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Le point de droit, ainsi décidé, n'était chose jugée pour personne, ni pour les parties, ni pour les tribunaux; et ces nouveaux lits de justice ne devaient aboutir, comme nous le disions tout à l'heure, qu'à formuler une sorte de requête au pouvoir royal, pour qu'il avisât, dans sa sagesse, à l'interprétation de la loi.

Que signifiaient donc cet appareil inaccoutumé, et cette présidence même du chef amovible de la magistrature, exceptionnellement admis dans le sanctuaire des juges, si ce n'est que le pouvoir judiciaire était arrivé pour ainsi dire aux dernières limites de son empire, et qu'il avait besoin que le gouvernement et la législature lui vinssent en aide pour triompher de résistances inatten'dues?

Il y avait, dans cette manière indirecte de provoquer la loi, quelque chose d'assez analogue au droit d'initiative restreint et incomplet que la Charte de 1814 accordait aux Chambres et qui se bornait, en définitive, à un droit de remontrance et de supplique.

CHAPITRE VIII.

DE LA PROPOSITION FAITE PAR M. clausel de coussergues, en 1819, POUR

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RAPPORT PAR M. LE BARON

PROVOQUER UNE LO1 CONTRE LE DUEL.
PASQUIER. APERÇU DES QUESTIONS SOULEVÉES DANS CE RAPPORT.

D'APRÈS Ce que nous venons d'exposer, le lecteur ne sera pas surpris que la jurisprudence adoptée par la Cour de cassation, dans son arrêt du 8 avril 1819, ait donné lieu aussitôt, au sein de l'une des Chambres législatives, à l'exercice de l'initiative parlementaire.

Au fond, la portée véritable de cet arrêt était la même que celle de la proposition qui fut faite, à quelques jours de là, à la Chambre des députés, par M. Clausel de Coussergues1.

<< C'est au pouvoir législatif à juger, avait dit >> l'arrêt, s'il convient de compléter notre légis>> lation par une loi répressive, que la religion, » la morale, l'intérêt de la société et celui des fa>> milles paraissent réclamer.»>

N'était-ce pas traduire fidèlement cette pensée que de demander, comme le faisait l'auteur de la proposition, « au nom de la religion et de l'hu» manité, pour le repos des familles et les inté

1 Cette proposition fut déposée le 12 avril, développée le 30 du même mois, et renvoyée le 26 mai à l'examen d'une commission spéciale.

» rêts fondamentaux de la société, » que le roi fût supplié de faire présenter aux Chambres un projet de loi contre le duel ?

En développant l'objet de sa demande, M. Clausel de Coussergues eut soin de rappeler, dans l'exposé historique de la question, comment les états généraux du royaume avaient, à plusieurs reprises, provoqué, par de sages remontrances, des lois sévères pour la répression du duel.

« C'est surtout à cette tribune, disait-il, qu'il » convient de citer ces monuments vénérables de »> notre histoire politique, véritable participation » à l'initiative des lois, où l'on voit un modèle de » celle que nous exerçons nous-mêmes, et qui se » retrouve, sous diverses formes, à tous les âges » de notre constitution représentative.

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Après avoir ainsi invité la Chambre à suivre les traces glorieuses de nos anciennes assemblées, l'auteur de la proposition résumait, dans une courte mais substantielle analyse, les opinions exprimées sur la répression du duel par les plus grands hommes d'État des derniers siècles.

Quant à ses conclusions, M. Clausel de Cous-. sergues les avait formulées dans les termes les plus simples, se bornant à la demande d'une loi répressive, et laissant à la Chambre le soin d'indiquer, si elle le jugeait convenable, les dispositions à insérer dans cette loi.

Ce qui manquait à ces conclusions fut complété de la manière la plus heureuse par la com

mission à laquelle la Chambre renvoya l'examen de la proposition dont il s'agit1.

Ce n'était pas cependant chose facile que de poser, pour ainsi dire d'urgence, car la commission n'eut que peu de semaines pour préparer son rapport, les bases sur lesquelles on pouvait reprendre, après tant de révolutions de lois et de mœurs, le système pénal abandonné depuis 1791.

Dans le rapport fait à la Chambre, M. le baron Pasquier traça, d'une main ferme et sûre, le cercle dans lequel la discussion paraissait devoir s'engager.

Sans s'arrêter à la question doctrinale de savoir si l'on pouvait, à toute force, faire sortir des termes du Code une interprétation répressive, il choisit un terrain plus large où sa conscience fût à l'aise pour aborder les considérations les plus hautes.

1 Cette commission comptait au nombre de ses membres MM. Cassaignolles, Bellart, de Cardonnel, et le baron Pasquier qui fut chargé du rapport.

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En quoi le duel diffère des autres crimes. -Son immoralité est plus grande encore que celle du combat judiciaire. Une loi contre le duel est impérieusement réclamée par la morale. Son utilité est démentrée par l'histoire.

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Ordinairement, lorsqu'on s'occupe de rédiger une loi pénale, on peut éprouver quelque embarras à définir le délit ou à appliquer la peine, mais on n'en éprouve aucun à établir en quoi le fait qu'il s'agit de réprimer blesse la morale. Jamais législateur ne s'est vu forcé d'argumenter pour prouver logiquement la criminalité du vol ou de l'assassinat.

Mais, en matière de duel, on s'aperçoit tout d'abord que l'on a affaire à des consciences prévenues, que leur pente naturelle entraîne à prendre parti contre la loi qu'il s'agit de porter. Et combien, à l'époque dont nous parlons ici, ces préventions n'avaient-elles pas acquis de force par le silence prolongé du législateur! Pour trouver des exemples de condamnations contre des duellistes, il fallait remonter aux souvenirs d'un ordre de choses qui n'existait plus: et le préjugé semblait avoir prescrit désormais contre la morale, de même qu'il s'était émancipé des lois.

Le rapporteur de la commission revendiqua hautement les droits de la religion et dẹ l'huma

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