données à la France, le champion de l'absolutisme et de la congregation, l'ami et l'instrument de lord Wellington qui voulait l'imposer à la France, et le faisait recommander dans ses journaux (1). Ces bruits et ces reproches auxquels le prince a cru devoir faire une réponse authentique (Voy, pag. 8), appuyés de la menace faite par plusieurs ministres de donner leur démission, si le roi persistait à vouloir mettre son favori dans le conseil, firent encore ajourner la résolution. On publia dans un journal semi-officiel que le voyage de M. de Polignac n'avait pas d'autre motif que de lui faire avoir une conférence sous les yeux du ministère avec M. de Mortemart, sur les graves objets que l'un et l'autre allaient avoir à traiter auprès des cours de Londres et de Pétersbourg : motif qui n'était pas sans vraisemblance, mais auquel personne n'a voulu croire. Il parut en même temps (25 janvier) une ordonnance qui nommait M. Bourdeau, déja directeur de l'enregistrement et des domaines, sous-secrétaire d'état au département de la justice, mesure qui semblait avoir pour objet de faciliter à M. Portalis l'accomplissement de ses nouveaux devoirs, de donner à l'interim un caractère de durée, peut-être aussi un nouvel appui dans le centre gauche au ministère, mais qui ne satisfit pourtant aucun parti. Telle était la situation des affaires et des partis à l'ouverture de la session législative, qui eut lieu le 27 janvier, dans la grande salle du Louvre, avec le cérémonial accoutumé. Le discours du trône, long-temps délibéré dans le conseil, et qui fut entièrement refait, dit-on, la veille, par le ministre de l'intérieur (M. de Martignac), commençait par déclarer que la paix ne serait pas troublée dans le reste de l'Europe. S. M. annonçait que pour hâter la pacification de la Grèce, elle (1) L'au d'eux, organe habituel du ministère, the Courier, disait, dans son n° du 21 janvier, en parlant du prince de Polignac : La cause de son départ n'a point transpiré. Mais quel que soit le poste • qu'on lui confie, il le remplira avec honneur, fidélité et talent. De tous les • ambassadeurs qu'on a vus dans ce pays, aucun n'a emporté à un plus haut degré l'estime de tous les partis. » avait, d'accord avec l'Angleterre et la Russie, envoyé en Morée une division de ses troupes; qu'une déclaration formelle, notifiée à la Porte, avait placé la Morée et les îles qui l'avoisinent sous la protection des trois puissances; qu'on pouvait espérer que la Porte, mieux éclairée, cesserait de s'opposer à l'exécution du traité du 6 juillet, et que ce premier rapprochement ne serait peut-être pas perdu pour le rétablissement de la paix. Le roi annonçait en outre, que la situation de l'Espagne lui avait permis de rappeler les troupes françaises, laissées à la disposition de S. M. C., et qu'une convention venait d'être souscrite pour régler le remboursement des sommes avancées par la France au gouvernement espagnol. L'espérance que S. M. conservait encore d'obtenir du dey d'Alger une juste réparation, avait seule retardé les mesures qu'elle pourrait être forcée de prendre pour le punir... Une négociation avait été ouverte pour assurer, dans l'intérêt des colons et du commerce, l'exécution des engagemens contractés par le gouvernement d'Haïti. La restitution des navires marchands, enlevés dans la guerre du Brésil avec Buenos-Ayres et la réparation des dommages éprouvés par le commerce français dans ces parages, étaient garantis par une convention récemment conclue; enfin, le moment n'était pas éloigné où S. M. pourrait donner aux relations de la France avec les nouveaux états de l'Amérique du sud une stabilité utile: en attendant, des consuls avaient été préposés à la surveillance des intérêts des sujets français. Passant aux affaires de l'intérieur de la France, S. M. s'applaudissait d'y voir régner l'ordre, fleurir l'industrie et calmer les inquiétudes qu'avaient excitées de longues intempéries et des retards fâcheux dans la moisson des céréales. Quant à l'état moral du pays, il semblait inspirer au gouvernement des craintes plus sérieuses. « La presse, affranchie, jouit d'une liberté entière, disait S. M.; si la licence, sa funeste ennemie, se montre encore à l'abri d'une loi généreuse et confiante, la raison publique, qui s'affermit et s'éclaire, fait justice de ses écarts; et la magistrature, fidèle à ses nobles traditions, connaît ses devoirs et saura toujours les remplir. Le besoin de placer à l'abri de toute atteinte la religion de nos pères, de maintenir dans mon royaume l'exécution des lois et d'assurer en même temps parmi nous la perpétuité du sacerdoce, m'a déterminé, après de mûres réHexions, à prescrire des mesures dont j'ai reconnu la nécessité. Ces mesures ont été exécutées avec cette fermeté prudente qui conciliait l'obéissance due aux lois, le respect dû à la religion et les justes égards auxquels ont droit ses ministres... >> Quoique les prévisions du budget des recettes pour 1828 eussent été dépassées, ce surcroît de prospérité n'avait pas dû porter atteinte au système d'économie dans lequel le gouvernement devait chercher à persévérer chaque jour davantage. Au nombre des travaux qui devaient occuper la session, on avait surtout à remarquer un projet sur l'organisation municipale et départementale. « Les questions les plus difficiles, disait S. M., se rattachent à cette organisation. Elle doit assurer aux communes et aux départemens une juste part dans la gestion de leurs intérêts; mais elle doit conserver aussi au pouvoir protecteur et modérateur qui appartient à la couronne la plénitude de la force et de l'action. dont l'ordre public a besoin. >> - L'expérience, ajoutait le monarque en terminant, a dissipé le prestige des théories insensées : la France sait bien comme vous sur quelle base son bonhear repose; et ceux qui le chercheraient ailleurs que dans l'nnion sincère de l'autorité royale et des libertés que la Charte a consacrées, seraient hautement désavoués par elle... » Ce discours avait été plusieurs fois interrompu par des acclamations d'enthousiasme qui se firent entendre à plusieurs reprises quand il fut terminé, dans les rangs des députés ou des pairs connus par leurs opinions libérales. Il fit dans le public la même sensation; et quoique des journaux du même parti regrettassent de n'y pas trouver une désapprobation formelle des événemens du Portugal, ils s'accordèrent à en faire l'éloge. Mais dans le parti contraire on ne voulait le considérer que comme l'ouvrage du ministère, comme l'exposé de son système, et on déplorait amèrement les projets annoncés comme de nouvelles et funestes concessions au système démocratique. (28 janvier). La Chambre des pairs procédant, sous la présidence du chancelier de France, à la formation de son bureau, nomma pour secrétaires MM. le baron de Glandèves, le comte d'Orglande, le vicomte Dode et le comte d'Houdetot, et vérifia dans cette séance ou dans les suivantes les titres des nouveaux membres élevés à la pairie; c'étaient MM. le comte Abrial et le marquis de Lauriston appelés à siéger par droit héréditaire : S. Em. le cardinal d'Isoard, archevêque d'Auch, et S. G. M. Feutrier, évêque de Beauvais et ministre des affaires ecclésiastiques, nommés par ordonnance du 24 janvier, et M. le comte de Bouillé dont la promotion datait du 25 août 1827, mais dont l'admisssion n'avait noncée. pas encore été pro Le projet d'adresse en réponse au discours du trône, présenté le 5 février par M. le baron Pasquier, au nom d'une commission spéciale, n'était, suivant l'usage, qu'une éloquente paraphrase de ce discours. La discussion fut courte et ne roula que sur de légères modifications. M. le prince de Polignac, dont nous venons de dire l'arrivée et les inquiétudes qu'elle avait excitées, saisit cette occasion de faire une espèce de profession de foi à laquelle les circonstances postérieures ont donné une importance historique. Quelques feuilles publiques, auxquelles l'homme privé ne daignerait pas répondre, disait S. S., parce qu'elles ne peuvent l'atteindre, mais dont l'homme public doit repousser l'attaque, ont, depuis quelques jours, dirigé contre moi lenr's plus violentes calomnies, Sans provocation de ma part, sans vérité, sans vraisemblance, sans un seul fait qui leur servit de motif ou même de prétexte, elles ont ose me montrer à la France entière comme nourrissant dans mon cœur un secret éloignement contre nos iustitutions représentatives, qui semblent avoir deja acquis la sanction du temps et une sorte d'autorité imprescriptible, depuis que la main royale qui nous les a données repose glacée dans la tombe. Si les rédacteurs, quels qu'ils soient, de ces inculpations calomnienses, ponvaient pénétrer dans l'intérieur de mon domicile, ils y trouveraient la meilleure de toutes les réfutations et de toutes les réponses; ils m'y verraient entouré des fruits de mes continuelles et, j'espère, inutiles études, ayant toutes pour objet et pour but la défense, si eile devenait nécessaire, la consolidation de nos institutions actuelles, le désir et le dessein d'en faire hériter nos enfans, et d'imposer à leur bonheur la douce obligation de bénir la mémoire de lears pères. En voyant ce qui m'occupe, comme il est au reste facile de savoir ce que je pense et d'entendre ce que je professe, la calomnie elle-même rougirait de m'avoir prêté des sentimens si peu conformes aux miens; ma voix, nobles pairs, les désavoue aujourd'bui; ma vie les désavouera toujours. Mais, messieurs, je ne me contenterai pas d'énoncer ici la moitié seulement de mon symbole politique; oui, je m'honore d'être du grand nombre, in nombre immense des Français qui pensent, qui espèrent que les institutions representatives jetteront de profondes racines dans notre patrie; mais je suis bin de partager l'opinion de ceux qui verraient sans effroi l'excès d'un zèle coupable dénaturer, travestir ces institutions, si sages en elles-mêmes, et puiser dans l'abus qu'on en ferait tout un code de doctrines propres à exciter les passions et à lancer au loin, dans la société, des brandons de discorde. Je repousse aussi l'opinion de ceux qui, méconnaissant la pensée royale et paternelle de l'anguste fondateur de nos libertés, chercheraient, à l'aide de ees formes de gouvernement si généreuses et si monarchiques, à affaiblir parmi nous les prérogatives de la couronne, à isoler la France nouvelle de la gloire de l'aucienne France, en faisant surgir, du sein de la même nation deux peoples qu'ils supposeraient éternellement séparés par des souvenirs et par des regrets; de ceux encore qui voudraient atténuer le respect dû à la religion de nos pères, en la représentant, dans leur insidieux langage, comme une enpenie secrète de nos libertés, feignant de ne pas comprendre qu'on peut lai témoigner les premiers égards, lai décerner les premiers hommages sans blesser la securité de toutes les consciences. Ce serait là, messieurs, insulter la mémoire du fondateur de nos institutions, dechirer son ouvrage, et s'armer du bienfait pour en frapper le bienfaïteur. - Pour moi, messieurs, le pacte solennel sur lequel nos libertés monarchiqnes reposent m'apparaît comme ce signe céleste, précurseur du calme et de la seténité; j'y vois un port assuré contre de nouvelles tempêtes, une terre Beatre, également inaccessible à des souvenirs qui ne seraient pas sans danger, comme à d'inutiles regrets; j'y vois le trône entouré de puissantes garanties pour l'exercice de ses prérogatives, puisqu'au sentiment du bien public qui commande ses droits sacrés, se joint le sentiment de la reconnaissance excitée par les nouveaux bienfaits répandus sur un peuple accoutumé à lui devoir tant de bonheur et tant de gloire. ■ Oui, messieurs, nos institutions me paraissent concilier tout ce que peuvent reclamer, d'un côté, la force et la dignité du trône, de l'autre, une juste indépendance nationale : c'est donc, d'accord avec ma conscience et ma conviction, que j'ai pris l'engagement solennel de concourir à leur maintien. Et de quel droit penserait-on aujourd'hui que je reculerais devant cet engagement? De quel droit me supposerait-on l'intention de sacrifier des libertés legitimement acquises? M'a-t-on jamais vu servile adorateur du pouvoir? Ma fai politique s'est-elle ébranlée à l'aspect du péril? S'il m'était permis d'interroger la conscience et la vie de mes accusateurs, ne les trouverais-je pas fléchissant le genoa devant l'idole, quand, plus indépendant qu'eux, je bravais dans les fers les dangers et la mort ?..... » M. de Polignac repartit pour Londres (15 février) peu de jours après ce discours qui ne changea rien aux impressions ni aux préventions que ses antécédens et son voyage avaient fait répandre; l'avenir le prouvera. C'était le seul incident à relever dans la discussion du projet d'adresse, qui fut adopté dans la même séance, avec quelques changemens, à une majorité considérable (82 voix sur 99 votans). Il est à remarquer seulement qu'on y avait évité le mot de punir, |