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dans les lieux mêmes; ce n'est que dans ce cas, en effet, qu'on peut imputer à l'agent d'avoir connu leur présence et de les avoir exposées par son fait à la mort. Mais, si ces personnes ne sont arrivées qu'après que l'incendie était allumé, les accidents dont elles ont été victimes ne peuvent être imputés à l'agent; car il ne peut être responsable que des conséquences immédiates de son action, et non des conséquences médiates et accidentelles.

La loi veut que les personnes victimes de l'incendie se soient trouvées dans les lieux au moment où il a éclaté. Evidemment cette locution inexacte et vicieuse signifie au moment où le feu a été mis. L'incendie, en effet, peut n'éclatér que quelque temps après que la méche incendiaire a été déposée: or, ce que la loi a voulu, c'est que le prévenu soit responsable de leur présence dans les lieux incendiés au moment où il y mettait le feu, car c'est à ce moment que le crime est consommé. Il importe peu que, ultérieurement et au moment où le feu éclatait, des personnes s'y soient trouvées son action était accomplie, aucun fait postérieur à cet accomplissement ne pouvait plus en modifier le caractère 1.

En résumé, le paragraphe final de l'art. 434 ne doit s'appliquer qu'avec cette double condition que l'incendie, considéré abstraction faite de l'homicide, constitue un crime, et que la victime se soit trouvée dans le lieu incendié au moment de la perpétration de ce crime. Si l'une ou l'autre de ces deux conditions n'était pas constatée, il ne resterait qu'un homicide purement accidentel, indépendant de toute intentention criminelle, et que le législateur n'aurait pu ranger parmi les crimes sans blesser les règles de la législation pénale.

§ VI, Des destructions causées par l'effet d'une mine.

2564. L'art. 33 de la section 2 du titre 2 du Code de 1791 portait « Quiconque sera convaincu d'avoir détruit par l'ef

1. ** Cette restriction ne nous paraît conforme ni au texte, ni à l'esprit de la loi.

fet d'une mine, ou disposé une mine pour détruire les bâtiments, maisons, édifices, navires ou vaisseaux, sera puni de mort. » Cet article a été reproduit, mais modifié, par l'art. 435 du Code pénal de 1810, conçu en ces termes : « La peine sera la même contre ceux qui auront détruit, par l'effet d'une mine, des édifices, navires et bateaux. >>

Il résultait de ce texte que les destructions causées par des mines étaient uniformément punies de la peine de mort; mais cette peine ne s'appliquait toutefois qu'aux destructions des édifices, navires et bateaux, ce qui excluait, par la relation de cet article avec l'art. 434, la destruction des magasins et des chantiers.

Le but de la loi du 28 avril 1832, en modifiant l'art. 435, a été de rompre cette uniformité de la peine et de réparer cette lacune de la loi.

Le nouvel art. 435 est ainsi conçu: « La peine sera la même, d'après les distinctions faites en l'article précédent, contre ceux qui auront détruit, par l'effet d'une mine, des édifices, navires, bateaux, magasins ou chantiers 1.

Cet article se rattache à l'art. 434, non-seulement par son texte, qui s'y réfère formellement, mais encore par la matière même, puisque l'explosion d'une mine n'est qu'une es-pèce d'incendie.

Il faut donc rechercher ici, comme dans l'incendie, la volonté du crime, le fait matériel de la destruction, et la nature de l'objet détruit.

2565. L'article ne porte point que l'accusé doit avoir agi volontairement ; mais cette condition est évidente, car il s'agit d'un fait que la loi qualifie de crime; or il n'existe point de crime sans une intention de nuire, sans une volonté coupable. Dans notre hypothèse, la volonté est, en général, celle de nuire par l'effet de l'explosion de la mine. De même que, dans l'incendie, la loi n'exige pas que cette volonté soit spécialisée, et par exemple qu'il soit constaté si l'agent a voulu

1. ** Le Code pénal allemand (art. 311) porte d'une manière plus générale: «Sera assimilée à l'incendie la destruction totale ou partielle d'un objet quelconque par l'emploi de la poudre ou d'autres substances explosives.

nuire aux personnes ou seulement aux propriétés; il suffit que la volonté ait été criminelle, que l'agent se soit proposé de porter un préjudice quelconque à autrui le caractère du crime résulte ensuite de la nature de l'édifice détruit.

2566. Le fait matériel de la destruction est le deuxième élément du crime. Deux conditions se réunissent ici : il faut que l'édifice ait été détruit. et que cette destruction ait eu lieu par l'effet d'une mine.

C'est la destruction, c'est-à-dire la consommation même du crime, que la loi punit; ce ne serait donc pas assez que l'agent eût disposé une mine pour opérer la destruction : cette disposition du Code de 1791 n'a pas été reproduite par le Code pénal; ce ne serait même pas assez que l'édifice n'eût éprouvé qu'une dégradation et même une destruction partielle; c'est la destruction complète, entière, qui fait l'objet de l'article. Toutefois la tentative de la destruction est punie comme le crime même, pourvu qu'elle réunisse les caractères constitutifs de la tentative légale, et la destruction partielle et la simple dégradation pourraient être considérées, suivant les circonstances, comme un élément de cette tentative.

Mais le caractère distinctif de cette destruction, qu'elle soit entière ou partielle, est qu'elle ait lieu par l'effet d'une mine; toute destruction, même complète, provenant d'une autre cause, ne pourrait rentrer dans les termes de l'art. 435. L'emploi d'une mine a les mêmes caractères que l'emploi du feu; les dangers que présente ce moyen de destruction sont tels, que la loi a pu supposer dans l'agent qui s'en sert une criminalité plus grande; cette criminalité est donc spécialement attachée au moyen mis en œuvre.

Est-il nécessaire que la puissance de la mine soit en rapport avec la destruction qu'elle veut accomplir? Cette question peut être examinée dans deux hypothèses. L'agent a fait jouer la mine; elle n'a produit qu'une faible dégradation, attendu qu'elle n'avait pas la force suffisante pour détruire. Le fait est consommé; a-t-il les caractères du crime? Evidemment non; car non-seulement la chose n'a pas été détruite, mais elle n'a pas été sérieusement menacée; et l'impuis

sance du moyen de destruction fait présumer le défaut de volonté. Supposons, dans une seconde hypothèse, que l'agent a été arrêté au moment où il allait mettre le feu à cette même mine; son action pourra-t-elle être considérée comme une tentative légale du crime ? S'il est constaté que la mine ne pouvait produire aucune destruction, qu'elle n'avait aucune puissance, il manquerait au crime le fait matériel qui le constitue. La loi ne punit que la destruction ou la tentative de destruction; d'où il suit qu'il est nécessaire que la mine ait eu ou possédé la puissance d'opérer cette destruction. Il en est dans ces deux cas comme de l'empoisonnement, qui, bien que consommé dans la pensée de l'agent, ne constitue aucun crime si la substance offerte ou administrée se trouve, à son insu même, n'être pas malfaisante.

2567. Le troisième élément du crime se puise dans la nature de la chose détruite.

Nous avons vu que l'ancien art. 435 n'avait prévu que la destruction, par l'effet d'une mine, des édifices, navires et bateaux. La loi modificative du Code pénal ajoute à ces objets les magasins et chantiers. Cette addition a pour but de mettre en harmonie les art. 434 et 435.

Une difficulté doit être examinée. L'art. 95 du Code pénal a prévu la destruction, par l'explosion d'une mine, des édifices, magasins, arsenaux, vaisseaux ou autres propriétés appartenant à l'Etat. Faut-il conclure du rapprochement de ces deux articles que l'art. 95 s'applique spécialement à la destruction des propriétés publiques par l'effet d'une mine, et que l'art. 435 ne doit être appliqué qu'à la destruction des propriétés particulières par le même moyen? Nous avons examiné cette question en expliquant l'art. 95, et nous avons pensé que cet article ne doit être appliqué que dans les cas où le crime a pour but de troubler l'Etat par la guerre civile et de compromettre sa sûreté. Nous nous bornerons donc à renvoyer nos lecteurs à l'examen de cet article. Notre opinion, au reste, reçoit une nouvelle force des distinctions introduites dans la pénalité de l'art. 435; il serait contradic

1. V. notre tome 2, n. 490.

toire en effet que ces distinctions ne fussent applicables qu'aux propriétés privées et non aux propriétés publiqnes. Elles ne peuvent être exclues que dans un seul cas, c'est lorsque le crime puise sa criminalité principale moins dans le moyen qu'il emploie que dans le but qu'il se propose; et c'est ce qui arrive quand l'explosion de la mine se rattache à une tentative de guerre civile on conçoit mieux que, dans ce cas, la peine soit identique, quelle que soit la gravité du résultat.

2568. Il nous reste à nous occuper de l'échelle pénale que la loi rectificative du Code a voulu étendre à ce crime. L'article 435 porte que la peine sera la même que dans l'article précédent, d'après les distinctions faites dans cet article. C'est donc à l'article 434 qu'il faut recourir pour connaître les peines applicables. Il résulte de la combinaison des dispositions de cet article avec celles de l'art. 435 que celui qui a détruit, par l'effet d'une mine, des édifices, navires, bateaux, magasins ou chantiers, quand ils sont habités ou servent à l'habitation, est puni de mort; que celui qui a détruit par le même moyen les mêmes objets, quand ils ne sont pas habités ou ne servent pas à l'habitation, est puni des travaux forcés à perpétuité, si ces objets ne lui appartiennent pas, et des travaux forcés à temps, s'ils lui appartiennent, et și, dans ce dernier cas, la destruction a causé un préjudice quelconque à autrui ; enfin que, dans tous les cas, si la destruction a occasionné la mort d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans les lieux minés au moment de l'explosion de la mine, la peine est la mort. Les autres dispositions de l'article 434 sont évidemment étrangères aux crimes prévus par l'art. 435.

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2569. Ces menaces sont un crime grave, puisqu'il porte le trouble dans la famille menacée, et la tient dans un état d'anxiété alarmant qui exige une surveillance aussi dangereuse que pénible. Elles sont fréquentes surtout dans les pays où l'usage de couvrir en chaume les bâtiments de la

TOME VI.

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