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pas pouvoir terminer par des arbitres. Il faut donc des juges.

L'assemblée nationale à d'abord aboli la vénalité des offices ou charge de judicature. Il étoit absurde qu'un homme achetât le droit de juger les autres.

Les juges seront élus par les justiciables: il est naturel que le peuple choisisse ceux auxquels il faut donner le pouvoir de prononcer sur sa fortune, sur son honneur et sur sa vie.

Les juges doivent vivre de leur travail, ils seront payés par l'Etat, et ils rendront la justice gratuitement.

L'ordre des tribunaux est extrêmement simple. Il y aura un juge de paix dans chaque canton, cui, avec deux assesseurs, jugera sans appel jusqu'à cinquante livres de principal, et à charge d'appel, jusqu'à cent livres. Il y aura ensuite un tribunal de cinq juges par district'; enfin dans les affaires au-dessus de mille livres, on pourra appeler d'un district à un autre, quel qu'il soit, dans toute l'étendue du royaume.

Les contestations sur les affaires de commerce seront jugées par des tribunaux établis dans les villes où l'administration du département jugeant cet établissement nécessaire, en formera la demande.

Les hommes n'ont pas seulement des contestations entr'eux, ils font encore des fautes, ou ils commettent des crimes qui offensent les citoyens, et qui troublent l'ordre, ou altèrent la sûreté et la tranquillité publique. Ces fautes et ces crimes doivent être punis.

Les fautes qui troublent l'ordre dans une ville ou dans un village, seront punis par les corps municipaux, les-«‹ quels veilleront et tiendront la main, dans l'étendue de chaque municipalité, à l'exécution des lois et des réglemens de police. Comme tous les citoyens doivent savoir de quelle manière et par quelles lois ils sont gouvernés, nous transcrirons mot à mot dans une autre feuille le décret qui fixe la compétence des juges de police.

Les crimes ou délits par lesquels on attente à la vie ou à l'honneur des citoyens, et qui sont un attentat contre la société toute entière, font l'objet de la

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procédure criminelle: ils seront jugés par les tribu

naux.

Ici, nous devons vous faire observer qu'il y avoit un grand défaut dans notre jurisprudence criminelle.

Dans tout jugement sur un crime commis, il y a deux questions que l'on doit se faire. La question de fait: Paccusé a-t-il commis ce crime? La question de droit: quelle peine doit-on infliger au coupable? Ces deux questions sont deux jugemens séparés, car avant que de prononcer la peine à infliger, il faut savoir si l'accusé est coupable. Chez nous, ces deux jugemens étoient confondus, on ne les distinguoit pas, et le même tribunal prononçoit ; d'où il est arrivé mille fois, 1. qu'on a déclaré coupables des gens qui ne l'étoient pas; 2°. que l'on punissoit les coupables par des supplices qui n'étoient pas proportionnés à leurs

fautes.

Chez les Anglois ces deux jugemens sont séparés. Il y a d'abord un tribunal qu'on appelle des jurés, ou le jury, qui examine si l'accusé est coupable; et qui, après son examen ou procédure, déclare que l'accusé est coupable, ou qu'il ne l'est pas. Ces jurés sont les pairs de l'accusé, c'est-à-dire ses égaux, ou à-peu-près du même état, ou de la même profession que lui, et il peut en recuser une bonne partie. Ainsi l'accusé n'a point à craindre la prévention ou le mépris, ou la dureté, ou la négligence de ses juges.

Quand les jurés ont prononcé que l'accusé est coupable de tel crime, leur mission est finie, et celle du juge commence. Il ouvre le livre de la loi, il lit quelle est la peine qui doit être infligée à ce crime, et il prononce la sentence. Vous sentez tous combien cette manière de procéder est favorable à l'innocence. Aussi n'y a-t-il en Angleterre qu'un très-petit nombre d'exemples que les jurés se soient trompés, et l'on n'y est puni que pour les fautes que la loi a déclaré être des fautes.

L'assemblée nationale a adopté cette procédure criminelle; et bientôt elle va s'occuper de l'établir d'une

manière égale, et peut-être supérieure à celle des Anglois; car nous avons l'avantage de profiter de leurs lumières et d'être venus après eux.

Mais, en même-temps, elle a décrété que le code pénal, le livre des peines ou punitions, sera incessamment réformé, de manière que les peines soient proportionnées aux délits, et qu'elles soient modérées; car ce n'est pas la sévérité, mais la certitude de la peine, qui contient les méchans ; et la loi qui punit la cruauté ne doit pas en donner l'exemple.

Nous devons donc espérer que désormais la vie des hommes sera respectée, que nul innocent ne sera condamné, et que les peines, étant modérées et exactement proportionnées aux fautes, il n'y aura de punitions que celles précisément qui seront nécessaires au repos de la société.

L'assemblée nationale a fait deux autres institutions importantes, l'une a pour but de prévenir les procès; ce sont les BUREAUX DE PAIX et de conciliation, L'objet de l'autre est de prévenir les divisions et les haines qui s'élèvent souvent dans les familles pour des raisons d'intérêt, ou par la mauvaise conduite d'un de leurs membres : c'est le TRIBUNAL DE FAMILLE.

Voici ce que c'est que le BUREAÙ DE PAIX :

Le juge de paix peut juger à charge d'appel, comme nous vous l'avons dit, jusqu'à la somme de cent livres. Quand la somme contestée est au dessus de cent livres, elle va au tribunal de district; mais avant que d'y porter leurs contestations, les parties doivent se présenter devant le juge de paix ; l'une des deux au moins doit y citer l'autre, et sur sa demande, le juge et ses assesseurs doivent former un bureau de paix et de conciliation pour les arranger sans plaider. Le tribunal de district ne peut pas les juger, s'ils n'ont paru d'abord devant le bureau de paix. Et si, l'une des deux parties ayant cité l'autre, celle-ci a refusé de s'y rendre, ou si la médiation a été inutile, la partie appelante doit mettre à la tête de son exploit, copie du certificat du juge de paix, qui atteste que sa partie a été inutilement appelée à ce bureau, ou qu'il a employé sans fruit sa médiation.

Ce n'est pas tout. Dans les causes au civil qui vont directement au district sans passer par le juge de paix, on sera obligé de se conduire de même. Il faudra se présenter auparavant devant un bureau de paix qui sera nommé par le conseil général de la commune dans chaque ville de district, et le tribunal ne pourra point juger la cause avant que les parties aient rempli les conditions que nous venons de dire...

sera,

Ce dernier bureau de paix, savoir, celui de diftrict, en même-temps, bureau de JURISPRUDENCE CHARITABLE; il sera chargé d'examiner les affaires des pauvres qui s'y présenterent, de leur donner des conseils, et de défendre ou faire défendre leurs causes. Si les différends sont inévitables, on voit du moins combien ces institutions sont propres à prévenir ou abré ge'r les procès, et sur-tout à calmer les dissensions nais

santes.

Voici maintenant ce que c'est que le tribunal de famille.

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S'il s'élève quelque contestation entre mari et femme, père et fils, grand-père et petit-fils, frères et sœurs, oncles et neveux, ou entre alliés, aux degrés ci-dessus comme aussi entre les pupilles et les tuteurs, pour chose relatives à la tutelle : les parties SERONT TENUES de nommer des parens, ou à leur défaut, des amis et voisins pour arbitres, devant lesquels ils éclairciront leur différend, et qui, après les avoir entendus et après avoir pris les connoissances nécessaires, rendront une décision motivée. Nulle partie ne pourra se plaindre aux juges, sans avoir passé par le tribunal de famille ; mais les parties pourront appeler ensuite au tribunal du district, qui jugera en der

nier ressort.

Le tribunal de famille servira encore à ceci. Sous le régime précédent, quand un enfant se conduisoit mal, et qu'il donnoit dans des écarts, on le punissoit arbitrairement, il étoit enlevé par une lettre-de-cachet; un père dur et impérieux le faisoit enfermer quelquefois pour des fautes légères; un père foible n'osoit le punir de peur de faire de l'éclat et de le déshonorer; une veuve, trop indulgente envers ses enfans, n'osoit exercer sur eux aucune autorité; enfin, les écarts

des jeunes gens, qui peuvent influer sur toute leur vie, étoient punis au hasard, souvent sans succès, et très-souvent ne l'étoient pas. L'assemblée nationale a décrété que si un père, une mère, un ayeul ou un tuteur a des sujets de mécontentement très-graves sur la conduite d'un enfant ou d'un pupille, dont il ne puisse plus réprimer les écarts, il pourra porter sa plainte au tribunal domestique de la famille. Ce tribunal sera de huit parens les plus proches, ou au moins de six. A défaut de parens, il y sera suppléé par des amis ou des voisins.

Le tribunal, après avoir vérifié les plaintes, pourra arrêter que l'enfant, s'il est âgé de moins de 21 ans accomplis, sera renfermé pendant un temps qui ne pourra excéder celui d'une année pour les fautes les plus graves.

Cependant, comme une famille pourroit agir quelquefois par passion, et comme il ne faut laisser l'exċcution des lois qu'aux juges qui en sont chargés, l'arrêté de famille ne pourra être exécuté qu'après avoir été présenté au président du tribunal du 'district. Le président refusera ou ordonnera l'exécution; il pourra en tempérer les dispositions, mais il ne pourra pas prononcer une peine plus forte que la famille. Enfin, il ne pourra rien prononcer, qu'après avoir entendu le commissaire du roi, lequel vérifiera les motifs qui auront déterminé la famille.

Tels sont les divers tribunaux que l'assemblée nationale a établis.

Il importe cependant à la sûreté et à la liberté des citoyens, que les juges eux-mêmes soient surveillés ; que les lois soient observées ; que les tribunaux ne puissent pas se permettre de les exécuter ou de les interprêter à leur gré, que les jugemens soient exécutés ; l'assemblée nationale y a pourvu. Cette grande surveillance appartient au roi, chef suprême du pouvoir exécutif, et au nom duquel se rend la justice. Le roi nomme donc des commissaires auprès de chaque tribunal de district. Les commissaires sont les conservateurs des formes; ils doivent veiller à ce que la justice soit rendue: ils doivent parler pour les absens,

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