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convoquer ce conseil général toutes les fois qu'elle le jugera nécessaire, et lorsqu'il s'agira d'un intérêt assez important pour qu'il soit à propos de consulter toute la communauté.

les

Cependant la municipalité ne pourra pas se dispenser de convoquer le conseil général de la commune pour cas suivans, et lorsqu'il s'agira de délibérer,

Sur des acquisitions ou aliénations d'immeubles, Sur des impositions extraordinaires pour dépenses locales,

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Sur des emprunts,

Sur des travaux à entreprendre,

Sur l'emploi du prix des ventes que fait la communauté,

Sur l'emploi des remboursemens ou des recouvremens, c'est-à-dire des fonds qui lui rentrent,

Sur les procès à intenter,,

Même sur les procès à soutenir, quand le fonds du drcit sera contesté.

Tout cela sont des choses qui intéressent de trop près la communauté. pour que l'assemblée nationale ait pu permettre que les officiers municipaux puissent le faire d'eux-mêmes, et sans consulter le conseil général de la commune. Et même cela ne suffit pas une communauté peut être surprise ou trompée, ou animée par quelque passion, et entraînée ainsi à des dépenses ou à des pertes qui la ruineroient, comme cela arrivoit souvent autrefois.

L'assemblée nationale a décrété, et le roi a sanctionné et ordonné: Que toutes les délibérations pour "lesquelles la convocation du conseil général de la "commune est nécessaire, ne pourront être exécutées "qu'avec l'approbation de l'administration du direc"toire de département, qui sera donnée, s'il y a lieu, sur l'avis de l'administration ou du directoire du dis,,trict",.

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IV.

Des dénonciations, des pétitions et des adresses. Quand une fois l'ordre a été établi, quand les Magistrats sont élus, et qu'ils sont en fonctions, les ci

toyens doivent se reposer sur leurs soins, et se laisser gouverner par eux. Ils peuvent se livrer paisiblement à leurs travaux, parce que la loi veille pour

eux.

Cependant les magistrats pourroient ou négliger leurs fonctions, ou abuser de leurs pouvoirs, car ils sont hommes, et ils ont les foiblesses et les défauts de l'humanité. Les citoyens doivent se garder soigneusement de sortir du respect qu'ils sont obligés de porter à leurs magistrats, il leur est défendu de se livrer à des injures, encore moins à des attroupemens illicites et à des menaces. Ces insurrections ne pourroient être légitimes que dans un pays où il n'y auroit point de lois. Mais il y a des lois, et elles donnent aux citoyens toutes les facilités nécessaires pour faire corriger léga lement des officiers négligens ou prévaricateurs: c'est là qu'ils doivent recourir.

Ils ont d'abord la voie de la dénonciation, elle n'est point odieuse, elle est permise, elle est louable même quand elle a pour objet l'intérêt de la communauté: Tout citoyen actif pourra signer et présenter, " contre les officiers municipaux, la dénonciation des " délits d'administration, dont il prétendra qu'ils se " seroient rendus coupables".

Cependant on ne peut pas laisser au premier brouillon, aux esprits malins et tracassiers, la facilité de tourmenter les officiers municipaux et de leur rendre leurs fonctions désagréables: la loi y a pourvu, elle ordonne: Qu'avant de porter cette dénonciation aux " tribunaux, le citoyen qui l'a signée sera tenu de "la soumettre à l'administration ou au directoire de "département, qui, après avoir pris l'avis de l'ad"ministration ou du directoire du district, renverra la " dénonciation, s'il y a lieu, à ceux qui devront en "connoître. Ainsi, il n'y aura que les honnêtes gens qui ayent le courage d'être dénonciateurs. Ainsi les françois apprendront, que si la dénonciation obscure est un vice odieux des gouvernemens despotiques, la dénonciation publique et signée est une vertu dans un gouvernement libre.

A

La loi vous donne un autre moyen pour faire re

dresser et corriger des administrateurs qui s'écarteroient de leurs devoirs, nous ne pouvons mieux faire que de vous citer ses propres paroles. Les ci"toyens actifs ont le droit de se réunir paisiblement sans armes, en assemblées particulières, pour rédiger des adresses et pétitions, soit au corps municipal, soit aux administrations de département » et de district, soit au corps législatif, soit au roi, "sous les conditions de donner avis aux officiers mu

" et

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nicipaux du temps et du lieu de ces assemblées, " et de ne pouvoir députer que dix citoyens pour "apporter et présenter des adresses et pétitions .

Citoyens, aimez la loi, car elle est votre protectrice respectez la loi, car c'est la plus grande autorité sur la terre: obéissez à la loi, car c'est la volonté des peuples et le commandement suprême de la nation.

Sixième lettre de Félicie à Marianne.

Ce 5 Décembre 1790.

Voici, ma chère Marianne, les détails que je t'ai promis dans ma dernière lettre.

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Je voyageois, il y a environ douze ans après avoir traversé une partie de nos provinces méridionales, j'arrivai à cette grande chaîne de montagnes qui nous fépare de l'Espagne, et qu'on appelle les PYRÉNÉES; je m'arrêtai-là, dans une solitude charmante ; j'y louai une jolie petite habitation et je me décidai à paffer tout l'été. Ma maison, fituée sur le penchant d'une montagne, couverte d'arbres de plantes et de verdure, étoit entourée de rochers et de sources d'une eau pure et transparente : je dominois fur une vaste plaine, entrecoupée de canaux formés par les torrens qui s'y précipitoient du fommet des montagnes ; je n'avois pour vojfins que des cultivateurs et des bergers: là mes rêveries n'étoient point troublées, par ce fracas tumultueux des villes, ce bruit importun de chevaux, de voitures, de crieurs publics, qui ne rappelle que les vaines agitations produites par l'intérêt et par l'orgueil, et l'activité turbulente de fa frivolité, ou du vice et des paffions: dans ma paisible cabane, je n'entendois, que la voix majestueufe de la nature, la chute imposante et rapide des cascades et des torrens, le mugiffement des troupeaux difperfés dans la prairie, les fons ruftiques du Hageolet, des cornemufes, et les airs champêtres, que répétoient les jeunes pâtres affis fur la cîme des rochers. Dans ces lieux où campagne eft belle, je consacrois la plus grande partie du jour

la

--

à la promenade ; je parcourus d'abord toutes les montagnes qui
m'environnoient; j'y rencontrois fouvent des troupeaux : les bergers
qui les gardoient étoient tous des enfans, ou des jeunes gens, dont
les plus âgés avoient tout-au-plus quinze ans : je remarquai que ces
derniers occupoient les montagnes les plus élevées ; tandis que les
́ ́enfans, n'osant encore gravir les roches efcarpées et gillantes, fe
tenoient dans les pâturages d'un accès moins difficile. A mesure
qu'on defcend ces montagues, on voit les bergers diminuer de tailles
et d'années, et l'on ne trouve fur les collines qui bordent les plaines,
que des petits pâtres de huit ou neuf ans. Cette obfervation me fit
imaginer d'abord, que les troupeaux des vallées avoient des gardiens
encore plus jeunes, ou du moins de l'âge de ceux des collines: je
questionnai un des enfans: Conduisez-vous quelquefois vos chèvres
là-bas, lui demandai - je? J'irai quelque jour, me répondit-il en
fouriant; mais avant cela il fe paffera bien du temps, et il faudra
que je faffe bien du chemin ! Comment donc ? - Il faudra
d'abord, que je monte tout là-haut, et puis après cela, je travail-
lerai avec mon père, et puis dans foixante ans, j'irai dans la vallée.
---Quoi les bergers des prairies, font donc des vieillards? --- Mais,
vraiment oui, nos frères aînés sont sur les hauteurs, et nos grands-
pères font dans les plaines. Comme il achevoit ces mois
je le
quittai, et je defcendis dans la fertile et délicieuse vallée de Cam-
pan; je n'y diftinguai d'abord que les nombreux troupeaux de bœufs
et de brebis qui én occupoient presque tout l'espace; mais, bientôt
j'apperçus les vénérables pasteurs, affis ou couchés fur les lisières
de la prairie j'éprouvai un fentimenr pénible, en voyant ces vicil-
lards isolés, livrés à cux-mêmes, dans cette folitude : je venois de
contempler le plus riant tableau: ces montagnes peuplées d'habitans
fi jeunes, fi leftes fi bruyans; fejour heureux de l'innocence et de
Ja gaîté, dont les échos ne répétèrent jamais que des chants joyeux,
des rires ingenus, et les doux refreins des musettes! je quittois ce
qu'il y a de plus aimable fur la terre, (l'enfance et la première
jeuneffe) et je ne me trouvai qu'avec une forte de faisillement au

milieu de cette multitude de vieillards.

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Ce rapprochement des deux extrémités de la vie, m'offroit na contrafte d'autant plus frappant, que ces bons vieillards, nonchalamnient, étendus fur l'herbe, paroiffoient plongés dans une rêverie mélancolique et profonde; leur morne tranquillité reffembloit à l'abattement, et leur méditation à la trifteffe, causée par un cruel abandon: je les voyois feuls, loin de leurs enfans : je les plaignois et je m'avançois lentement vers eux avec un fentiment mêlé de compaffion et de refpect: en marchant ainfi je me trouvai vis-à-vis un de ces vieillards qui fixa toute mon attention; il avoit la figure la plus noble et la plus douce ; des cheveux d'une blancheur éblouiffante, tomboient en ondes argentées, fur fes larges épaules; la candeur et la bonté fe peignoient dans fes traits; et la férénité de fon front et fes re gards, exprimoit l'inalterable tranquillité de fon ame. Il étoit affis au pied d'une montagne coupée à pic, dans cet endroit, et tas piffée de mouffes et d'herbages: une maffe énorme de rochers

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vallée.

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placée perpendiculairement au deffus de lui, débordoit le haut de la montagne, et formoit à plus de deux cent pieds d'élévation, une espèce de dais champêtre qui garantissoit sa tête vénérable, de l'ardeur du foleil. Ces roches étoient convertes, de guirlandes naturelles, de lierre, de pervenche et de liseron couleur de rose qui retomboient de tous côtés en gerbes touffues et en feftons inégaux, distribués et grouppés avec autant d'élégance que de profusion. A quelques pas du vieillard, on voyoit deux faules inclinés, l'un vers l'autre, mêler enfemble leurs branches flexibles, en ombrageant une fontaine qui defcendoit des montagnes l'onde écumante à fa fource, franchiffoit impétueusement du haut des monts, tout ce qui fembloit s'opposer à fon paffage, mais paisible daus fon cours, elle ferpentoit mollement parmi l'herbe et les fleurs, paffoit aux pieds du vieillard, et alloit fe perdre avec un doux murmure au fond de la Après avoir obtenu du vieillard, la permiffion de m'affeoir à côté de lui, je lui contai ce que le petit berger des montagnes. venoit de me dire, et j'en demandai l'entière explication dans tous les temps, me répondit le vieillard, les hommes de ces contrées, ont consacré à la vie paftorale, les deux âges, qui femblent fur-tout faits pour elle; ces deux extrémités de la vie l'enfance qui fort des mains de la nature, et la vieilleffe prête à rentrer dans fon fein; les enfans, comme vous l'avez vu conduisent les troupeaux fur les hauteurs; c'eft là qu'ils acquièrent cette vigueur, cette égalité, cette hardieffe qui diftinguent particulièrement l'habitant des montagnes. Ils s'exercent à gravir les rochers, à franchir les torrens ils s'accoutument à contempler fans effroi, la profondeur des précipices, et fouvent à courir fur le bord des abîmes, pour atteindre et ramener une chèvre fugitive; mais à quinze ans ils quittent l'état de berger, pour devenir cultivateurs à cette époque, le jeune homme, fier de s'affoner aux travaux de fon père, abandonne fans regrets fes montagnes; il remet avec joie, fa houlette en de plus foibles mains désormais la pioche et la bêche, exerceront plus dignement fes bras nerveux. Cependant avant de defcendre dans la plaine, il jette un trifte regard fur fon troupeau, unique objet jusqu'alors de toutes fes follicitudes, et il ne reçoit pas fans attendriffement les dernières careffes de fon chien fidèle.

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,

Admis dans la claffe des laboureurs nous y reftons jusqu'au déclin de nos forces, mais quand nous ne pouvons plus nous livrer aux travaux de l'agriculture, nous reprenons humblement la pannetière et la houlette et nous venons dans ces prairies pafler le refte de nos jours. Le vieillard ceffa de parler; un léger nuage obfcurcit un moment la férénité de fon front; je vis qu'il fe rappeloit avec une forte de peine, l'inftant où la vieilleffe l'avoit forcé de fe consacrer fans retour, à la vie paflorale; il fe taisoit et je n'osois plus l'interroger; mais bientôt rompant le filence au refte, reprit - il, notre vicillesse eft parfaitement heureuse! elle s'écoule dans une douce tran

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