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ges qui concernent quelques-uns des Représentans de la Nation, s'il en existe, dans la ̋ procédure remise par le Châtelet de Paris, sur les événemens des 5 et 6 octobre 1789, à l'effet qu'il soit décrété sur ledit rapport, s'il y a lieu à accusation. Voilà le seul Décret qui soit réellement dans vos principes. » M.T'Abbé Maury a succédé à M. de Mirabeau, et a dit:

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« Je me bornerai à discuter devant vous les principes du Préopinant; ils tiennent à l'ordre public; il s'agit de déterminer la manière de concilier les intérêts de la Liberte et de la Justice. Il s'agit d'établir en quoi consiste l'inviolabilité des Représentans de la Nation >>

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J'observe avec regret que dans deux de vos Décrets; l'Assemblée a paru s'écarter des premiers principes de l'ordre public. Vous avez décrété, au sujet du défaut de paiement d'une dette en matière civile, que les Députés n'étoient pas inviolables. C'est sur-tout en matière civile qu'il seroit vrai, que pendant toute la durée de leur mission, aucune action civile ne devoit autóriser à porter atteinte à leur liberté. Par un second Decret, rendu au sujet de M. de Lautrec, vous avez dit que les Membres du Corps Législatif ne pouvoient être décrétés, avant qu'il eût été décidé par le Corps législatif: s'il y avoit lieu à accusation. Vous vous êtes écartés des véritables principes; en voici la preuve. Jamais la mission honorable que le Peuple vous a confiée n'a mis ses Représentans à l'abri des poursuites légitimes, pourquoi voudrionsnous être hors de l'atteinte des Lois dont le glaive est suspendu sur la tête de tous les Citoyens? celui qui veus que la Loi le pro

tège, doit être soumis à la loi. Quelle face presenteroit la France, si 1200 Citoyens pouvoient refuser de répondre à la loi? nous deviendrions la terreur de nos Concitoyens dont nous devons érre l'espérance et la lumiere. Nul homme, dans la Société, ne doit pouvoir se soustraire à la Justice. La Justice. est instituée pour sévir,non seulement contre le foible, contre le pauvre, mais encore contre le Puissant. Lê Decret relatif à M. Lautrec ne sauroit être regardé comme un Décret constitutionnel, mais comme rendu dans une circonstance donnée. Tout le monde, sait qu'en ce moment il s'agit d'un crime de leze-Nation, de haute trahison. "

"Vous avez decrété que la procédure seroit secrete jusqu'a la comparution de l'accusé; si le paquet remis par le Châtelet, est ouvert dans l'Assemblée, ου au Comité vons renversez cette base constitutionnelle.. Que deviendroit la justice, si les Juges que Vous avez reconnus meriter votre confiance 2 en étoient privés au moment où il faut lancer les Décrets? Deux de nos Collegues sont accusés; ce seroit compromettre étrangement l'honneur de cette Assemblée que de vouloir lui faire prendre pour deux de ses Membres, des précautions refusées aux autres Citoyens.

Honorez l'autorité ordinaire de la Loi: c'est elle que je réclame en ce moment. Les Anglois, qui se connoissent en Constitution et en Liberté, n'ont jamais demandé de sauf conduits pour leurs Représentans, Tout. Citoyen a droit dese plaindre contre un Lord; le Juge de paix délivre un Warant, expédie un millimus et lance un Décret que le Parlement approave, car il aime les lois et la Liberté; que l'Assemblée Nationale renvoie

done la procédure, qu'elle en ordonne la poursuite, en déclarant qu'aux yeux de la Loi tous les hommes sont égaux, enfin, je demande subsidiairement que l'Assemblée erdonne au Comité des Recherches de la Com-. mune de Paris de remettre au Châtelet tous les documens qui seront juges nécessaires.

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M. Péthion de Villeneuve a commencé par s'étonner de l'éclat qu'on donnoit à une affaire que le Public croyoit assoupie, et des circonstances dans lesquelles on la réveilloit. « Votre Décret, sur M. de Lautrec, a-t-il ajouté, est un Décret réellement constitutionnel, un Décret général par lequel vous vous réservez de déclarer s'il y a lieu à accu- ́ sation contre un de vos Membres; vous ne • faites là qu'exercer les fonctions d'un Grand Juré, et le Grand Juré existe dans tout Etat libre. Quand vous aurez décrété le mode de la procédure par. Jurés, ces formes seront suivies pour tous les Citoyens; pourquoi ne le seroient-elles pas aujourd'hui pour les Membres du Corps législatif? Le Préopinant vous a dit que le Parlement d'Angleterre soumettoit ses Membres.au libre cours de la justice; Il s'est trompé; car il faut que le Grand Juré les ait déclarés jugeables. Je crois qu'il est bien plus raisonnable, plus conforme à l'esprit de la loi de l'inviolabilité, que l'Assemblée Nationale exerce elle-mêmė cette fonction. J'adopte la Motion de M. de Mirabeau l'aîné.

« Je ne répondrai pas, a répliqué M. de Cazalès, aux principes du Préopinant, à ses reflexions sur les Jurés, à la proposition d'établir aujourd'hui un régime particulier pour un délit antérieur à la création de ce régime. On a dit que le Décret rendu au sujet de

M. Lautrec est constitutionnel; tout annonce, au contraire, qu'il est de circonstance. Il porte que le Comité présentera incessamment un projet de Loi sur la grande question de l'inviolabilité des Représentans de la Nation; il n'est pas un Membre de cette Assemblee qui, gémissant sur un de ses Collègues, victime d'une accusation évidemment injuste, ait pensé s'autoriser du Décret auquel il a concouru avec empressement, pour soustraire aux loix les auteurs et les complices d'un attentat déplorable, qui a souillé la Révolution, qui pèse sur la Nation Françoise, qui sera son éternel déshonneur. ( De violens murmures s'étant élevés du côté gauche.) Oui, je le répète, a repris l'Orateur qui pese sur la Nation toute entière, qui sera à jamais son éternel déshonneur. »

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Si les Auteurs d'un forfait abominable, dont il n'est pas au pouvoir des hommes d'accorder le pardon, ne sont découverts et punis, que dira la France, que dira l'Europe entière? L'asyle des Rois a été violé, les marches du Trône ensanglantées, ses défenseurs égorgés; d'infames assassins out mis en péril les jours de la fille de Mari-Thérèse, de la Reine des François. (Ici des voix furieuses ont crié, les François n'ont point de Reine et le nom de Marie-Thé èse a excité les minmures des mêmes Personnes.) Oui, de la fille de Marie-Thérèse, de cette femme dont le nom survivra à ceux des infames Conspirateurs du 5 Octobre. Ils étoient Députés, ils étoient François, ils étoient hommes, et ils se sont souillés de ces attentate. Si vous adoptiez la Motion qu'on vous propose, si vous déballiez publiquement la procédure, vous verriez disparoître les coupables ou les

preuves; le cime seul resteroit ; il resteroit toujours plus edieux, car il seroit sans vengeance. Quel etrange privilége s'arrogeroient donc les Représentans de la Nation? La loi frapperoit sur toutes les têtes, et ils s'élèveroient au-dessus, de la loi! C'est donc au nom de la justice, votre premier devoir; de l'honneur, votre premier intérêt; de la liberté qui ne peut exister, si un seul Citoyen n'est pas soumis à la loi, que je vous engage, que je vous presse, que je vous conjure de decréter la Motion de M. l'Abbé Maury. Je demande donc le renvoi de cette procédure au Châtelet; je demande qu'il lui soit enjoint de la poursuivre, en lui prescrivant d'y mettre ce courage qui doit l'honorer, et le rendre à jamais célebre dans l'Histoire.

M. le Chapelier a fait revivre la doctrine de M. Péthion, en insistant sur le danger de laisser les Deputés en butte à des informations légèrement faites. (Celle-ci, dit-on, renferme près de 200 dépositions.) Il a représenté avec évidence l'autorité du Décret rendu le 26 Juin, et la nécessité de son application dans le cas actuel.

La suite du débat est devenue très-désordonnée. M. Malouet paroît à la Tribune; on l'y fait rester muet par le cri ordinaire, la discussion est fermée. « On fait lecture du Décret du 26 Juin; ensuite celle des differentes Motions: on invoque la priorité pour celle de M. de Mirabeau; les débats se renouvellent. Pour trancher court, s'écrie M. d'Ambly, ouvrez le paquet. M. Broustaret prend la parole; M. Bouchotte suit M. Broustaret. La priorité est accordée à la Motion de M. de Mirabeau : décision bientôt suivie d'un grand nombre d'amendemens.

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