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pour juge. N'ayant obtenu', au lieu de cette place, que celle de suppléant, ses amis indignés lui conseilloient de ne pas accepter un titre qu'ils disoient être au-dessous de lui: voici sa réponse: DANS UNE CONSTITUTION LIBRE, IL N'Y A POINT DE SI PETITE PLACE QU'ELLE N'HONORE UN CITOYEN JE LE SUIS ET J'ACCEPTE. Cela n'est pas épiscopal, mais raisonnable.

:

RENNFS. Plusieurs ci-devant nobles bretons, ayant émigré et s'étant établis à demeurer dans l'île de Jercey; on a essayé de soulever les ouvriers de Rennes, en disant que cette émigration étoit la suite de la constitution, et que si celle-ci duroit, ils n'auroient plus d'ouvrages. Les cordonniers qui avoient perdu leurs pratiques, perdant aussi la tête, firent une insurrection. Les jeunes gens de la ville, pour les punir et les réduire, prirent tous des sabots au lieu de souliers. Les cordonniers eurent peur qu'on n'abolît les souliers, comme les nobles. et à l'instant ils rentrèrent dans leurs boutiques et dans leur devoir. Plût à Dieu que nous n'eussions jamais de troubles plus sérieux à annoncer! L'évènement qui suit, est par malhenr bien différent.

VARESE. Département de la Charente inférieure, Tous les amis de la liberté ont appris, avec horreur, qu'elle a servi de prétexte à une abominable insurrection. Elle commença par le refus du paiement des droits féodaux. La municipalité fit arrêter le principal auteur de l'insurrection. Des séditieux assaillirent à coups de pierre la garde. Elle fit feu, et parvint à exécuter l'ordre dont elle étoit chargée. Les brigands, rassemblés le lendemain, se rendent à Varèse, et demandent à main armée la sortie du prisonnier. La municipalité cède à la force et rend le coupable. Les brigands, peu satisfaits de leur crime, s'emparent de M. Latierce, maire de Varèse, l'accablent d'outrages, et le massacrent avec une furie digne des temps barbares et des peuples antropophages. Les armes contre les loix ! Les prisons forcées ! Un magistrat assassiné par ceux qui l'ont élu ! C'est le cœur navré de douleur que nous racontons ce cruel événement. Tous les bons villageois en seroient indignés et affligés autant que nous.

PARIS. L'assemblée nationale a enfin décrété le recu

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lement des barrières aux frontières du royaume, et la suppression des droits de traite, perçus dans l'intérieur du royaume, et qui étoient connus sous cent dénominations baroques, dans les différentes villes et provinces. Cette réforme avoit été inutilement tentée par Sully; Colbert, Turgot et M. Necker. Les abus avoient eu plus de pouvoir que ces quatre excellens ministres. C'est qu'il falloit toute la force de la nation pour vaincre les préjugés et la résistance des provinces.

Le commerce de la capitale, qui étoit presque tombé, commence à reprendre depuis la vente des domaines nationaux. Les adjudicataires arrivent de toute part l'abbaye de Saint-Wast, en Flandre', est portée déjà à plus de vingt millions. Le crédit repousse comme un arbre dans toutes ses branches, après une pluie de printemps.

M. de Chartres, ci-devant prince du sang, élève de madame de Sillery, et jeune partisan de la révolution, s'est fait recevoir membre de la SOCIETE' DES AMIS DE LA CONSTITUTION. Voici le discours qu'il a prononcé :

MESSIEURS,

Il y a loug-temps que je desirois ardemment d'être admis au milieu de vous. Je ne dois qu'à une extrême indulgence, l'accueil favorable que vous daignez me faire, il me touche sensiblement. J'ose me flatter que ma conduite justifiera vos bontés, et je puis encore yous assurer que toute ma vie je serai bon patriote et bon citoyen.

Autrefois on n'auroit applaudi que le rang de l'orateur; aujourd'hui c'est sa jeunesse, c'est sa modestie, c'est son zèle précoce que l'on a comblé d'applaudisse.

mens.

On s'abonne à Paris, chez DESENNE, Libraire, au Palais-Royal, moyennant 7 liv. 4 sous par an,

ANNÉE

DE LA

FEUILLE VILLAGEOISE.

HUITIEME

SEMAINE.

Jeudi 18 Novembre 1790.

Suite de la Géographie Universelle.

Après avoir donné aux Villageois une idée générale de la position terrestre et maritime de la France, nous devons dire un mot des possessions qu'elle a dans les autres parties du Monde. Les peuples de l'Europe, depuis que la boussole a dirigé leur navigation, ont fait d'abord des découvertes, ensuite des conquêtes, enfin des établissemens dans les régions éloignées. Ces établissemens se nomment, les uns COLONIES, les autres COMPTOIRS. Les Colonies des anciens se formoient par un nombre d'habitans, qui trop à l'étroit dans leur pays natal, en sortoient pour se placer et s'étendre dans une terre nouvelle. Les Colonies Angloises ont commencé par l'émigration des Réformés, qui, persécutés par la Religion dominante de leur patrie, allèrent fonder en Amérique des temples et des cités plus libres. Les Colonies Françoises tirent leur première origine de ces corsaires fameux, qui, sous le nom de FLIBUSTIERS, mêlant à une barbarie sans remords un héroïsme sans exemple, disputèrent aux Espagnols, assas sins du Nouveau-Monde, et aux Caraïbes, naturels du pays, les îles méridionales de l'Amérique ( 1 ). L'in

(1) Les Flibustiers étoient nommés ainsi, parce qu'ils couroient les mers sur de petits navires, appelés Flibois. Ces aventuriers ne recevoient parmi eux que des brigands intrépides. Pour éprouver leur courage, le capitaine, un pistolet dans chaque main, artivoit dea rière eux à l'improviste, tiroit à leur oreille un coup de pistolet; et s'ile marquoient dans leur surprise la moindre frayeur, il leur cassoit la tête avec l'autre pistolet. Les Espagnols, en ayant pris quelques, uns, les pendirent, avec cette sentence écrit sur le poteau : Pen dus non comme François, mais comme hérétiques. Ayant pris à leur

dustrie succéda à la cruauté, et rendit ces îles extrêmement fécondes. Saint-Domingue en est la plus considérable. La Martinique, la Guadeloupe, Cayenne, Sainte-Lucie, la Grenade, &c. sont des îles moins étendues, mais qui produisent, avec plus ou moins d'abondance, les mêmes objets, le sucre, le café, le cacao, la vanille, le coton, la cochenille, l'indigo, le rocou, &c. Fertiles en ces productions, les Colonies Françoises sont stériles en bled, et pauvres en manufactures. La METROPOLE, on appelle ainsi la mère-patrie des premiers Colons, les approvisionne des subsistances et des marchandises dont ils ont besoin. C'est l'emploi et le profit des Négocians de Bordeaux, de Rouen, de Nantes, de Saint-Malo, &c.

Nos Colonies ont donc pour nous un triple avantage. Elles nous procurent les denrées qui nous manquent. Elles nous achètent celles que nous avons de trop. Elles contribuent à former nos navigateurs et à exercer notre marine. Nous retirons les mêmes avantages des deux îles de France et de Bourbon, situées dans les mers de l'Afrique, et à mi-chemin des grandes Indes, appelées autrement les Indes Orientales, pour les distinguer des Indes Occidentales, ou ce qui est la même chose, l'Amérique. Les îles de France et de Bourbon, offrent un lieu de repos, un lieu d'abri aux vaisseaux qui reviennent des grandes Indes, ainsi qu'à ceux qui arrivent par l'extrémité de l'Afrique. Dans l'un et l'autre de ces vastes continens, la France possède des COMPTOIRS. On appelle Comptoir une habitation, et même une ville fortifiée, que l'on fonde pour l'utilité du commerce, dans une domination étrangère. Les princes Indiens, nommés SOUBABS, NABABS, RAYAS, &c. nous ont permis, ainsi de construire, sur la côte du Bengale, la ville et la citadelle de Pondichery. Toutes ces possessions éloignées sont de nouveaux trésors pour nous, particuliérement les Colonies mais l'utilité et la richesse des dernières sont gâtées par deux inconvéniens terribles: les guerres fréquentes dont elles sont la cause, et l'esclavage odieux des Nègres. On l'a dit avant nous: il n'arrive point en Europe de baril de sucre qui n'ait abrégé la vie de plus

d'un esclave.

tour quelques Espagnols, ils les pendirent au même poteau, en y écrivant cette sentence; Pendus, non comme Espagnols, mais somme

assassins..

Seconde conversation de M. ETIENNE sur l'impôt.

Qui parle, seme; qui écoute, recueille.

Létoit dix heures du matin ; la messe venoit de finir dans le village qu'habite M. Etienne; et déjà les paysans, laboureurs, journaliers et autres, s'invitoient, s'appeloient de tous côtés pour aller tous ensemble entendre les instructions de l'honnête et sage cultivateur. Il vient les recevoir à la porte, les saluant l'un après l'autre par leur nom, aussi familièrement, mais plus gaîment que de coutume. Comme l'air étoit chargé d'un brouillard humide et froid, on se réunit dans la grange. Des bottes de paille rangées en cercle servirent de siége à toute la compagnie, quoique plus nombreuse que le dimanche précédent. M. Etienne seul voulut rester debout, et s'appuyant, suivant son usage, contre un poteau, il commença ainsi :

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Graces vous soient d'abord rendues, mes amis "Vous me voyez tranquille et content; c'est à vous " que je le dois. Aussi suis-je impatient de vous communiquer toutes les réflexions consolantes qui se sont présentées à moi, lorsque jai voulu répondre à vos questions sur le fait des impôts. Quelqu'un disoit à "un philosophe qu'avez-vous gagné à tant étudier? "Il répondit: de faire de moi-même, et sans lois, ce " que les autres ne font que parla crainte des lois. Voilà " ce qui m'arrive au sujet de l'impôt depuis que je. " m'étudie à le bien connoître. Autant vous m'avez "vu payer avec répugnance; autant vous me verrez

contribuer maintenant avec plaisir : et je me réjouis "de penser qu'il en sera de même de vous, si vous "suivez cet entretien avec le même soin que j'ai pris " pour m'y préparer. Ecoutez-moi donc bien. Car le " proverbe dit vrai; qui parle, sème ; qui écoute, " recueille .

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