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et cependant nous n'avons fait une révolution que pour anéantir les priviléges et l'aristocratie. Quand , nous l'avons vu arriver, cette révolution, nous nous réjouissions de ce que tout le monde paieroit également: comment donc aujourd'hui espérerions-nous "qu'il n'y auroit plus d'impôts? Avons-nous pu croire une pareille folie ?

"J'étois même honteux de m'y être arrêté, quand je me , disois: ma maison et mon clos sont entourés de murs: " pourquoi? pour qu'on ne vienne pas piller mes légu

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mes, mes fruits et ma bas-cour: je me souviens d'a» voir lu qu'il y a un grand pays, (c'est la Chine) qui est , fermé, comme mon clos, par une grande muraille. » Mais il n'en est pas de même de la France. Elle est dé" fendue par une HAIE VIVE, par une haie de braves soldats, qui empêchent que je ne sois un beau matin „ chasse, ruiné, ou tué par des Houssards Allemands, , Prussiens ou Autrichiens. Il faut donc une grande ,, armée qui garde les frontières. Mais il faut aussi une ,, armée de mer, qui fasse respecter les vaisseaux du i, commerce. Il faut des grands chemins, des canaux " qui charient notre bled, nous apportent les denrées ,, qui nous manquent, et augnientent la valeur de nos terres il faut des halles, des hôpitaux, et toutes " sortes d'établissemens publics; il faut des juges; il faut des prêtres : il faut des écoles, et des institutions ,, de touse espèce, cultiver les sciences et les arts, qui ,, font le bonheur des hommes: il faut enfin que le premier magistrat de la nation, celui qui fait exécuter les lois, qui représente tous les François, vis-à-vis des autres peuples, soit environné d'une magnificence convenable à son emploi, et proportionnée à la puissance `, de la nation. Or, dites-moi, mes amis, qui paiera ces "dépenses, si ce n'est ceux pour qui elles sont faites?

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Il y a eu des gens assez téméraires pour annoncer la suppression de tous les impôts. Quel pouvoit être ,, leur dessein? c'étoit apparemment de nous séduire par des espérances flatteuses? N'avez-vous pas entendu toutes les charlatans, quand ils vous débitent leur poudre, sur la grande place, ils vous assurent, avec

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de grands sermens, que ceux qui en prendront ne seront jamais malades ? Eh bien, mes amis, les as"semblées sont pleines de charlatans pareils, qui nous "promettent l'impossible. pour gagner nos suffrages. "Ceux-ci vouloient-ils dire que les riches seuls paie"roient désormais toutes les charges publiques? Mais » quand même une telle loi ne seroit pas cruellement injuste pour les riches, clle seroit insuffisante pour " l'Etat, et insultante pour nous. Car premièrement, les riches ne forment qu'un très - petit nombre; et "même en les dépouillant de leur revenu tout entic?, "on ne pourroit satisfaire aux besoins communs. Se" condement, mes amis, vous qui avez un bon cœur, "que penseriez-vous de moi; si, pouvant nourrir mon "père, je préférois, pour jouir d'une plus grande ai"sance, d'en laisser le soin à des étrangers? Eh bien, "la patrie est la mère commune ; je regarde l'obligation "de fournir à sa subsistance, comme un des droits les "plus précieux de l'égalité des citoyens. Qui de nous "ne rougiroit de laisser payer les autres pour lui? Les "riches ont déja trop d'avantages sans ce nouveau privilège : ceux qui feroient tous les frais, feroient bientôt "toutes les lois.

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"Cependant, mes amis, il faut que je ous fasse "part d'une explication singulière, qu'un homme de la ville m'a donnée sur ce sujet. Il prétendoit que "les taxes pesantes que nous supportions ne ressem"bloient point du tout aux justes contributions qu'on "va nous demander. Le mot impôt, disoit - il, vient „du mot IMPOSER ; qui veut dire, METTRE DES"SUS, comme quand on charge, bon gré, malgré "une pauvre bête de sommé. Le despotisme, qui " traitoit les hommes comme des animaux, nous "écrasoit à plaisir sous la charge des impôts. Or, » comme les choses ont changé, je voudrois aussi changer les mots : ce que nous paierons ne devroit plus s'appeler un impôt, mais une contribution, ce "qui veut dire, la constitution qu'un associé est obligé "de fournir avec tous les autres, pour le besoin "général de la société. On impose des esclaves ; mais des hommes libres, des citoyens contribuent,

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Ainsi désormais nous contribuerons; et voilà. ajoutoit-il, comme j'entends que nous ne paierons plus ,, d'IMPÔTS.

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,, Mais, sans nous perdre dans toutes ces finesses, " remarquez que la différence n'est pas seulement dans les termes; écoutez-moi, mes amis; j'ai souffert " autrefois la faim, la soif, le froid, la captivité, et ce qui est plus dûr, les dédains insultans de mes semblables Eh bien, lorsqu'aujourd'hui, libre, près ,, d'un bon feu, à table avec des amis qui m'estiment, "je savoure en paix le vin de mon crû, et les fruits de ,, mon jardin, alors j'amène volontiers la conversation

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sur ces jours de détresse, je me plais à rappeler, à "peindre leurs plus tristes circonstances, et plus elles ,, sont amères, mieux je sens la douceur de mon bien" être présent. Il me semble, mes amis, que les habitans ,, de la campagne ont lieu de m'imiter, maintenant qu'une

sage constitution les soulage de tant de maux : compa,,rer le passé au présent, doit être aussi leur plus doux. ,, entretien, et c'est pour cela, qu'en parlant d'impôt, je veux essayer de vous montrer toute entière, la ,, différence des impôts anciens avec la contribution ,, actuelle.

,, Or, donc, mes amis, comment s'y prenoit-on pour ,, faire payer au peuple telle ou telle somme ? Un ,, ministre disoit au conseil du roi : ON A DEPENSE' ,, TANT, ÎN DOIT TANT; IL FAUT TANT: on faisoit un édit, le parlement l'enregistroit après quelques difficultés; alors on répartissoit; c'est-à-dire, qu'on écrivoit à ,, un intendant: ARRANGEZ-VOUS POUR TIRER TANT DE TELLE PROVINCE. Alors cet intendant faisoit la note "de tous les privilégiés ou autres qu'il lui falloit ou ,, qu'il lui plaisoit exempter. Ses commis en faisoient autant pour leurs amis; après quoi on faisoit les rôles, de manière à rejetter, au hazard, sur les pauvres villages et les pauvres laboureurs, toute la charge de ceux qu'on exemptoit, presque toujours les plus riches. Alors on faisoit payer. Et

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,, ment vous le savez, on mettoit garnison chez "vous; on vous jettoit dans les cachots, on vendoit "votre lit et jusqu'aux haillons qui couvroient vos

"enfans.... Mais l'argent qu'on nous avoit ainsi arraché, que devenoit-il? D'abord, commis, collec"teurs, huissiers, receveurs et autres, en grapilloient " une part; puis on l'envoyoit à Paris. Là les grands, "les courtisans, leurs maîtresses, leurs valets, en sou,,tiroient encore une part plus grande; une autre étoit " perdue dans de grands bâtimens inutiles, dans des " fêtes extravagantes, dans des spectacles corrupteurs: "ce n'est qu'après ces folles dépenses qu'on en détour"noit enfin pour les dépenses nécessaires, une portion "insuffisante; de manière que ce qui manquoit on " étoit forcé de le devoir ou de l'emprunter à gros in"térêt; jusqu'à ce qu'on nous fit encore payer ce sur"plus, en nous surchargeant davantage. Enfin, mes "amis, vous le croirez à peine, pas un de ceux qui "recevoient et employoient ainsi l'argent du peuple, "n'en répondoit et n'en rendoit compte. Voilà les "anciens impôts. Or, voulez-vous savoir ce que seront "les contributions nouvelles? En deux mots, tout le " contraire. Nos députés règlent les dépenses en notre "nom, devant tout le monde, et après avoir publié " d'avance tous les détails, de manière que chacun "puisse les contrôler; ce n'est qu'après ces précau"tions qu'ils déclarent au nom de toute la France, "que tel département payera telle somme; alors les " municipalités, les districts, les départemens, c'est-à"dire nos égaux, nos amis, déterminent ce que chacun "doit payer. Encore tout cela n'est-il fait que d'après "des règles sûres, de manière que je puis calculer par ,, moi-même, si on me demande plus qu'à mon voisin. "Enfin, comme à présent, tous ceux qui recevoient "les deniers publics, sont obligés de rendre un compte "public, il ne tiendra qu'à moi, sans sortir de mon "clos, de savoir ce qu'est devenu l'écu que j'ai remis y a un an au collecteur.

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"Dites-moi donc, mes amis, quelle comparaison "trouvez-vous entre les impôts passés et les contributions actuelles,,?

M. Etienne s'arrêta en cet endroit, l'auditoire garda encore un moment le silence. Bientôt il fut rompu par mille questions nouvelles En quoi consisteroient les

contributions? Seroit-elles moins grandes que les impôts. Le sage cultivateur remit au dimanche suivant à satisfaire ces bons villageois; et nous, à son exemple, nous attendrons la feuille prochaine pour donner sa réponse à nos lecteurs.

Evénemens

VARSOVIE. On parle d'un projet plus extraordinaire qu'une révolution. C'est une restitution à la Pologne des provinces que lui ont enlevé la Russie, la Prusse et F'Autriche. Si ce miracle arrive, on pourra en espérer un non moins grand. Ce sera de voir les nobles polonois rendre enfin la liberté à leurs payans esclaves. Dès ce moment les hommes et les terres vaudront le double en Pologne.

ROME. Le pape, sollicité de s'opposer aux réformes faites dans l'église gallicane, est fort indécis. Il sait, ou il doit savoir que les droits de l'homme et du citoyen sont plus sacrés et plus inviolables que les bulles de la cour de Rome. Quand Rome excommunia le bon Henri IV et le bon Louis XII, elle scandalisa les fidèles et n'effraya que les bigots.

TURIN. Les François réfugiés en Piémont s'obstinent à y mourir d'ennui, plutôt que de venir se soumettre de bonne grace au serment civique. L'un d'eux écrivoit à un de ses amis j'apprends qu'un bruit s'est répandu que nous armons contre la France quarante à cinquante mille hommes. Cette armée ressemble à celle qu'Astolphe, un des preux de Charlemagne aidé par Saint-Jean, leva en Ethiopie ou dans la lune, avec des feuilles d'arbre, transformées en soldats, à mesure qu'elles tomboient en automne. Bientôt le vent emporta toute cette armée légère.

LONDRES. M. de Calonne, célèbre par le déficit, par les notables et par la révolution qu'il a occasionnée, est parti de Londres. Les uns disent qu'il se rend à Madrid, pour réconcilier l'Espagne avec l'Angleterre. D'autres disent qu'il prend la route de Turin et qu'il va presser le frère du roi de revenir en France avec les autres émigrans. On dit que c'est une porte

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