et qu'en outre la marine anglaise n'était pas, comme en France, seule chargée de protéger le commerce, puisque la compagnie des Indes avait aussi la sienne. S. Exc. terminait en donnant à la Chambre les détails propres à éclairer son opinion sur les diverses parties du service, telles que le conseil d'amirauté, les préfectures maritimes, le personnel de la marine, les bagnes, dont le régime avait été amélioré, et enfin l'administration des colonies, récemment organisée par des règlemens qui devaient bientôt rencontrer des obstacles sérieux et de vives résistances de la part des colons: ⚫ Des réformes étaient nécessaires, observait à ce sujet S. Exc.; elles ont eu lieu; d'autres également commandées par la raison, l'humanité et la saine politique, suivront; mais, certes, quelque bruit que fassent des hommes trop ardens, le gouvernement ne cessera d'agir avec une extrême prudence. « Il faut sans doute arriver à concilier aux colonies tous les intérêts; mais le premier intérêt colonial, messieurs, c'est la sûreté des colons. Les colons sont comme nous Français, comme nous sujets, enfans de Charles X. Ah! faisons du bien, tout le bien possible aux hommes de couleur libres, aux esclaves... Toutefois n'oublions pas Saint-Domingue. (1, 2, 3 juillet.) Le point capital de cette discussion était la question de savoir si la marine actuelle était supérieure ou inférieure à ce qu'exigeaient les besoins du commerce, l'honneur et la sécurité de la France. La commission avait posé en fait que c'était trop de dépenser 75 millions pour protéger notre commerce maritime, dont le mouvement ne s'élève pas à plus de 400 millions. Cette opinion fut vivement combattue par MM. Aug. de Leyval, Charles Dupin et Agier, et soutenue par M. Labbey de Pompières, qui y mêla bien d'autres critiques de détail; par M. Benjamin Constant, qui en prit occasion de réclamer contre la continuation de la traite des noirs, du sort malheureux des esclaves, et des injustices dans lesquelles on persistait à l'égard des hommes de couleur ; réclamations appuyées par d'autres membres (MM. Duvergier de Hauranne, Viennet, Boissy d'Anglas, etc.), qui donnèrent lieu au ministre de la marine de remonter à la tribune et de rappeler encore ce qu il avait fait depuis son entrée au ministère pour faire cesser les abus dont on se plaignait, justifications mieux accueillies du côté gauche que de l'autre, et après lesquelles les diverses sections de ce budget furent successivement adoptées sans autres retranchemens que ceux proposés par la commission. (3-4 juill.) Il ne restait que le budget du ministère des finances, dont la discussion générale n'a rien offert de remarquable. Les orateurs qui y prirent part (MM. de Brigode, Gravier, Louis Fleury) revinrent sur la nécessité des économies à faire, notamment au moyen de la suppression des emplois surabondans, de la réduction de l'intérêt de la dette et de l'amélioration du mode de perception des impôts. M. de Rambuteau présentait aussi des réflexions très étendues sur la dette flottante; question à laquelle on revint plus tard d'une manière plus approfondie. Déja les crédits des 21 premières sections des finances avaient éte adoptés avec les amendemens de la commission; plus, une réduction de 200,000 fr., proposée par MM. Boissy d'Anglas et Moyne, à la section 22 (frais de trésorerie), quand, sur la section 23 (dette flottaute), M. Casimir Périer, qui n'avait pas pris la parole de toute la session, demanda à être entendu. Sa présence à la tribune excita dans la Chambre un mouvement très marqué d'attention. Messieurs, dit-il, je profite de l'occasion qui m'est offerte en parlant sur la dette flottante pour faire quelques courtes réflexions sur une question qui engage la responsabilité ministérielle, et qui porte atteinte à la prérogative de la Chambre. " Je viens demander à M. le minisire des finances, lui qui s'est montré si justement sévère en ne voulant pas ordonnancer une somme de 179,000 fr. dépensée par l'ancien ministère, parce qu'elle n'était pas appuyée sur un crédit législatif, je viens lai demander, dis-je, comment il a pu laisser disparaître, sans le vote des Chambres, et par l'effet d'un simple traité diplomatique, une valeur qui figure à l'actif de la France, et qui, par la manière dont elle est liquidée, la constitue en une perte de plus de 182 millions. « Je viens parler du traité par lequel le ministère des affaires étrangères a donné quittance à l'Espagne des sommes dont elle nous était redevable, en les réduisant à 80 millions, et en se contentant pour tout paiement d'une annuité de 4 millions, dont 2 millions 40,000 fr. serviront à payer des intérêts par une proportion décroissante jusqu'à cette époque, à raison de 3 pour ojo, et les 600,000 restant serviront à former une caisse d'amortissement qui, au moyen de l'intérêt composé pendant 31 ans, doit nous rembourser notre capital de So millions. » L'honorable membre établissait, par des calculs trop longs pour les rétablir ici, que notre créance sur l'Espagne, constatée par le règlement définitif de nos comptes, en vertu des deux traités diplomatiques des 29 janvier et 9 février 1824, se montait à 95 millions; à quoi ajoutant les intérêts dus depuis sept ans, on obtenait un total de 120 millions, dont les contribuables se trouvaient grevés au profit de l'Espagne, et qui s'accroissait, par les intérêts accumulés pendant trente-un ans, jusqu'à 182 millions; mais le point sur lequel il insistait principalement, c'est « qu'il n'appartenait pas aux ministres de conclure de pareilles couventions, « attendu que le droit de voter les subsides était évidemment dévolu aux Chambres. » En comptant les intérêts à 5 pour cent, M. Casimir Périer se défendait d'imposer à l'Espagne une charge trop onéreuse. Ce n'était pas profiter de sa détresse, puisqu'elle négociait en ce moment son papier à des pertes énormes. Nous n'nsons pas ici de justes représailles envers elle, ajoutait l'honorable membre; cai qui de nous pourrait oublier qu'en 1815 elle a pesé de tout son poids dans la balance pour nous faire payer des sommes que, certes, elle ne nous avait pas prêtées; et alors que pour la rembourser, nous étions obligés d'emprunter à 10 pour cent d'intérêt, et en sacrifiant 100 pour cent sur le capital? « Qui régnait alors sur la France ? un Bourbon. Qui exigeait alors d'elle une rançon de 40 millions? Ferdinand VII... Je le demande aux ministres : qui peut les porter dans une affaire dont l'origine est étrangère à leur administration, à se mettre en opposition avec les prérogatives et les droits des Chambres? Qu'ils montent donc à la tribune pour nous expliquer une aussi étrange conduite! Quels sont leurs motifs ?... Le ministère, forcé de traiter avec l'Espagne, et connaissant les répugnances du prince qui la gouverne pour tout ce qui est doctrine ou forme représentative, a sans doute craint, par une attention plus que délicate, que ce prince refusât un don aussi énorme, s'il ne lui arrivait pas par de tout vote constitutionnel... » Ainsi, les objections de M. Casimir Périer reposaient sur ce fait principal, que la France, en recevant une somme de 80 millions avait fait remise à l'Espagne de 15 millions sur celle dont elle devait le remboursement d'après la convention du 30 décembre. Le ministre des finances répondit qu'en cela il y avait erreur de, la part du préopinant; que la Chambre pouvait consulter la situation de l'administration des finances au 1er janvier 1829, et qu'elle V verrait que la créance de l'Espagne y était portée à la somme de 94,872,000 fr., avec cette énonciation positive que, sur cette somme, So millions étaient déja garantis à la France par le traité du 30 décembre 1828; et que ce n'était qu'une fixation provisoire et subordonnée au règlement des répétitions, que, de son côté l'Espagne pouvait avoir à exercer contre la France, en prenant pour base les conventions de 1821. S. Exc. soutenait, d'ailleurs, qu'il appartenait au Roi seul de conclure de semblables conventions, sans qu'on pût prétendre qu'elles dussent être soumises à la sanction des Chambres. Ici la discussion portait sur le point le plus grave, sur la question de prérogative, vivement contestée par M. Dupin aîné qui insistait sur le droit que la Chambre a toujours d'examiner et critiquer les traités, quand leurs stipulations réagissent sur les intérêts du pays : « Vous pouvez déclarer la guerre, disait-il aux ministres, <«< mais vous ne pouvez pas la faire sans l'aveu des Chambres, pour obtenir d'elles des hommes et de l'argent ; » opinion que le ministre de l'intérieur, présent à ces débats, ne laissa point passer sans réponse, ou plutôt sans explication nouvelle. Quel est maintenant notre position? dit S. Exc. La France a successivement, pendant plusieurs années, fait des avances pour le compte de l'Espagne; l'Espagne s'était obligée à rembourser ces avances. Un crédit a été demandé anx Chambres pour ce service, et chaque année cet objet a subi une discussion législative, et a eu un vote formel pour résultat. Que s'est-il passé? un arrangement concia entre la France et l'Espague pour le montant de dettes contractées par cette puissance envers la France. Cet arrangement devait-il être porté aux Chambres et soumis à la ratification de leur vote? oui, si, en vertu de cet arrangement, nous étions venus vous demander un subside... Je déclare ici qu'aucun subside re doit être le résultat du traité; cela est si vrai que vous n'avez à émettre aucun vote. La seule question que vous ayez à faire, et celle-là je la reconnais, c'est celle de savoir si le gouvernement a traité aussi bien qu'il a pu le faire; et sur ce point nous ne refuserons jamais de donner des explications... Jusqu'à ce jour on avait constamment émis à cette tribune l'opinion que la dette d'Espagne était une chimère; on la traitait dérisoirement chaque fois qu'elle était portée dans les comptes éventuels au chapitre de la dette flotante... Nous avons cru que la Chambre nous saurait quelque gré des efforts prolongés ́que nous avons fait pour arriver à un résultat que, comme vous, messieurs, plus que vous, nous espérions être plus avantageux; mais, mieux que vous nous en avons reconnu l'impossibilité, « Que nous reproche-t-on? d'avoir abandonné une portion du capital. Non, cet abandon n'a pas été fait. Nous avons voulu arriver le plus tôt possible à obtenir un traité positif; ainsi quand des discussions se sont élevées pour une portion du capital réclamé, nous avons dit: traitous pour la partie qui n'est pas litigieuse. Vous prétendez qu'au delà des 80 millions il y a lieu à compeusation: eh bien! reconnaissez-vous d'abord débiteurs de ces 30 millions; quant au surplus nos droits sont réservés: nous avons poussé la précaution jusqu'à déterminer la limite des compensations, afin que les anciennes prétentions de l'Espagne ne puissent nous être opposées..... » Enfin le ministre répondait, quant à la modicité de l'intérêt, par la nécessité de combiner les exigences avec les moyens de ceux avec qui l'on traite. M. Lafitte, insistant sur les observations de M. Casimir Périer, auxquelles il n'avait pas été répondu, faisait observer qu'il ne s'a› gissait pas aujourd'hui de subsides, mais d'une liquidation opérée par les ministres : Je demande, disait-il, aux ministres qui viennent de dire que cette liquidation est si avantageuse à la France, s'ils s'en sont contentés, s'ils n'ont pas demandé antre chose à l'Espagne, et si ce n'est pas par d'autres influences que la France n'a pas obtenu ce qu'elle pouvait obtenir... » L'honorable membre se réservait d'ailleurs de répondre aux objections qui avaient été alléguées, lorsqu'on en serait au budget des recettes, où la question se reproduisit en effet de nouveau. (8 juillet.) La discussion du budget des dépenses touchait à son terme. Plusieurs articles additionnels étaient proposés, entre autres, une disposition présentée par M. de Cormenin, pour la prohibition du cumul des places ou emplois. Cette disposition, fondée sur les considérations d'intérêt public que son honorable auteur avait précédemment développées, était appuyée par plusieurs membres du côté gauche, dont quelques uns (MM. de Tracy, Benjamin Constant, Alexandre Delaborde), demandaient toutefois une exception en faveur des savans et des artistes. M. le ministre de l'intérieur combattit l'amendement, en faisant observer qu'il était trop absolu, et qu'en l'introduisant aussi brusquement, on risquerait de troubler l'administration tout entière; inconvénient auquel prétendait obvier M. de Chauvelin, en proposant de réduire l'amendement à une disposition législative qui serait applicable à partir de 1831. Mais on objecta encore (M. de Berbis) que l'article en discussion ne pouvait pas être inséré dans la loi du budget, et qu'il devait faire la matière d'une loi spéciale. |