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ne les prend pas, on fait des dettes, on est assiégé, poursuivi par des créanciers, et l'on finit par se ruiner. Tu me répondras sans doute que les richesses peuvent du moins servir à soulager les infortunės, il est vrai que c'est là le seul usage raisonnable et satisfaisant qu'on en puisse faire; mais quand on habite les grandes villes, il est impossible de secourir tous les malheureux qu'on rencontre: on éprouve sans cesse le chagrin mortel de voir une misère affreuse qu'on ne peut adoucir: d'ailleurs, on est souvent trompé par des imposteurs; on place mal ses bienfaits, et avec les meilleures intentions, on a continuellement le regret de n'avoir pas fait tout le bien qu'on auroit pu faire. C'est ce qui n'arrive point dans ta condition on connoît dans son village, tous les malheureux qui méritent véritablement d'intéresser; on ne sauroit être abusé sur leur situation et sur leur conduite. Ta fortune ne te permet pas de distribuer autant d'argent et de secours, que le riche habitant des villes en peut répandre ; cependant tu donnes ce que tu peux donner; ton mérite est le même aux yeux de Dieu, et ta satisfaction intérieure est plus pure et plus douce tu donnes moins, mais tu donnes mieux ; ta charité est toujours utile, parce qu'elle est toujours bien placée. A l'égard de ce qu'on appelle la puissance, les charges importantes, les grands emplois : crois, ma chère Marianne, que ce sont de pesans fardeaux ; ils privent du premier de tous les biens, (la liberté). Ceux qui gouvernent les autres, n'ont plus le droit de vivre pour eux-mêmes; s'ils se conduisent mal dans leurs places, ils doivent être (quels qu'ils soient) punis par les lois, chassés et déshonorés; s'ils se conduisent parfaite

ment, ils sont de vrais esclaves, entièrement dévoués au bien public: loin de les envier, on doit également les plaindre et les admirer : la reconnoissance et l'amour du peuple, sont les seules récompenses qui puissent les dédommager de leurs peines et de leurs travaux, Je t'ai peint rapidement une partie des inconvéniens inévitablement attachés à la condition des riches habitans des villes; mais il en est encore dont je ne t'ai point parlé, et qui, sans doute, est le plns insuportable de tous: c'est une maladie contagieuse et funeste, qui n'a jamais pénétré dans les bhameaux : en un mot, c'est l'ennui, juste punition de la mollesse, que le cultivateur laborieux ne connut jamais, et qui consume le riche oisif, au milieu de l'abondance et des plaisirs. Je sais que dans ton état il est arrivé quelquefois que de grandes peines, une affreuse misère, ont fait prendre des résolutions désespérées; mais a-t-on vu jamais un paysan à son aise jouissant d'une bonne santé, aimé de sa femme et de ses enfans, se dégoûter subitement de la vie, s'ennuyer de tout, s'attrister sans sujet et mourir d'un chagrin sans cause? Eh bien, rien n'est plus commun parmi nous, et souvent cet ennui profonb, invincible, porte le malheureux qui l'éprouve à s'arracher la vie. Ainsi cette. froide langueur produit tous les effets violens du déses• poir; elle conduit au crime, à l'oubli des devoirs les plus sacrés de la nature et de la religion. L'infortuné qui en èst atteint, ne desire que la mort ; si ses amis l'interro gent, ou si une famille en pleurs, therche à ranimer sa sensibilité, il ne répond que ces mots affreux : JE NE PEUX PLUS AIMER..... JE SUIS LASSÉ DE VIVŘE. Si l'on insiste en lui représentant qu'il possède toute e qui peut

ma

tendre heureux, il répète: JE SUIS LASSE' DE VIVRE...... et il s'éteint; il expire dans les bras de ses enfans, en prononçant ce farouche discours : concevras-tu, chère Marianne, cet horrible endurcissement ?........ La bonne fermière qui s'occupe de son ménage, et l'honnête laboureur qui cultive, son champ, ne comprendront jamais que cette folie monstrueuse puisse exister; cependant les exemples en sont très-fréquens. On a vu aussi dans tous les temps, des hommes en place quitter tout-à-coup de hautes dignités et une grande fortune pour aller vivre obscurément à la campagne; et on a même vu souvent des rois et des reines renoncer au trône, et préférer la solitude à tout l'éclat de la grandeur. On se dégoûte de l'ambition, de l'autorité d'une couronne, etc.; mais on ne se lasse point de la nature et de la vie champêtre. Ah! ma chère Marianne, si tu connoissois comme moi et les grandes villes, et les cours, etles gens riches, et ce qu'on appeloit autrefois LES GRANDS SEIGNEURS, tu aimerois mieux encore, s'il est possible, ta condition et les bons villageois aɣec lesquels tu dois passer ta vie.

Évènemens.

PHILADELPHIE, dans l'Amérique septentrionale. Avant de se séparer, le Congrès des Etats-Unis a donné un décret solennel qui assure aux créanciers de ces Etats le payement successif de la dette publique, et répartit sur chaque terre un impôt consacré à ce devoir. Les sauveurs de l'Amérique septentrionale ont reconnu, ainsi que les libérateurs de la France, que la liberté seroit compromise et diffamée, si elle débutoit ou finisssoit par la banqueroute.

LONDRES. On a publié l'arrangement du ministère Anglois avec le ministère Espagnol. Cette nouvelle a fait monter tout de suite la valeur des effets commerçables que la peur de la guerre avoit fait baisser. Si les rois calculoient bien l'intérêt de leurs peuples, lorsqu'on propose une guerre, ils-répondroient ce que disoit la reine Elisabeth: la guerre est un procès qui ruine ceux même qui le gagnent:

BRUXELLES. Léopold menace les Brabançons, s'ils ne souscrivent pas aux conditions qu'il vient de leur offrir, de faire marcher contre eux une armée puissante, voisine, et déja victorieuse. Il faudroit plaindre, il faudroit peut-être secourir ce peuple, si les conditions offertes étoient injustes, ou s'il écoutoit moins le fanatisme monacal qui a été porté à un tel excès, que l'on a vu des religieux, armés de fusils et de sabres, faire attacher devant eux leurs ennemis innocens à la lanterne. Un peuple, qui se fait le valet des moines et le substitut des bourreaux, est indigne, est incapable d'être libre.

CAMBRAI, en Flandre. Une populace soulevée, dit-on, par des chanoines séditieux, a voulu empêcher les officiers municipaux de procéder à la visite et à l'estimation des biens, usurpés jadis par les couvens et les chapitres.

L'assemblée nationale a ordonné la punition des coupables et l'exécution des loix. Les ennemis du bien font leurs derniers efforts pour exciter une guerre civile et religieuse. Ils vont remuant la boue des rues et prêchant la révolte dans les ténèbres: mais ces mauvais prédica teurs ont beau faire; ils ont contre eux l'évangile et la constitution.

CAHORS. Les chanoines de cette ville, bons prêtres et bons patriotes, ont vu sans murmurer, exécuter dans leur cathédrale les nouveaux réglemens ecclésiastiques. Tous leurs concitoyens ont applaudi à cette conduite, et toutes les cathédrales doivent l'imiter.

QUIMPER. Les gens timorés qui avoient imaginé que le peuple n'avoit plus ce droit de choisir ses évêques qu'il avoit eu dans les meilleurs temps de l'église, ont reconnu leur erreur. On a donc procé

dé à l'élection, et nommé pour évêque, M. d'Expilly, député à l'assemblée nationale, prêtre distingué par des vertus chrétiennes autant que par des connoissances philosophiques.

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BREST. Les matelots qui ont bataillé si long-temps contre la discipline, revenus de leurs fausses idées, sont à présent l'exemple de la subordination, et c'est une preuve nouvelle que la classe des citoyens laborieux entend parfaitement raison quand elle n'est pas séduite ou échauffée par quelque mauvais esprit.

Uzès. Il n'étoit plus question des complots qui étoient la suite dn camp de Jalès. Les têtes commençoient à se remettre. Des insensés ou des furieux, dirigés par des monstres, essaient de nouveau d'armer les deux religions l'une contre l'autre, afin de tuer, s'il est possible, la liberté par le fanatisme. C'est aux bons, esprits et aux bons curés de calmer ces nouveaux accès de rage Ou de délire.

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STRASBOURG. Malgré les chanoines qui se disent princes du Saint-Empire, malgré lesp rinces Allemands qui se font apôtres des chapitres, on se prépare de tout côté à l'acquisition des domaines nationaux. La cabale s'efforçoit de rabaisser leur prix. Les fermiers instruits se disputent à qui en donnera davantage, De riches étrangers s'empressent des faité aussi des offres considérables. Plusieurs d'entre eux comptent venir s'établir au milieu de ces biens. Ainsi la France. en acquittant ses dettes va voir en même temps multiplier ses sujets et ses trésors.

SOMEVOIX PRES VASSY. Département de la haute Marne) Quelques gardes nationales de ce petit village, ayant rencontré deux voiture's chargées de contrebande, loin de mettre à profit cette occasion de se procurer à bon compte du tabac ou telle autre denrée, fidèles au serment fédératif, ont artêté ces voitures, et les ont soigneusement gardées, jusqu'à l'arrivée des commis. Ces gardes fidèles connoissent mieux les devoirs du citoyen, que ceux qui en parlent si lon

guement

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