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moins dipendieuse. Mais lorsqu'on voudra appeler, il en coûtera davantage, parce qu'il faudra une expédition de toutes les écritures sur papier timbré. La loi ne doit point favoriser les chicaneurs.

Les dépens de citation d'expédition de jugemens, de vacations de toute espèce sont fixés au taux le plus modique, et ils seront, suivant l'usage, adjugés à la partie qui aura gagné la cause.

On ne pourra récuser un juge de paix. que lorsqu'il sera au moins cousin issu de germain d'une des parties, ou lorsqu'il aura un intérêt personnel dans l'affaire. Si le juge conteste la récusation, le tribunal de district pro

noncera.

Nos lecteurs s'instruiront aisément des autres détails, quand ils leur seront nécessaires.

Cinquième lettre de Félicie à Marianne.

De Paris, ce 29 Novembre 1790.

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Tes réflexions, au sujet de le mauvaise humeur de Nicole, sont très-justes dans tous les âges de la vie, on a des devoirs à remplir, et la vieillesse a les siens anssi. Une vicille personne est toujours respectable, même lorsqu'elle est chagrine et difficile à vivre; mais elle pourroit être aimable et intéressante, si elle avoit de la douceur et de la bonté. Quand on a long-tems. vécu, on a vu beaucoup de choses: on raisonne l'on cause mieux on peut conter de jolies histoires et donner d'utiles avis. Ta vieille tante la honne Marguerite, n'étoit elle aimée de tout le monde? Je la voyois les jours de fête, sur la grande place. Pendant la danse, entourée de toute la jeunesse du village qui se plaisoit à l'entendre: elle partageoit la joię des autres et c'est un moyen certain de plaire et d'augmenter la gaîté, dont on est le témoin dans l'intérieur de son ménage; elle se rendoit utile, soignant, en instruisant les enfans, en entretenant. T'ordre et la propreté dans la maison. S'il survenoit quelques querelles entre tes parens, elle savoit les appaiser par sa prudence; elle étoit discrète, obligeante; les jeunes filles la consultoient; elle guidoit

en

les unes, recevoit les confidences des autres; enfin, elle étoit universellement respectée et chérie, parce qu'elle joignoit à l'autorité que donne l'expérience, un esprit raisonnable et un caractère égal, indulgent, et rempli de douceur.

Nous devons jusqu'au terme de notre vie, chercher à nous rendre utiles: faits pour vivre en société, nous ne sommes sur la terre, que pour nous assister, et nous entr'aider mutuellement; et nous pouvons jusqu'au tombeau remplir ce devoir sacré. Un vieillard n'a plus la force de conduire une charrue, de labourer les champs, mais il peut se consacrer à des travaux plus doux et plus sédentaires; d'ailleurs, s'il est sage et vertueux, il peut encore être utile par ses discours, par ses conseils et par son exemple. Ces réflexions sur la vieillesse, me rappellent une délicieuse contrée de la France, où j'ai vu les vieillards plus honorés et plus heureux qu'en aucun lieu du monde; parce que des usages antiques et singuliers, des mœurs dignes des siècles fortunés de la paix et de l'innocence, y rendent les vieillards aussi nécessaires à la société, qu'ils ont pu l'être dans la vigueur de leur jeunesse. O! qui peut regretter avec amertume l'éclat brillant de ses beaux jours, lorsqu'à leur déclin on a le droit de dire encore: Je suis toujours UTILE......! je veux, ma chère Marianne, te donner une idée de ce pays intéressant. Ce sera le sujet de ma première lettre, et tu pourras lire à Nicole celle-là; je n'y parlerai point d'elle, mais elle y trouvera des leçons salutaires, car on peut (quand on le veut sincèrement) se corriger à tout âge.

Événemens.

ROME. Des évêques françois ne cessent d'écrire à l'évêque de Rome, c'est-à-dire, au pape. Ils lui demandent à genoux d'excommunier l'assemblée nationale. Le souverain pontife a répondu, dit-on, à l'un d'eux: Je suis le père "des fidèles et non le chef des intrigans : la nation Fran"çoise, instruite autrefois par les successeurs des apôtres, leur accorda une grande puissance et d'immense pos"sessions: ces dons qu'elle fit à la vertu, elle les ré-,

prend sur l'orgueil: les rois et les papes n'avoient jamais "pu réformer le clergé de France, cette réforme étoit " réservée à la nation de qui le clergé dépend; car vos ,, bénéfices, vos mitres, vos croix d'or, vos aumusses " ne sont pas descendus du ciel avec Jesus-Christ : " je tiens sa place pour pacifier la terre et non pour » la troubler; si je m'avisois d'excommunier la France "pour complaire aux évêques, la France me regarde"roit, non comme le vicaire de Jesus-Christ, mais "comme le vicaire de la discorde on me compareroit ,, à ce maître-d'école qui vouloit commander au village, "parce que son arrière grand-père avoit appris aux villageois à lire la Bible.

PETERSBOURG. L'impératrice de Russie prépare une formidable armée contre les Turcs. Cette guerre, si elle se prolonge, finira par détruire les Turcs et par ruiner les Russes. C'est l'Angleterre, dit-on, qui les excite les uns contre les autres. L'Angleterre est donc leur véritable ennemie et quel est donc son dessein en divisant ces deux nations? de s'emparer du commerce du Levant et de celui du Nord. Mais elle devroit faire cette réflexion que faisoit un bon paysan à qui l'on conseilloit d'usurper un champ voisin : « Cela m'attireroit un procès le procès me coûteroit plus que le champ ne produira : je n'ai qu'à mettre cet argent en " amélioration; j'engraisserai ma terrè au lieu d'engraisser mes juges".

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SMYRNE. Cette ville grecque, soumise à la domination des Turcs, vient de participer en quelque sorte au mouvement de notre révolution. Tous les François, établis dans cette partie de la Grèce et de la Turquie, nommée les ÉCHELLES DU LEVANT, ont prêté le serment civique, décrété par l'assemblée nationale, et arboré sur leur chapeau la cocarde françoise. Le croiroit-on? ces Grecs, enchaînés par les Turcs, ces Turcs, abrutis par l'ignorance, ont applaudi eux-mêmes notre courage: il leur reste à l'imiter : le bruit que nous faisons en brisant notre chaîne, annonce à toute l'Europe que le moment est venu de rompre ses fers. Mais, selon toute apparence, la Turquie sera la dernière à s'affranchir: elle est esclave de trois manières : l'Alcoran l'aveugle: le despotisme l'épuise: la soldatesque l'écrase.

BRUXELLES. Le général Bender est entré dans le Brabant à la tête d'une armée considérable de hussards, d'hulans, de pandours, de Tartares. Vandernoot a harangué pendant quatre heures le peuple pour l'engager à se rendre. Le peuple s'est soumis à Léopold, à condition qu'il conserveroit sa constitution ancienne. Comme elle étoit très-favorable à la tyrannie des évêques et des moines, les uns et les autres ne s'embarrassent guères de voir le peuple dégradé, pourvu qu'ils obtiennent la conservation de leurs privilèges. Ils n'avoient soulevé le Brabant que pour eux. Une révolution, commencée par le monachisme, ne peut finir que par l'esclavage. Mais cet esclavage ne sauroit durer. La philosophie et la liberté françoise sont, pour ainsi dire, sur les frontières belgiques, et nos bons livres chasseront peu-à-peu les préjugés et les moines de la Flandre.

AVIGNON. Les habitans de cette ville, tantôt fran, çoise, tantôt papale, vendus autrefois au Saint-Siège par une reine jeune et superstitieuse, restitués plusieurs fois à la France dans le sein de laquelle la nature les a fait naître, ont résolu de terminer enfin cette variation absurde, et ils demandent à être membres d'un empire dont ils sont originaires. Cette demande est de droit naturel. La France peut donc avec justice admettre le peuple avignonois au rang de ses citoyens. Mais comme Avignon, quoique capitale du comtat Venaissin, ne peut pas prononcer toute seule sur le sort de cette province, détachée, ou plutôt échappée de la France, l'assemblée nationale, en attendant que le comtat Venaissin adhère au vœu du peuple avignonois, a décrété que le roi sera prié de faire passer des troupes de ligne dans la ville d'Avignon, pour y protéger, de concert avec ses officiers municipaux, la tranquillité publique. Ainsi Rome demeure maîtresse illegitime du comtat Venaissin, et la France devient la généreuse protectrice d'Avignon. Ainsi nous achèterons par des bienfaits un pays que les papes ont acheté par des indul

gences.

LONDRES. L'Angleterre est, depuis quelques mois couverte de brigands qui la désolent. Le gouvernement

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en a fait saisir déja plús de trois mille dont une partie sera transportée aux Indes. C'est la méthode angloise pour se débarrasser des malfaiteurs. Mais c'est un triste présent que l'on fait aux Indes. Le célèbre et vertueux Franklin, ayant vu arriver une flotte chargée de ces bandits, pour exprimer la reconnoissance des Américains, envoya en leur nom, au ministre anglois, une caisse remplie de serpens à sonnettes, en le priant de les disperser dans les jardins du roi vous nous envoyez, disoit-il, une colonie de scélérats, nous vous envoyons une colonie de vipères.

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SOISSONS. L'évêque, imbu de la vieille théologie, et indocile à la constitution nouvelle, se refuse au serment civique. Il est persuadé que le caractère épiscopal est avant le caractère françois, et que le droit canonique est au-dessus du droit naturel. C'est ainsi qu'un inquisiteur espagnol répondoit à un homme qui lui parloit d'humanité : J'ai cessé d'être homme en devenant inquisiteur. Un François que l'on consacre évêque, croit-il donc qu'il n'appartient plus à sa patrie? Si cela étoit, la patrie ne devroit plus le garder en son sein: un prélat qui ose protester contre les lois, abjure l'évangile et renie la nation: c'est une double apostasie.

STRASBOURG. Le cardinal de Rohan, après avoir résisté quelque temps, s'est soumis de bonne grace.Il est revenu tout doucement dans son diocèse. Son retour fait honneur à son esprit que tant de projets et tant de charlatans avoient égaré. L'Alsace voit avec plaisir cette conversion qui ne sembloit pas facile; et tous les autres prélats, s'ils sont plus fanatiques ou plus entêtés que lui, s'exposent à perdre pour jamais leur réputation, leur évêché, et leur existence. Ils mourront dans l'impénitence finale et

dans l'abandon universel.

CHAVIGNON, département de l'Aisne, district de Soissons. M. Nusse, curé et maire de Chavignon, citoyen renommé par ses vertus et ses lumières, a eu le courage de répondre à la lettre séditieuse, adressée par l'évêque à tous les curés du diocèse. M. Nusse, meilleur théologien et meilleur patriote que l'évêque, a refuté les mauvais principes du dernier. Il a rétabli les maximes de la primitive église, et préconisé les

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