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TRAITEMENT

Contre le T ÉN I A OU VER SOLITAIRE, pratique à Morat en Suisse (1).

LE Ténia à anneaux courts, plus connu fous le nom de Ver Solitaire (2), féjourne dans les inteftins de l'homme & de quelques autres claffes d'animaux, & paroît fe nourrir du chyle préparé dans leur eftomac. Divers fymptômes annoncent fa préfence : les malades ont des rapports, un fommeil interrompu, une faim dévorante, ou quelquefois un dégoût général, des coliques, des naufées, des étourdiffemens, des démangeaifons au nez, des vomissemens, des déjections fluides & blanchâtres, quelquefois des conftipations, une tenfion légère dans le bas-ventre, une fenfation douloureufe dans la région de l'eftomac, que l'on fait ceffer en prenant de la nourriture; quelques-uns ont de la toux, des convulfions

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de la fièvre avec friffon fi le mal n'eft arrêté ou diminué par des remèdes convenables, ils tombent dans le marafme.

:

Le ver (planche 1) qui produit ces accidens, eft long & plat, compofé de plufieurs anneaux très-courts, articulés les uns au bout des autres, & traversés dans leur longueur par une espèce de veine (planche 1, A) plus ou moins apparente, qui a fait donner à ce Ténia, , par les Allemands, le nom de Ver plat à épine; elle est bleuâtre ou rougeâtre, ou fimplement de couleur blanche; quelquefois elle ne fe manifefte que par une tache noirâtre ou blan

(1) Quoique plufieurs Papiers publics aient donné l'extrait de ce Mémoire, quand cette nouvelle publication ne feroit utile que pour une feule personne notre but feroit rempli.

(2) Lumbricus latus feu Tania inteftinorum. Plater. Prax. tome III, p. 810. Tania, Ver folitaire, Solium à épine. Andry, génér. des vers, c. III, art. 2.

P. 73.

Tania à annaux courts. Bonnet, Mém. des Sav. étrang. vol. I, p. 478. Tania vulgaris & Tania lata. Linnæi, Syft. édit. 12, p. 1323 & 1324. Tania ofculis lateralibus geminis. Linn. amoen. acad. 2 p. 78, tab. 1, f. 2. Tania prima Plateri. Le Clerc, hift. des vers, tab. f. 1 ; tab. 6, f.

7, f. 1; tab. 8, f. I 9 2, 4.

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2 ; tab.

Tania acephala & Tania capitata. Vogel, de cog. & cur. corp. hum. affect. 1772, P. 645 & 646.

,

châtre, fenfible au milieu de chaque anneau, garnie fur les deux furfaces d'un mamelon peu apparent. La queue (B) ou terminaifon poftérieure, n'a jamais pu être obfervée, parce que le ver fe rompt, & que les malades en rendent de tems en tems quelques portions naturellement ou par le moyen de divers remèdes. Son corps (C) ordinairement long de plufieurs aunes, & applati en forme de ruban, fe rétrécit peu-à-peu vers fa partie fupérieure, & fe termine en un fil (D) fort menu, d'un pied de longueur ou plus; la pointe (E) que l'œil fimple voit très-aiguë, paroît renflée à la loupe, & fous la lentille d'un fort microscope, elle préfente une tête (FGH) terminée par quatre cornes de longueur inégale, qui font peut-être. des fuçoits par lefquels l'animal prend fa nourriture. Le corps du ver s'étend dans tout le conduit intestinal, & fe prolonge même fouvent jufqu'à l'anus: on le nomme ver folitaire, parce qu'ordinairement il n'en exifte qu'un feul dans le même fujet; quelquefois cependant, il s'en trouve deux enfemble; quelquefois auffi, après la fortie d'un premier, il s'en régénère un fecond. Ce ver n'eft point facile à déloger; les remèdes vermifuges purgatifs ufités en Médecine, font rendre des portions de l'animal que l'on est toujours obligé de rompre pour les féparer de celles qui reftent dans l'intérieur du corps; ils procurent rarement une guérifon complette.

On ne doit point confondre avec le ver que nous venons de décrire le Ténia cucurbitin (1) qui lui reffemble en plufieurs points, qui fe trouve également dans les inteftins des animaux, & dont la préfence produit les mêmes fymptômes. Ce dernier (pl. 2) fe diftinguera du précédent, en ce qu'on ne lui trouve ni tête remarquable, ni veine longitudinale : les anneaux dont il eft compofé, font beaucoup plus longs (planche 2, 4), ftriés dans leur longueur & garnis d'un feul mamelon latéral; ils fe détachent facilement les uns des autres; ce qui les a fait regarder comme autant de vers diftincts qui ont chacun une vie indépendante & un mouvement particulier. Sans approfondir cette queftion, on obfervera ici que la forme de ces anneaux articulés enfemble, varie beaucoup; ils

(1) Vermis cucurbitinus. Plater prax. med. tome III, p. 810.

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Tania, Solium fans épine, Ver cucurbitaire. Andry, génér. des vers. c. III, art. 2, p. 74.

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Tania à anneaux longs. Bonnet, Mém. des Sav. étrang. vol. I, p. 478.
Vermi cucurbitini. Vallifnieri nuove offervazioni, p. 74.

Tania, Solium. Linnæi, Syft. nat. édit. 12, p. 1323.

Tania ofculis marginalibus folitariis. Linn. aman. acad. 2, p. 74, t. I, f. I.

Tania fecunda. Le Clerc, hift. des vers, tab. 1; A, tab. 2.

Tania cucurbitina. Vogel de cog. & cur. corp. hum. affect. p. 646.

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font plus ferrés, plus courts, plus étroits & plus minces près de l'extrémité fupérieure (B), plus allongés près de l'inférieure (C). La reffemblance de ceux-ci avec des femences de courge, a fait donnner au ver le nom de ver de courge, ou mieux encore ver cucurbitin. Il eft long de plufieurs aunes; on ne le rend jamais entier, mais par portions détachées qui tombent d'elles-mêmes; les accidens occafionnés par fa préfence, étant les mêmes que ceux que produit le ver folitaire, l'infpection des portions rendues eft le moyen le plus sûr de déterminer l'efpèce. On peut même ajouter que cette inspection eft la feule preuve certaine de l'exiftence des vers quelconques dans un corps malade, parce que les fymptômes décrits précédemment, peuvent dépendre d'une autre caufe.

On a cherché de tout tems les moyens de tuer ces vers & d'en procurer la fortie; les ouvrages des anciens Médecins font remplis de recettes propres à produire cet effet : quelques-unes continuent d'être employées, mais avec peu de fuccès; d'autres font tombées dans l'oubli, ou modifiées diversement, elles font la bafe des remèdes fecrets vantés pour la guérison de cette maladie. Dans ce nombre, il en eft un qui paroît mériter une attention particulière. Madame Nouffer, née Meyer, de Morat dans le canton de Berne, qui l'adminiftre depuis vingt ans, d'après les inftructions & l'exemple de fon mari, a eu un fuccès fi foutenu, qu'un grand nombre de malades de la Suiffe, des pays voifins & même du Nord, alloient auprès d'elle chercher leur guérifon, par le confeil des Médecins les plus accrédités. M. le Prince Baratinski, de Ruffie, en éprouva l'utilité au mois d'Octobre dernier, & rendit le lendemain de fon arrivée à Morat, un Ténia bien entier, long de quatre aunes. De retour à Paris, ce Seigneur s'apperçut au bout de fix mois, qu'il en avoit un fecond. Madame Nouffer fe tranfporta dans cette ville, à fa réquifition, & lui donna, fous les yeux de M. de la Motte fon Médecin, une nouvelle dofe du fpécifique, qui détermina au bout de quinze heures, la fortie d'un autre Ténia également entier & long de huit aunes. Ce remède fut enfuite adminiftré à d'autres. perfonnes avec un fuccès pareil, & parvint même à calmer, fans aucune fuite fâcheufe, dans une jeune perfonne d'une conftitution très délicate & très irritable, des fymptômes qui avoient fait Loupçonner chez elle l'existence d'un ver folitaire.

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Sa Majefté, inftruite de la célébrité & de l'efficacité de ce remède; a défiré d'en faire l'acquifition de Madame Nouffer elle-même ; nous avons été chargés par M. Turgot, Contrôleur Général des Finances, & M. Trudaine, Intendant des Finances, de l'examiner, d'en vérifier les effets & de le rendre public. En conféquence Madame Nouffer nous a communiqué l'expofé fuivant, écrit par

M. Mottet, ancien Confeiller-fecret & Chirurgien de la ville de Morat, & depuis environ huit ans, confident de fa méthode de guérir cette maladie.

EXPOSE de la Méthode que Madame NOUFFER emploie dans l'adminiftration de fon Spécifique contre le Ténia, & du régime qu'elle fait obferver pendant le traitement.

:

» MADAME Nouffer n'exige de fes malades aucune préparation. particulière jufqu'à la veille de l'administration du remède. Ce » jour ils doivent fe priver de tout aliment après le dîner, & prendre » seulement, fur les fept ou huit heures du foir, une foupe, n°. 1; un quart-d'heure après, elle leur donne un bifcuit & un gobelet » ordinaire de vin blanc, pur ou détrempé avec de l'eau, ou même » de l'eau toute pure à ceux qui ne font pas habitués au vin. Si le > malade n'a pas été à la garde-robe ce jour-là, ou qu'il foit échauffé » ou fujet aux conftipations, ce qui eft rare quand on a le ver plat, » Madame Nouffer lui fait prendre le lavement fimple, n°. 2, qu'il » doit garder le plus long-tems qu'il pourra; enfuite il fe couche » & repofe de fon mieux.

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» Le lendemain de grand matin, environ huit ou neuf heures. après la foupe, il prend, dans fon lit, le fpécifique, no. 3; & pour faire paffer les naufées qui viennent quelquefois à la fuite, » il mâche du citron ou autre chofe femblable, ou fe gargarife la bouche avec quelque liqueur, fans rien avaler, ou il fe contente » de refpirer du bon vinaigre. Si, malgré ces précautions, les naufées » font trop fortes, fi les efforts du malade, pour garder le fpécifique, » font impuiffans, il en reprendra une nouvelle dofe dès que les »naufées feront paffées, & tâchera de s'endormir auffi-tôt après. » Au bout de deux heures, il fe lèvera pour prendre le bol purgatif, n°. 4, en une ou plufieurs prifes, & boira par-deffus une » ou deux taffes de thé vert peu chargé; il fe promènera enfuite dans fa chambre. Lorfque la purgation commencera à faire effet, » il prendra de tems à autre une nouvelle taffe de thé léger, jufqu'à » ce que le ver foit rendu; alors, & pas avant, Madame Nouffer lui donne un bon bouillon qui eft bientôt fuivi d'un autre, ou d'une foupe, fi le malade la préfère. Il dîne comme on fait un jour de purgation; après le dîner, il fe repofe fur fon lit, ou » va faire un tour de promenade, fe conduifant tout ce jour avec ménagement, foupant peu & évitant les alimens indigeftes.

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» La guérifon eft alors parfaite, mais elle ne s'opère pas avec la même promptitude dans tous les fujets. Celui qui n'a pas gardé

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» tout le bol, ou que ce bol ne purge pas affez, prend, au bour » de quatre heures, depuis deux jufqu'à huit gros de fel de Sedlitz, » ou à fon défaut, du fel d'Epfom diffous dans un petit gobelet » d'eau bouillante on varie la dofe felon le tempérament & les » circonftances.

D

» Si le ver ne tombe pas en peloton, mais qu'il file, (ce qui » arrive particulièrement quand le ver eft engagé dans des glaires » tenaces qui ont peine à fe détacher), le malade doit refter à la garde-robe fans le tirer, & boire du thé léger un peu chaud : » quelquefois cela ne fuffit pas, & l'on a recours à une dofe de » fel de Sedlitz, fans changer de fituation jufqu'à ce que le ver foit » rendu.

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Il est rare que les malades, qui ont gardé le fpécifique & la purgation, ne rendent pas le ver avant l'heure du dîner : ce cas particulier a lieu lorfque le ver tué refte en gros pelotons dans les » inteftins, de façon que les matières, ordinairement plus claires » fur la fin de la purgation, paffent au travers & ne l'entraînent » pas. Le malade peut alors dîner, & l'on a observé que le manger, joint à un lavement, concouroit à la fortie du ver.

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Quelquefois le ver fort, par l'action feule du fpécifique, avant qu'on ait pris le bol; alors Madame Nouffer ne donne que deux » tiers de celui-ci, où elle lui fubftitue le fel.

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» Les malades ne doivent point s'inquiéter des chaleurs & des » mal-aifes qu'ils éprouvent quelquefois pendant l'action du remède, » avant ou après une forte évacuation, ou lorfqu'ils font prêts à » rendre le ver; ces impreffions font paffagères & fe diffipent d'elles» même, , ou à l'aide du vinaigre refpiré par le nez,

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Ceux qui ont vomi le fpécifique & le bol, ou qui n'en ont gardé qu'une partie, ne rendent quelquefois pas de ver ce jour-là. Madame Nouffer leur fait reprendre le foir la foupe, n°. 1, le » bifcuit, la boiflon, &, fuivant les circonftances, le lavement, n°. 2. Si le ver ne fort pas dans la nuit, elle donne le lendemain » de bon matin, une nouvelle dofe de fpécifique; deux heures après, » fix à huit gros de fel, & dirige du refte fon malade comme le » jour précédent, à l'exception du bol qu'elle fupprime.

دو

» Elle obferve, en finiffant, que les, grandes chaleurs diminuent » un peu l'action de fon remède; auffi a-t-elle toujours préféré de » l'adminiftrer dans le mois de Septembre : quand elle n'a pas eu le » choix de la faifon, & qu'elle s'eft vu obligée de traiter des ma» lades dans les jours les plus chauds de l'été, elle donnoit le fpécifique de très-grand matin: avec cette précaution, elle n'a re» marqué aucune différence dans les effets ni dans les fuites.

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Le ver folitaire eft le feul fur lequel le remède de Madame

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