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l'incertitude sur les noms des deux Députés impliqués dans la Procédure du Châtelet. On les désignoit à haute voix pendant la Séance même; tous les doutes ont été levés lorsqu'on a eu connoissance, par les Feuilles publiques, de l'Arrêté suivant du Châtelet, daté des 5 et 6 Août 1790.

"Le Châtelet de Paris s'est assemblé ces jours derniers, pour entendre le Rapport de l'information de l'affaire des 5 et 6 Octobre 1789. Par jugement en dernier ressort, il a été ordonné que les informations seront continuées, et cependant que le nommé Nicolas, connu sous la désignation de l'homme à la grande barbe, la demoiselle Theroigne de Méricourt,, le nommé Armand, la nommée Louise-Renée Leduc, et le nommé Blangey, seront pris au corps; que plusieurs quidams ( au nombre de treize, dont plusieurs étoient habillés en femme) seroient également pris au corps; comme aussi que MM. Louis-Philippe-Joseph d'Orléans et Mirabeau l'aîné, Députés à l'Assemblée Nationale, paroissant être dans le cas d'être décrétés, des expédi. tions des informations seroient portées à l'Assemblée Nationale, conformément au Décret du 26 Juin dernier, sanctionné par Le Roi, pour par Elle prendre tel parti que bon lui semblera. "

C'est par suite de cet Arrêt qu'une Députation du Tribunal s'est présentée Samedi à la Barre de l'Assemblée. Cette Procédure doit être très-volumineuse vu le grand nombre de dépositions qu'elle

renferme. Mlle. Theraigne de Meri court, si fameuse par la finesse de ses dis tinctions sur les Pouvoirs, ne sera pas appréhendée, s'il est vrai, comme on le dé bite, qu'elle soit passée à Londres. Quelle alliance pour elle et les autres Décrétés, que celle de cet Antropophage, surnommé Coupe-tête ! surnom qui est sans doute le plus honorable possible, après celui de Procureur-Général de la Lan

terne.

Au précis, en quelques lignes, que nous avons donné la semaine dernière, du Mémoire à consulter et de la Consultation pour M. de St. Priest, nous devons ajouter des développemens essetiels.

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Le Ministre remarque d'abord cmire un exemple mémorable des vicissitudes humaines, qu'au mois de Juillet 1789, il fut compris par l'Assemblée Nationale dans le nombre de ces Ministres, dont elle déclara solennellement qu'ils cmportoient avec eux l'estime de la Nation et ses regrets, et qu'au mois de Juillet 1790, il est dénoncé comme l'ennemi de l'Assemblée Nationale et un conspirateur contre la liberté du Peuple. »

Quelles actions ont pu produir un pareil contraste? Il est impossible de le deviner, même en se rappelant les divers reproches faits à M. de St. Priest, ou plutôt les divers actes d'une persécution qui a commencé en Septembre dernier. Le Public doit retenir cette époque; elle a été celle où se préparoient de terribles projets ; l'Histoire

St. Priest est-il l'individu Farey? cette reeherche doit trancher la question.

D'abord, rien au monde dans la conversation ne désigue M. de S. Priest: il n'y est ni nommé, ni indiqué; pas un mot qui fasse reconnoître ou sa personne, ou sa place. Oubliez un moment que le Comité des Recherches vient d'afficher arbitrairement le nom de ce Ministre; personne de bonne foi ne supposera à la lecture de cette conversation, qu'un Ministre quelconque, M. de S. Priest, particulièrement, en étoit P'interlocuteur.

ou

- M. de Bonne a subi cinq interrogatoires, en se. refusant à toutes les instances du Comité pour lui faire déclarer l'identité des Hom de tarry avec celui du Ministre. Pressé par un dernier Interrogatoire, il a au contraire, assuré qu'il croyoit M. de S. Priest trop peu disposé à étre l'Apôtre d'une ContreRévolution, pour avoir hasardé de lui nommer M. de Maillebois comme chef de l'entreprise. Ainsi, le Prisonnier non-seulement n'accuse pas M. de S. Priest; mais il le jus tife. Cet Interrogatoire d'ailleurs n'est point un acte légal, et ne seroit pas admissible, puisqu'il a été pris par des hommes qu'aueune loi n'avoue.

Quant aux preuves tirées des pièces écrites, elles se réduisent ainsi que nous l'avons dit, au livre de raison de M. de Bonne; mais de ce que cet Officier sera allé les 5 et 6 décembre chez M. de S. Priest, en résultet-il, d'abord, qu'il l'a trouvé chez lui, et la visite du 6 n'induit-elle pas à croire, en effet, que M. de Bonne ne put voir M. de 5. Priest le 5? En résulte-t-il nécessairement que M. de Bonne n'a vu ce jour-là,

que M. de S. Priest? N'avoit-il pas même des raisons de ne pas inscrire la visite faitę à Farcy? C'est néanmoins en admettant toutes ces suppositions comme des faits, que le Comité, affirme et dénonce que le nom de Farcy étoit celui de S. Priest? Les Conseils de cet Accusé établissent fort bien que cette dénonciation est contraire à la Loi, qui demande des preuves et non des conjectures. Puisqu'il croyoit pouvoir dénoncer aux Tris bunaux la conversation du 5 décembre, le Comité devoit leur dénoncer une personne inconnue, ụn Quidam, ou même le nommé Farcy. La procédure auroit apporté, ou non, la preuve que ce Quidam étoit M. de S. Priest.

Peu importe à ce Ministre la nature du Dialogue dénoncé, et qui lui est absolument étranger; mais on se demande si c'est au règne de la liberté, au règne des lois, et par des hommes qui s'annoncent comme les Vengeurs de la tyrannie, qu'une conversa÷ tion privée et secrète peut être dénoncée aux Tribunaux ? Où en serions-nous, Grand Dieu! si chaque Citoyen voyoit l'œil du despotime ouvert et son glaive levé sur les discours tenus dans l'intimité ? Qui osera désormais répondre à une question, énoncer une,conjecture, si, la bonne foi ou l'indis+ crétion allant propager cette confidence, elle devient la proie d'une Inquisition ménaçante, et se transforme en Crime d'Etat? Cette pratique n'a jamais servi que des Oppresseurs : elle a éte flétrie par tous les Publicistes, par tous les Codes. L'Histoire et l'Opinion ont marqué leur borreur de Ja conduite de ce Richelieu, qui fit périr De Thou pour n'avoir pas révélé une Conversation une Conversation néanmoins où

ce Martyr avoit appris l'existence d'u Complot réel

Que chaque François considère le péril de sa situation. Voilà un discours secret, vague, susceptible de mille interprétations, demille applications, devenu la base de l'Accusation criminelle la plus redoutable; car elle place l'Accusé entre le fer de la Justice et celui des Assassins. Et où est la preuve de la fidélité avec laquelle cet entretien a été transcrit? M. de Bonne lui-même oseroit-il en répondre ? Où est l'homme assez téméraire pour garantir que, sa mémoire l'aura préservé des altérations et des inexactitudes, presque inévitables dans le récit d'une conversation fugitive? Serions-nous done ramenés, par la raison des extrêmes, à ces jours, décrits par Tacite, où les Romains pâlissant à la vue des delateurs, n'osoient avoir ni un parent, ni un ami, et étoient traînés à l'échaffaud pour un soupçon de Tibère , pour upe parole ou un regard?

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Et que de forces ne donne pas à ce sentiment d'effroi, la nature même de l'entretien dénoncé. Plusieurs Fenilles publiques l'ont transcrit Il faut être un Sphinx pour y découvrir un projet de Contre-révolution. On y voit même que Farcy évite de répondre aux questions de M. de Bonne ; que les Interlocuteurs n'y disent pas un mot de relatif au Projet attribué ensuite à M. de Maillebois; on y voit des craintes sur l'avenir; on y parle du dessein qu'à S. M. d'aller au Printems prochain, visiter les Provinces. Op pourroit égorger juridiquement trois ou qua tre millions de François, si tous ceux à qui il a pu échapper des conjectures ou des es

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