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de reffemblance à la mere qu'au pere, principalement en ce qui regarde la forme & l'habitude du corps; fuffit-il pour cela que la mere l'emporte en vigueur & en force fur le pere?

A l'égard des Bréhaignes, on appelle ainfi des femelles d'animaux qui ne portent jamais, parce qu'elles ne font pas fécondes.

Enfin, on donne le nom de monftre à des animaux nés avec un vice de conformation contraire à la marche ordinaire de la nature, c'est-à-dire, avec une structure de certaines parties, & différentes

plus ou en moins de celle qui caractérise l'espèce vulgaire des animaux dont ils fortent; la plupart de ces écarts de la nature nous frappent d'étonnement par les différences extérieures, & quelquefois intérieures; il y a donc des êtres qui pèchent par la conformation extraordinaire & bizarre, par la grandeur difproportionnée, par le renversement de toutes les parties de gauche à droite, par la place fingulière que ce déplacement leur fait fouvent occuper, par un dérangement confidérable, par l'union ou la défunion de plufieurs parties, ce qui s'oppofe à l'exécution de leurs fonctions, &c.; dans la lifte des monftres, nous avons vu un poulain cyclope, un enfant acéphale, un cochon-d'inde à deux corps, des chats à deux têtes, un lapin tripède, un lièvre avec une feule oreille, un bélier hexapode, un chat & un veau à tête double; un enfant monopède; un fœtus de fix mois à deux têtes, un feul corps, quatre bras, trois jambes; des lévrauis à huit pattes, des canards à deux becs, des pigeons & des dindonneaux à quatre pattes, & quantité d'autres animaux, dont les parties ou monftruofités varioient en fituation, en figure, en proportion & en nombre; nous avons vu auffi une famille d'humains fexdigitaires; il faut en convenir, toutes ces conformations font rarement héréditaires; la Nature ne confond jamais pour toujours, ni fes véritables marques, ni fes véritables fceaux: foumife à la loi du modèle qu'elle s'eft formé, le prototype, ou deffin primitif de l'espèce, refte ou reprend fes droits; en un mot, il tend toujours à rentrer dans l'ordre & la régularité de l'efpèce originaire la variété ou les écarts, n'en ébranleront peut-être jamais l'immutabilité, parce qu'ils font illufoires, éphémères; un Naturaliste, inftruit & conféquent, placera ces individus accidentels dans la lifte des êtres momentanés.

Tel eft à-peu-près le fommaire des irrégularités dans les corps organiques, fi contraires à la marche ordinaire de la nature : expofition qui oppofe tant de difficultés à la définition de l'efpèce, & qui a fair propofer par un favant cette fameuse question: Est-ce qu'à proprement parler, il n'exifteroit point d'espèces, mais feulement des individus ?

Difons maintenant que les temps font changés; l'école moderne a fecoué le joug des trop ridicules préjugés de l'ancienne Rome; elle

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n'outrage point le trifte efclave qui offre honteufement l'excès ou l'ambiguité du fexe notre Sénat ne punit point le coupable innocent de la nature que le rigoureux Aréopage d'Athènes profcrivoit ou condamnoit tout à la fois, comme prophanateur & comme infâme: les hermaphrodites, quels qu'ils foient, ne font plus jettés à l'eau, ni relégués dans des ifles défertes; en un mot, ce ne font plus des êtres de mauvais préfages; s'ils font affez malheureux pour n'offrir aux regards de l'obfervateur que l'erreur organique d'une conftitution physique à leur égard, ils font un objet de méditation à l'efprit du Philofophe qui cherche à configner dans les annales de la nature, toutes les efpèces de faftes de cette mere du monde.

Aujourd'hui, que les Grands fe font une gloire de ramafler à grands frais, & pour l'inftruction publique, toutes les productions naturelles, qu'ils accordent leur protection à ceux qui étudient la fcience de la nature, qu'ils ne dédaignent point de converfer, tant avec ceux qui y font quelques progrès, qu'avec ceux que d'heureux fuccès, guidés par le génie, ont fait marcher à grands pas dans cette carrière les Princes, dans leurs momens de loifir, contemplent & comparent avec fruit les détails de leurs collections, fe rendent propres la férie des connoiffances acquifes fur le domaine de l'hiftoire naturelle; par-là, ils fe montrent au fait des richeffes des différentes Provinces & Etats, enfin des intérêts & des travaux de la Société qu'ils gouvernent; d'après ces vues, ces motifs, Leurs Alteffes Séréniffimes Meffeigneurs le Prince de Condé & le Duc de Bourbon, animés d'une curiofité noble & exemplaire, ont ordonné, pour faciliter les moyens d'inftruction fur les vices d'organisation des êtres créés, les rapports & les différences fenfibles qui les caractérisent, ces Princes ont, dis-je ordonné, que tous les animaux rares ou finguliers qui meurent à la Ménagerie de Chantilly, & ceux qu'ils chaffent, fuffent, avant d'être déposés dans leur Cabinet d'hiftoire naturelle, examinés dans leur enfemble & leurs détails.

Un Daim, à la veille du rut, ayant été lancé dans la forêt d'Halat, près de Chantilly, le 16 Septembre 1775. laiffa obferver, au moment de l'attaque, qu'il ne faifoit que toucher au bois, tandis que le bois des autres Daims avoit déja frayé & bruni; on remarqua auffi que les chiens le chaffoient alors mollement; ils fembloient même refufer de le fuivre ce ne fut qu'une heure après, que cet animal étant échauffé, fes émanations devenant abondantes, ils le chafsèrent vigoureufement. L'animal étant porté à terre par les chiens, donna alors le cri d'un Daim on alloit le déshabiller, & commencer, fuivant l'ufage, par l'amputation des Daintiers; ( terme de Chaffeur, qui défigne les tefticules) l'afpect de l'irrégularité extérieure du fexe,

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frappa d'étonnement Son Alteffe Séréniffime Monfeigneur le Duc de Bourbon, ainfi que les Piqueurs de l'équipage. Son Alteffe Séréniffime ordonna que l'animal fût porté intact & tout de fuite au Château de Chantilly, où Son Alteffe Séréniffime Monfeigneur le Prince de Condé étoit. Ce Prince me fit appeller pour en faire l'examen, & ordonna en même-tems à M. Brilloët, pere, l'un de fes Chirurgiens, d'en faire l'ouverture en fa préfence: plufieurs des Seigneurs qui étoient au Château, eurent la même curiofité, & fuivirent les deux Princes à l'Amphithéâtre.

Il est important de dire que ce Daim eft d'une taille de Daim or dinaire, cependant haut fur jambes; fa tête ne porte qu'un bois, lequel eft implanté fur la partie gauche de l'os frontal: on trouve uniquement fur le têt droit la feule meule de l'autre bois, avec fon pivot. On fait que chez les Daims, comme chez les Cerfs, l'efpèce mâle eft la feule qui porte des bois. ( M. de Buffon a expofé, avec toute la fagacité philofophique qui règne dans fes écrits, les rapports entre la nutrition, la production du bois, le rut & la génération dans ces quadrupèdes ruminans. La furabondance ou fuperflu de la nourriture alors inutile au développement & à l'extenfion du corps chez ces animaux, indique des effets fenfibles; elle fe manifefte par de nouvelles productions; elle produit la tête ou bois, le gontemeut des Daintiers, la venaifon & furcharge de grailfe, le rut & en ce moment le gonflement de la gorge.) Le Daim dont il eft queftion, a été jugé par le pied pour un Daim de dix cors jeunement; par l'unique bois qu'il avoit, quelques Challeurs ne le jugeoient que troisième ou quatrième tête (corne ou bois) au plus; mais les Piqueurs les plus experts ont eftimé qu'on ne pouvoit plus juger de cet animal pour l'âge; fa tête proprement dite, eft bifarde; il a l'encolure d'une daine; le pelage fauve & moucheté de blanc; les gouttières du bois affez larges, & ne fe terminant qu'à l'extrémité de l'empaumure; le merrain fort maigre, & n'indiquant plus de connoiffances au Chaffeur; mettant bas fon bois annuellement, le fexe prédominant, en apparence, chez cet animal, fembloit être le fexe féminin; des tétines affez longues & groffes; un clitoris très-proéminent & affis fur le méat urinaire, à l'entrée d'une vulve petite, étroite, & diftante de l'anus de plus de trois pouces & demi; deux protubérances qui indiquoient moins aux yeux qu'au toucher, l'existence de deux tefticules intérieurs; le daintier le plus faillant, étoit à gauche, précisément du même côté que le bois; aucune trace extérieure de mentule. Tout, dans cet animal, joint au bois, dont la tête eft à moitié parée ou armée, faifoit foupçonner un mêlange des deux fexes dans un même degré d'imper fection, & que cet individu n'avoit pu être puiffant ni par l'un Tome VI, Part. II. 1775.

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ni dans l'autre fexe; telle étoit fa conformation fexuelle, elle pa. roiffoit tenir de l'efpèce d'hermaphrodifme la plus commune. Paffons maintenant au réfultat des recherches de l'Anatomifte, c'eft M. Brilloët qui va parler.

» Son Alteffe Séréniffime Monfeigneur le Prince de Condé, nous » ayant ordonné de faire, en fa préfence, l'ouverture d'un Daim, » qui avoit, par la tête, l'extérieur d'un mâle, nous avons reconnu, » par l'examen que nous en avons fait, que les parties de la génération repréfentoient celles d'une femelle, à la différence qu'il » paroiffoit intérieurement, entre les cuiffes, deux tumeurs repré» fentant deux efpèces de tefticules fans aucune forme de fcrotum. Le » tefticule gauche étoit faillant, fenfible à la vue, recouvert par la » peau & les tégumens; le tefticule droit, plus petit, plus couvert, » moins faillant, étoit très-peu fenfible à la vue. Avant que de faire » l'ouverture de cet animal, nous avons examiné extérieurement les parties de la génération, elles nous ont paru être de l'efpèce des hermaphrodites, n'ayant aucune espèce de verge fous le ventre, » mais une forte de vulve qui fervoit uniquement de conduit urinaire; les mammelles étoient comme celles d'une Daine ordinaire, » bien conftituées, & compofées de quatre mammelons affis chacun fur un corps graiffeux, & avec les proportions & diftances natu»relles. Le bout de chaque mammelon étoit fort gros, de même » que chez les Daines qui ont fait des petits.

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"Sur les côtés, à la partie moyenne & extérieure du muscle oblique, latéralement aux mufcles droits, il y avoit deux tumeurs » en forme de tefticules, féparés l'un de l'autre d'environ quatre pouces, » & ces tefticules étoient fans noyau, & recouverts chacun d'une enveloppe graiffeufe; la tunique extérieure ou vaginale, trèsépaiffe; les deux cordons prenoient leur origine du milieu du tef»ticule, & fe continuoient enfemble environ de la longueur de deux » pouces, en fe féparant enfuite l'un de l'autre, pour aller l'un à » l'aorte inférieure, au-deffous de l'émulgente; & l'autre, dans une glande fituée fur le rectum. La partie extérieure de la vulve, quoi» que petite, étoit comme celle d'une Daine ordinaire, & fervoit uniquement de conduit urinaire; y ayant introduit une fonde, » nous avons pénétré facilement dans la veffie. Au-deffus de la vulve » paroiffoit extérieurement une éminence affez volumineufe, faite » comme un clitoris, recouvert d'une efpèce de prépuce. La vulve, » ou l'urèthre, dans cet animal, étoit fans aucune trace de vagin, » proprement dite; l'ayant ouverte, nous avons découvert & exa» miné la veffie, laquelle ayant été foufflée, s'eft trouvée avoir cinq » pouces de longueur, de figure cylindrique, fans courbure, arrondie

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» par les deux bouts, & de trois pouces de diamètre; à deux pouces » de fon orifice, deux uretères de neuf pouces de long, qui fe com. muniquoient aux deux reins; à fon col, deux ligamens larges, » de cinq pouces de long, & attachés, de chaque côté, dans la partie inférieure & latérale du balin.

Au-deffus du canal de l'urèthre, nous avons fuivi l'éminence qui formoit l'efpèce de clitoris, laquelle fe continuoit tout le long » du canal urinaire, en formant dans fa continuité une espèce » de double S romaine, fe terminant près du col de la veffie par » une glande comme la proftate: ce cordon avoit environ cinq pouces de long, fans aucune ouverture, & de la confiftance d'un » tendon.

» Entre la veffie & le rectum, nous avons découvert une espèce » de poche, en forme de matrice, d'une confiftance molaffe & muf»culeufe, fans tubercule, & différente de celle de la matrice ordi»naire des Daines; cette matrice informe, étoit foutenue latérale»ment par deux ligamens plats, courts, & qui étoient attachés autour du rectum, & une petite ouverture dans le canal de l'u» rèthre, environ deux pouces avant fa fortie dans la vulve ou le » canal de l'urèthre. D'ailleurs, nous n'avons découvert aucune efpèce de trompe ni d'ovaire, comme il s'en trouve dans l'état naturel » des Daines.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

REFLEXIONS Critiques fur la Muriomètrie de M. Dubet; par M. Buffel, Infpecteur des Manufactures de Languedoc pour la Province. A Paris, chez Monory, Libraire, rue de la ComédieFrançoife. 1775. in-8°.

Cet Ouvrage, dont l'exécution répond au titre eft la critique

en effet de celui de M. Dubet. Si tous les Ecrivains avoient à craindre de pareils adverfaires, on doute fort qu'ils entrepriffent jamais d'écrire. M. Buffel s'acharne fpécialement à la Muriomètrie de M. Dubet, femblable à un combattant qui ne peut quitter fon adverfaire qu'après l'avoir terraffé, & on peut dire que fon Ouvrage eft écrit tanquam ab irato. Du refte, on croit ne pouvoir mieux faire, pour en donner une idée jufte, que de rapporter en entier l'appro

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