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tnelle de la personne, d'une position précise et injurieuse : telle serait la qualification de voleur, quand cette qualification repose sur une condamnation judiciaire; telle serait l'imputation faite à une femme d'entretenir habituellement des relations illicites; celle faite à un comptable de soustraire les deniers qui lui sont confiés. Dans ces cas et autres semblables, l'injure, si elle a été proférée publiquement, prend le caractère d'un délit, et rentre dans les termes de l'art. 19 de la loi du 17 mai 1819.

L'injure ne renferme point un vice déterminé, quand elle se traduit seulement par une expression outrageante, une invective ou un terme de mépris. Telle serait la qualification de mauvais sujet, quand aucun fait précis ne l'appuie, et telles sont toutes les épithètes injurieuses que le mépris, la colère ou la grossièreté peuvent proférer. L'injure, dans ce cas, est moins grave, parce que, n'imputant aucun fait précis, aucun vice déterminé, elle ne porte aucune atteinte réelle à la réputation; la blessure qu'elle fait s'efface d'elle-même, et ne laisse aucune trace; une peine de simple police est donc une répression suffisante 1. Il a été jugé que ces mots : « voilà la plus grande canaille de l'endroit, quelque violents qu'ils soient, ne contiennent l'imputation d'aucun vice déterminé ; que, s'il appartient, en certains cas, aux juges des lieux de puiser dans les circonstances du fait, dans l'état des personnes et dans les allusions auxquelles certaines expressions pourraient se prêter, une qualification différente du sens apparent des paroles, il faut que ces juges le déclarent et spécifient eux-mêmes à quel vice le prévenu a voulu attacher l'expression dont il s'est servi 2.

La deuxième classe des injures simples renferme toutes celles qui ne sont pas publiques. Il importe peu alors qu'elles expriment un vice déterminé ; le défaut de publicité leur enlève toute leur gravité 3. Une injure qui n'est pas publique

1. Cass., 10 juill. 1840, Bull. n. 200.

2. Cass., 20 août 1842, Bull. n. 215; Devill.42.1.702; J.P.42.2.693.

3. Cass., 23 nov. 1843, Bull. n. 289; 30 juill. 1852, Bull. n. 260; 4 oct. 1851, Bull. n. 448.

n'apporte ni le même préjudice, ni le même outrage. Et la diffamation non publique est assimilée à l'injure simple 1. Nous avons précédemment expliqué ce qu'il faut entendre par lieux publics 2.

L'intention d'injurier est nécessaire pour constituer l'injure injuria ex affectu facientis; mais cette intention est présumée de droit quand l'expression est injurieuse; cependant ce n'est pas tant le sens propre et naturel des mots que le sens que l'usage leur donne qu'il faut consulter. On doit distinguer également si l'invective a été lancée sérieusement, ou seulement par forme de plaisanterie; dans ce dernier cas, l'action pourrait, d'après les relations qui unissent les deux parties, n'être pas admise: Si quis per jocum injuriam non tenetur 3. Enfin la plainte ne doit être accueillie qu'avec réserve, quand les paroles ont été proférées dans le feu de la passion, dans un accès de colère, dans l'ivresse ces circonstances n'effacent pas l'injure, mais elles l'atténuent 4.

2784. L'art. 471 n'atteint du reste que ceux qui ont proféré des injures sans avoir été provoqués. La compensation est donc admise en matière d'injures 5, suivant la maxime : Parva delicta mutuá compensatione tolluntur. Ainsi l'action peut être repoussée par l'allégation que la partie plaignante a elle-même provoqué les injures dont elle se plaint; c'est ce que la Cour de cassation a décidé, en déclarant: « que l'ordre public n'est essentiellement blessé par le délit d'injures entre particuliers que quand ces injures n'ont pas été provoquées ; que, si la loi subordonne la poursuite d'un délit d'injures à la plainte de la partie lésée, elle subordonne, par

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1. Cass., 2 juill. 1856, Bull. n. 244. ** V. aussi Cass., 18 nov.1886; Bull. n. 388.

2. V. notre tome 4, n. 1518.

3. L. 353, Dig. de injur., t. fam. libell.

4. V. notre tome 1er, n. 262 et 263.

5. ** Cette formule ne nous paraît pas bonne. La Cour suprême a jugé, par arrêt du 30 octobre 1886 (Bull. n. 362), « que l'art. 471-11° n'admet d'autre excuse que celle de la provocation et que la réciprocité des injures ne saurait en effacer le caractère coupable.

voie de conséquence, la condamnation, dans l'intérêt de la vindicté publique, à la preuve que la plainte de cette partie est légitime; que cette plainte n'est pas légitimé, si les injures qu'elle dénonce ont été provoquées par d'autres injures 'qu'elle s'est permises 1. » Si les injures ont été réciproques, sans que le juge ait pu reconnaître celle des parties qui sans provocation a proféré des injures contre l'autre, aucune peine ne doit être prononcée 2. Il faut ajouter que l'art. 471, no 11 ne punit que les injures proférées sans provocation, d'où il suit que toutes les fois que les deux parties ont proféré des expressions injurieuses l'une envers l'autre, aucune peine ne doit être appliquée 3; que l'art. 474 n'ayant pas défini les caractères que doit revêtir la provocation pour excuser les injures, l'appréciation que fait le juge de police des faits qui, à ses yeux, constituent la provocation, est souveraine et échappe au contrôle de la Cour de cassation 4; enfin, que la provocation n'est une excuse qu'en ce qui concerne les injures simples, mais qu'elle n'excuse nullement les injures graves qui sont qualifiées délits 5.

2785. Les injures non publiques ne constituent qu'une simple contravention, soit qu'elles aient été adressées à des particuliers, soit qu'elles aient été proférées contre des fonctionnaires 6. » En effet, la distinction faite par l'art. 19 de la loi du 17 mai 1819 n'a point été reproduite par l'art. 20 de la même loi. Il s'ensuit que les peines de police prononcées par ce dernier article s'appliquent dans tous les cas 7; une seule exception à cette règle se trouve écrite dans l'art. 222 du Code pénal.

1. Cass., 11 oct. 1837, J.P.21.816.

2. Cass., fer sep. 1826, J.P.20. 861; Devill. et Car., 8.425.

3. Cass., 9 mars 1867, Bull. n. 60.- -** V. toutefois Cass., 30 oct. 1886; Bull. n. 362.

4. Cass., 18 août 1864, Bull. n. 216.

n° 250.

** Cass., 15 déc. 1876; Bull.

5. Cass., 25 mars 1847, Bull. n. 63; Devill.47.1.395; D.P.47.1.344.

6. Cass., 30 děc. 1833, Bull. n. 610; 5 avril 1860, Bull. n. 92; 12 mars 1864, Bull. n. 70.

7. V. Parant, Lois de la Presse, p. 96.

2786. La loi ne fait également nulle distinction entre les injures verbales et les injures écrites, pourvu que l'écrit n'ait pas été publié. Nous avons précédemment admis cette doctrine 1, et la Cour de cassation l'a consacrée par les motifs : « que les injures, de quelque nature qu'elles soient, lorsqu'elles portent atteinte à l'honneur ou à la considération de ceux contre qui elles sont dirigées, sont aussi dangereuses et aussi repréhensibles que les simples injures verbales de même nature, et conséquemment également punissables ; que l'injure écrite est même plus grave, en ce qu'elle se perpétue, tandis que l'injure verbale ne se manifeste un moment que pour disparaître à jamais; que d'ailleurs il ne saurait y avoir injure sans intention d'injurier, et que les magistrats appelés à prononcer sur les faits sont toujours les appréciateurs de cette intention; que l'art. 376, général dans ses expressions, comprend toutes les injures quelconques qui n'auraient pas les caractères de publicité et de gravité déterminés par les articles qui le précèdent, et que les injures écrites comme les injures verbales, entre lesquelles cet article ne fait point de distinctión, sont également comprises dans ses dispositions; que l'art. 471, no 11, qui semble restreindre la contravention et la peine de simple police à ceux qui, sans avoir été provoqués, auront proféré contre quelqu'un des injures autres que celles prévues par les art. 367 et suivants, n'est point en contradiction, et se concilie parfaitement, au contraire, avec l'art. 376, puisque ces deux articles punissent des mêmes peines de simple police toutes injures autres que celles prévues par les art. 367 et suivants, et que lesdits articles 367 et suivants sont relatifs aux injures écrites et aux injures verbales, communes aux différents caractères de gravité et de publicité; que des art. 13 et 20 de la loi du 17 mai 1819 il résulte encore évidemment que la loi punit de peines de simple police toute injure qui ne renfermerait pas l'imputation d'un vice déterminé, par où il est bien établi que le législateur n'a pas voulu distinguer, en ce cas, entre l'injure écrite et l'injure verbale, et accorder

1. V. notre tome 3, n. 964.

à l'injure écrite une impunité que n'aurait pas l'injure verbale 1. >>

2787. Cette décision s'applique-t-elle au cas où l'injure a été faite par la voie de la presse? Il faut répondre affirmativement. Si l'art. 471 suppose que l'injure a été proférée, cette expression, appropriée aux cas les plus fréquents, n'exclut pas l'injure écrite, et par conséquent l'injure imprimée. Si, dans cette hypothèse, l'injure est nécessairement publique, cette publicité ne suffit pas pour qu'elle change de caractère, puisque l'art. 376 déclare que toutes injures qui n'auront pas le double caractère de gravité résultant d'un vice déterminé et de publicité ne donneront lieu qu'à des peines de simple police, et l'art. 20 de la loi du 17 mai 1819, confirmant cette disposition, décide encore « que l'injure qui ne renfermera pas l'imputation d'un vice déterminé ou qui ne serait pas publique, continuera d'être punie de simple police. » Il est vrai que l'art. 5 de la loi du 25 mai 1838 enlève au juge de paix les actions civiles pour injures par la voie de la presse; mais cette restriction n'a lieu que lorsque le dommage est estimé à plus de 100 fr. On a voulu, en posant cette limite, réserver au jury toutes les questions graves de la presse. Il faut remarquer, au surplus, que si l'art. 471 n'était pas appliqué aux injures légères faites par la voie de la presse, ces injures demeureraient complétement impunies, puisque aucune autre disposition pénale ne leur est applicable; or, il est salutaire, soit pour modérer le langage de la presse, soit pour prévenir les actes de violence qu'elle peut provoquer, qu'une peine qui, quoique légère, contient un blâme public, puisse contenir ses écarts.

2788. L'excuse de la provocation peut-elle être invoquée par le prévenu d'injures par la voie de la presse? Il est évident, dès qu'on fait application de l'art. 471, qu'il faut appliquer cet article dans toute sa teneur, et qu'on ne peut le scinder de manière à faire abstraction d'une partie de ses termes. Or cet article ne punit que les injures qui n'ont pas été provoquées ; d'où il suit que, de quelque manière que les

1. Cass., 10 nov. 1826, J. P. 20. 915; 30 août 1851, Bull. n. 366.

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