'eft

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fe difperfa dans la plaine au même moment, tous les bergers places fur les hauteurs accoururent à-la-fois, et parurent fur les bords efcarpes des montagnes qui nous environnoient les uns le corps penché en avant fur l'extrémité des précipices donnoient l'inquiétude de voir s'écrouler, fous leurs pieds, la terre qui les portoit; les autres avoient grimpé au faîte des arbres afin de découvrir de plus loin, la troupe aimable et brillante, tous les jours à la même heure. A cette epoque de la les troupeaux des montagnes, abandonnes un instant, pouvoient errer en liberte: tout etoit en mouvement fur les monts et dans la plaine; la curiofité, l'amour naiffant, la tendresse paternelle, produifoient une émotion genérale parmi les jeunes bergers et les vieux pafteurs. Cependant les villageoifes fe léparant les unes des autres, alloient dans la prairie chercher leurs grandspères, pour leur porter, dans de jolis paniers d'ozier, des fruits et des fromages; elles couroient avec empreffement vers ces bons vieillards, qui leur tendoient les bras. J'admirois la grace et la dé marche légère de ces jolies paysannes des Pyrénées, qui toutes, font remarquables, par l'elegance et la beauté de leurs tailles; mais mon cœur s'intereffoit fur-tout à Lina; elle étoit encore à cent pas de nous lorfque fon grand-père, me la montra au milieu d'un grouppe de jeunes filles, en me difant: C'est la plus jolie, et l'amour paternel, ne l'abufoit pas. En effet Lina étoit charmante. Elle vint le jeter dans les bras du vieillard, qui la ferra tendrement contre son sein; enfuite elle le quitta, pour aller lui chercher son panier, que tenoit une de fes compagnes : dans ce mouvement, Lina leva des yeux timides vers le fommet de la montagne, et Tobie fur la pointe du rocher, recueillit ce regard, impatiemment attendu depuis le lever de l'aurore, et douce récompenfe de tous les travaux du jour dans cet inftant Tobie jette un bouquet de rofes qui tombe à quelques pas du grouppe, formé par Lina et fes compagnes Lina rougit, et n'ofe ramaffer le bouquet: le vieillard jouit de fon trouble, et les autres jeunes filles, en riant, avec un peu de malice et beaucoup de gaîté, s'écrient toutes à-là-fois : c'eft pour Lina, c'est pour Lina. Enfin Lina est condamnée à s'emparer du bouquet d'une main tremblante, elle l'attache fur fon cœur, et pour cacher son embarras elle vient se refugier fous la roche de Ton grand-père, et s'affeoir auprès de lui: je les laiffai goûter le charme d'un entretien plein de tendreffe et de douceur; et la tête remplie et du refpectable vieillard, et de Lina, et de Tobie, ję regagnai ma petite habitation, en me difant: fi le bonheur exifte fur la terre ; voilà les mœurs voilà les fentimens qui doivent l'affurer à jamais. Adieu, ma chère Marianne : tu verras dans ma première lettre, la fin de l'hiftoire de Lina et de Tobie.

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Evènemens.

LONDRES. L'humanité du peuple Anglois s'indigne de tout acte cruel, ne fût-il exercé que contre un

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animal innocent. Un palfrenier a été traduit en justice pour avoir, dans un accès de brutalité féroce, arraché la langue à un cheval, confié à ses soins. On dit qu'il a été puni de mort. Dans les beaux jours de la république d'Athènes, un jeune Grec fut condamné de même à la mort pour avoir déchiré à plaisir une colombe qui, poursuivie par des vautours, s'étoit refugiée dans son sein.

BAR-SUR-AUDE. L'évêque de Langres, ayant lu dans un ouvrage intitulé, MAISON RUSTIQUE, que pour nourrir la volaille il falloit amasser, dans une fosse, des restes de cadavres d'animaux, avec du marc de raisin, des végétaux pourris, et d'autres semblables ingrédiens, il a voulu essayer cette méthode. Les habitans de son village, remplis de superstitions et prévenus contre l'évêque, se sont imaginés que c'étoit un sortilège qu'il composoit pour empoisonner les eaux de leur rivière. Ils alloient brûler l'évêque comme un sorcier, quand la municipalité arriva pour vérifier. l'accusation: l'accusé fit apporter et lire l'article de la Maison Rustique; voilà, s'écria-t-il, mon livre de magie. Les alarmes cessèrent, et le peuple rougit de

son erreur.

NANCI. Nous avons parlé du jeune héros, nommé Desilles, mort des blessures qu'il reçut, en voulant empêcher ses soldats de tirer le canon contre la garde nationale. Près d'expirer, il entendit le curé qui assistoit à ses derniers soupirs, dire en sanglottant: mon Dieu! quel dommage de voir mourir un grand homme à la fleur de ses ans ! Renforçant le peu de voix qui lui restoit, l'agonisant dit au curé: je meurs sans regret puisque je meurs pour la patrie: je ne suis point un grand homme, je suis un citoyen qui me suis exposé POUR SAUVER MES ÉGAUX.

BREST. L'honneur en France se montre dans toutes les professions. Il distingue l'homme du peuple, tout aussi bien que les hommes d'une classe plus élevée. Un matelot, nommé Jean-Baptiste Vimont, étoit à bord du vaisseau le Majestueux, de l'escadre de Brest. Le temps étoit orageux, la mer agitée: deux hommes

alloient périr dans les flots: le brave matelot s'y précipite, et malgré la fureur des vagues, il parvient à sauver les deux malheureux qui se débattoient contre elle. Le chef d'escadre, M. de Bougainville, et le maire de Brest, se sont disputés la gloire de récompenser le héros marin; ils lui ont décerné et offert sur le théâtre de Brest la couronne civique.

LYON. La vente des deux premières maisons du clergé s'est faite avec pompe, et on l'a célébrée comme une des plus grandes victoires remportées sur l'aristocratie. On a donné une fête aux acheteurs, et on les a reconduits chez eux au son des instrumens. Ce n'étoit pas de la musique d'église.

AVIGNON. Le décret, qui accorde au peuple avignonois la protection des armes françoises, a été reçu avec des transports de joie. Le bruit des cloches s'est joint aux cris d'alégresse. Le TE DEUM a été chanté ét accompagné de plusieurs salves d'artillerie. Des danses et des illuminations ont duré toute la nuit; et pendant vingt-quatre heures on n'a cessé de sonner la fameuse cloche d'argent qui n'étoit employée que pour annonceélection ou la mort d'un pape.

SEDAN. Le département des Ardennes vient d'élire pour évêque, M. Philebert, curé de Sedan. Ainsi c'est le mérite et non la naissance que l'on consulte aujourd'hui dans le choix épiscopal. Un prélat orgueilleux se plaignoit de ce que le peuple, et non le clergé, étoit appelé par la constitution à élire les évêques. On lui fit obsesver qu'avant la révolution, ce n'étoit pas le clergé, mais le roi qui nommoit aux évêchés et aux abbayes. Cela est vrai, dit le prélat, mais le roi ne les donnoit qu'à la noblesse.

BRIVE, Département de la Corrèze. Le procureur de la commune, patriote zélé, a disparu tout-à-coup. On a visité les maisons, les forêts, les puits, les demeures les plus secrettes. Toutes les recherches ont été inutiles. Le peuple soupçonnant les aristocrates d'avoir enlevé cet, homme, leur ennemi mortel, se disposoit à les exterminer. Les magistrats lui ont représenté qu'un soupçon n'étoit pas une preuve et que

des

des vengeances arbitraires seroient des attentats pu nissables. Enfin on a trouvé le cadavre de cet excellent citoyen, il étoit noyé. Son corps a été ouvert, et l'on a présumé qu'on l'avoit fait mourir de faim.

PARIS. Le roi a sanctionné le décret sur la cons-> titution civile du clergé. Ainsi, désormais tout prélat désobéissant, sera privé de son évêché et de sa pension ecclésiastique. Saint-Louis ayant éprouvé une résistance invisible de la part des évêques de son temps, il ne parvint à dompter leur hypocrisie qu'en faisant saisir leurs revenus. Il recommanda cette méthode à ses successeurs. Louis XVI, en imitant Saint-Louis, se montrera véritablement LE ROI TRÈS-CHRETIEN.

M. Grégoire, curé d'Emberménil, député de l'assemblée nationale, vient de publier des observations excellentes concernant la nouvelle circonscription des paroisses. C'est le même qui s'est élevé avec éloquence contre l'esclavage des nègres. Voilà un pasteur qui honore la religion et qui aime l'humanité !

M. Laurent, curé d'Huillaux, député de l'assemblée nationale, vient de publier une déclaration dans laquelle, exposant les faits et les vérités du christianisme, il réfute victorieusement l'écrit séditieux DES TRENTE EVÈQUES, ligués contre la constitution. L'auteur prouve très-bien qu'à la nation seule appartient le droit de diviser le territoire que chaque prélat et chaque pasteur doivent administrer spirituellement. Dieu n'a pas tracé une carte géographique de F'église. Les anges ne sont pas descendus sur terre pour arpenter, mesurer et clorre chaque évêché et chaque paroisse. L'assemblée nationale a pu

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a dû régler l'étendue des diocèses, en réglant celle des départemens. Elle a, pour ainsi dire, dédié chaque dépar tement à la religion catholique, en y plaçant un évêque.

M. l'abbé Lamourette, docteur en théologie, a fait paroître le n°. 2 et le n°. 3 de ses PRONES CIVIQUES. Nous exhortons les ministres des autels à lire ces discours aussi bien raisonnés que bien écrits. Nous recommandons sur-tout la lecture du prône civique où sont exposés les grands principes de l'égalité. L'auteur démontre que Jesus-Christ a rétabli le premier les

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