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et cet événement ont produit cependant un effet falutaire. On a fenti la néceffité preffante de faire une nouvelle loi contre le duel. Le duel nous eft venu de la licence féodale; il doit difparoître avec elle. Se battre pour favoir fi l'on a raison, verfer fon fang ou celui d'un ami pour un mot indifcret, mettre l'épée ou le piftolet à la place de la jurifprudence ou de la logique, eft une barbaric, eft une atrocité dignes des anciens Gots, mais indigne des François modernes. On excufoit la rage des duels, en difant que l'épee feule rendoit un homme l'égal d'un autre ; que l'épée feule fuppleoit aux lois qui protégeoient le puiffant et abandonnoient le foible; que l'épée feule repréfentoit la liberté originaire qui diftinguoit les Francs. Mais aujourd'hui nous avons recouvré cette liberté primitive; aujourd'hui nous avons formé des lois qui fervent de barrière au puiffant et de rempart au foible; aujourd'hui les conditions font égales la loi feule a du pouvoir, les feuls magiftrats ont de l'autorité le mérite feul a des diftinctions: l'épée n'a donc plus rien à faire dans les difputes. Elle n'eft placée que dans les mains du prince, du foldat; elle ne doit frapper qu'à la voix de la patrie et à celle des tribunaux. Tout duellifte eft un meurtrier; tout fpadaffin eft un aristocrate ou un brigand.

En attendant la loi contre le duel, l'affemblée nationale a donné plufieurs décrets concernant l'élection des évêques et leur confecration. Tout évêque, affez inconfidéré, affez infubordonné pour refufer de confacrer un nouvel évêque, fera jugé fur les raisons ou les préjugés ou les prétextes qui auront dicté fon refus. S'il s'obftine, il fera puni. Si malgré la punition et malgré la loi, il s'obstine de nouveau, il faudra bien qu'on le banniffe, qu'on le dépofe de fon Liège. La conftitution eft plus précieuse que les décrétales. La patrie a plus de droits fur nous que le pape. Enfin un évêque, révolté contre la France et contre la religion, mérite d'être chaffé par l'une et interdit par l'autre.

L'affemblée nationale a difcuté profondément un autre abus, non eccléfiaftique, mais fiscal : c'est l'impôt du tabac. Cet impôt fi productif pour l'état, semble un peu onéreux pour les particuliers. On proposoit en conféquence de déclarer la culture du tabac libre dans toute la France, et de mettre fur cette culture douze millions d'impôts, indépendamment des droits d'entrée fur le tabac étranger. On a objecté, 1°. que la culture de cette plante, qui n'eft pas de première néceffité, ufurperoit, occuperoit beaucoup de terreins deftinés et propres à la culture du bled et des prairies artificielles ; 2. que notre alliance avec les Américains libres, femble exiger qu'on reçoive exclufivement le tabac qui nous vient de la Virginie et qui eft le meilleur de tous les tabacs; 3°. qu'avant de rien prononcer far cet impôt, néceffaire aux revenus publics, déja fi appauvris, il falloit trouver une manière de le remplacer. Cette dernière raison a frappé les patriotes; et un des plus éloquens d'entre eux, M. Barnave, a dit: On nous parle de réfiftance des provinces et de contre-révolution : les provinces réfiftent à l'oppreffion et non à l'équité : la contre-révolution est impossible ou ne peut arriver

que par l'épuisement des finances; avant d'abolir cette branche d'un revenu indispensable, cherchons à la remplacer d'une maniére qui ne charge pas trop le peuple des campagnes, et qui puiffe combler le tréfor public d'où dépend la profpérité des campagnes et des villes. La queftion a été ajournée.

On a lu enfuite à l'affemblée nationale des lettres qui annonçoicut le débordement de la Loire, et les ravages effroyables qu'elle a faits. Elle a rompu fa digue, emporté quatre arches du pont de Nevers, fubmergé tous le canton de Duval et la partie baffe de la ville de Moulins, couvert la route de Paris à Lyon, et intercepté toute communication dans un efpace immense. Pour réparer tant de pertes, pour fecourir tant de gens ruinés par ce défaftre, l'affemblée nationale, accorde provifoirement des fecours pris fur le trésor public; et voilà comme le produit des contributions retombe en bienfaits fur le peuple contribuant; et voilà pourquoi de toutes les dettes, la plus facrée eft celle de l'impôt, et voilà pourquoi, dans le ferment fédératif, prononcé par toute la France le même jour, fe trouvoit un article folennel fur la fidélité nationale à remplir et à faire remplir ce devoir patriotique et religieux.

On a lu auffi à l'affemblée nationale une lettre de M. Duportail, nouveau miniftre de la guerre. J'ai balancé, dit-il dans cette lettre, à accepter un pofte fi difficile; mais j'ai été déterminé par le defir de fervir une conftitution qui doit faire le bonheur de la France et l'exemple de l'Europe.

M. Duport du Tertre, excellent citoyen, a été nommé gardedes-fceaux, à la place de l'archevêque de Bordeaux.

Un agriculteur a préfenté à l'affemblée nationale un inftrument qu'il a inventé, et par lequel il prétend qu'un homme feul peut labourer fans boeufs ni chevaux. Ce fera à l'affemblée nationale des laboureurs de juger cette machine.

LETTRE de Stanislas II, roi de Pologne, écrite á M. M.... son agent à Paris,

Varsovie ce 23 octobre 1790.

Vous avez très-bien fait de vous abonner pour la Feuille Villageoise. C'est une excellente idée et trèsbien remplie, si tous les numéros répondent à ce que vous m'avez envoyé jusqu'ici.

Il y a cependant une erreur à corriger dans ce que j'ai reçu hier. Il y est dit que les nobles Polonois seigneurs terriers, peuvent mettre à mort leurs sujets paysans. En 1768, j'ai obtenu une loi, qui soumet le

maître

maître noble à la peine du talion, s'il ôte la vie à son paysan ou à celui d'un autre. Mais il faut encore sans doute bien plus en faveur des paysans, et c'est ce qui reste à faire.

Remarques sur cette lettre, par M. Cerutti.

L'ERREUR que sa majesté Polonoise relève dans la Feuille Villageoise, étant dans un article dont je suis l'auteur, l'article de l'origine primitive des villages, je m'empresse de publier une lettre qui honore le cœur populaire et juste de Stanislas second. Ce monarque qui étoit philosophe avant que d'être roi, et qui, après avoir été porté sur le trône, y a conservé sa philosophie, a reconnu que l'intérêt du peuple et celui du prince ne font qu'un. il a obtenu des nobles Polonois une loi qui leur défend de tuer leurs paysans. Un roi qui protège ainsi la vie d'un peuple abandonné, est un libérateur; mais quelle aristocratie épouvantable que celle qui, avant cette loi, immoloit un paysan comme l'on massacre une bête fauve; et quelle nation que celle qui, en proie aux nobles, laisse fouler par eux l'humanité, la royauté, la liberté et la justice! Voilà comme les nobles sont les soutiens de la monarchie!

Quoique le suffrage d'un prince philosophe soit fait pour flatter des écrivains qui emploient, comme lui, leur temps à ranimer le peuple des campagnes, nous avouerons que dans cet esprit même, nous avons été plus touchés encore de la marque de satisfaction, donnée à notre zèle par la municipalité de la paroisse de Saint-Vin

cent dont voici l'arrêté:

"La municipalité de la paroisse de Saint-Vincent de Boisset, département de Rhône et Loire, district de Roane; canton de Perreux; sur l'invitation de M. F. Courtin, ci-devant seigneur de Saint-Vincent, ayant souscrit à la Feuille Villageoise, après avoir lu les cinq premiers numéros, a arrêté qu'ils seroient remis au maître d'école, ainsi que la suite de cet excellent ouvrage, pour en extraire journellement les leçons et les exemples qu'il trace à ses jeunes élèves, afin de graver dans ces ames neuves, les saintes maximes qui sont dé

veloppées dans cet écrit, avec cette douce onction, cette simplicité qui pénètre les cœurs et les esprits les plus bornés et les moins exercés à la lecture et aux

sciences".

"Nous avons de plus arrêté que tous les dimanchesen sortant de l'office, la lecture de cette Feuille Villageoise, sera faite publiquement dans la maison commune, et que tous nos concitoyens seront invités à assister à ce prône patriotique; et pour témoigner så profonde reconnoissance aux auteurs de cette feuille qui peignent avec une éloquence si touchante, les droits et les devoirs du citoyen, et qui ont trouvé l'art de se mettre au niveau des organes intellectuels du peuple de la campagne, la municipalité a prié M. Courtin, de transmettre, à M. Cerutti, l'estimable rédacteur de cette feuille, le tribut de sa vénération; elle le charge aussi de lui faire parvenir un exemplaire de sa délibération relative à l'abominable journal de l'Ami du Roi et de l'ennemi du peuple ".

,, Fait à Saint-Vincent, ce 5 novembre 1790, DARNUZIN, municipal. ROCHARD, maire. FESSY, municipal. DESPLANTES, procureur de la commune,,.

Voici la copie de la délibération que cette munici palité nous a fait l'honneur de joindre à sa première.

REQUISITOIRE du procureur de la commune, et délibération de la municipalité et du conseil de la commune de Saint-Vincent-de-Boisset, département de Rhône et Loire, district de Roanne, canton de Perreux.

"Je soussigné procureur de la commune, ayant eu connoissance que plusieurs de nos concitoyens avides de s'instruire, mais induits en erreur par les prospectus distribués à foison dans les provinces, de la part des auteurs d'un journal intitulé l'Ami du Roi, et sur-tout de la VÉRITÉ, s'étoient réunis pour souscrire à cette production qui, loin de promulguer la vérité, la viole avec une audace criminelle. Je me suis procuré les der

niers numéros; et après les avoir lus avec autant de réflexion que me le permettoit mon indignation contre le venin artificieusement préparé que renferme cet écrit, j'ai cru de mon devoir de vous dénoncer ce libelle contre la constitution, dans un temps où les ennemis de la révolution, après avoir épuisé tous les moyens de conspirer par la force, contre nos libertés et nos droits, cherchent à égarer ce peuple simple et bon, et surtout à l'attiédir sur les opérations de l'auguste assemblée nationale, par les peintures les plus sinistres de l'avenir, et en décriant les assignats, qui sont, comme l'a si bien exprimé un de nos honorables représentans, la seule planche qui puisse sauver la nation du naufrage excité par les tempêtes des malveillans. Et j'ai remis sur le bureau ces derniers numéros, dans lesquels sont distillées les plus révoltantes calomnies contre les membres de l'assemblée les plus distingués par leurs lumières, par leur courage et par leur civisme, et en particulier contre M. Chassey notre estimable représentant. M. Chassey, député du Beaujolois, qui s'est illustré par son éloquence, par son zèle imperturbable pour notre régénération, par sa loyauté, et sur-tout pour avoir le premier déchiré le crêpe superstitieux qui couvroit depuis si long-temps les usurpations du clergé,.

"Je requiers donc, Messieurs, que vous invitiez nos concitoyens à ne pas renouveler leur abonnement, et qu'ils soient en même-temps priés par vous, de rapporter sur le bureau chaque exemplaire qu'ils doivent encore recevoir, pour être déchirés et réduits en cendres à la porte de la maison commune.

"L. DESPLANTES, procureur de la commune ". "La municipalité, assemblée avec le conseil dans la maison commune, ayant pris en considération l'exposé de son procureur, et, après avoir entendu la lecture de ce papier scandaleux et digne de l'indignation de tous les bons citoyens, a arrêté, que les souscripteurs à ce journal anti-patriotique, mensonger et incendiaire, seront invités à ne pas renouveler leur abonnement; et pour les dédommager de cette lecture, elle leur offre la Feuille Villageoise en échange, qui renferme la doctrine du plus pur patriotisme, et les maximes les mieux, les plus

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