Page images
PDF
EPUB

EXPÉRIENCES

Sur l'influence de la Lumière fur les Plantes;

ES

[merged small][ocr errors]

DEs expériences fur l'action de la lumière, dans l'économie végétale, ne peuvent qu'intéreffer la curiofité des Phyficiens, & fourniront fans doute, dans la fuite, des découvertes d'une utilité plus réelle. Le célèbre M. Bonnet, de Genève, à qui la Phyfique eft redevable d'un fi grand nombre de découvertes, paroît être le premier qui fe foit occupé de cet objet. Il a prouvé que l'ettiolement des plantes provient de l'absence de la lumière (2). Une plante s'ettiole quand elle pouffe des tiges longues, effilées, d'un blanc éclatant, terminées par de très-petites feuilles, affez mal façonnées, d'un verd pâle. De trois pois femés, l'un à l'ordinaire, l'autre dans un tuyau de verre fermé, le troisième dans une boîte de fapin fermée il n'y a eu que la dernière plante qui fe foit ettiolée. Il en a été de même des haricots : ces plantes ne s'ettioloient pas, dès qu'un des côtés de la boîte étoit de verre. Un bouton de vigne, introduit dans un tuyau de fer blanc de trois pieds, & ouvert par en haut, a produit une tige d'un verd très-vif, fort étroite. Enfin, des pois femés fous différens étuis de verre, de bois, de carton, de papier, ont produit des plantes d'autant plus ettiolées, que l'obfcurité dans laquelle elles ont crû a été plus parfaite; & dès qu'on pratiquoit de petites fenêtres dans ces étuis, les plantes prenoient une couleur un peu plus foncée, vis-à-vis de ces fenêtres, que dans le refte de leur étendue. On ne fauroit douter, après ces expériences, que l'ettiolement ne foit réellement produit par le défaut de lumière. M. Duhamel a fait mention de ces expériences dans fa Phyfique des Arbres (3), &

(1) La Phyfique a perdu, au mois de Février dernier, l'Auteur de ce Mémoire. Il est mort à l'âge de 21 ans, vivement regretté de tous ceux qui l'ont connu. Il promettoit beaucoup, & on doit s'en rapporter au jugement du célèbre Citoyen de Genève, M. Bonnet, qui en faifoit le plus grand cas. Il lui remit tous fes papiers avant de mourir, & M. Wan-Swieden, Profeffeur à Francher en Frife, s'eft chargé de les rédiger. C'eft à lui que nous devons ce Mémoire.

(2) Recherches fur l'ufage des Feuilles, pages 209, 330. (3) Livre 2, Chap. 6, Art. 2, page 150,

il y rapporte des obfervations qui prouvent que des plantes, élevées dans de petits jardins entourés de bâtimens élevés, ou élevées entre les doubles chaffis d'un appartement, ou femées trop dru, croiffent beaucoup en hauteur, peu en groffeur, & font plus ou moins

ettiolées.

[ocr errors]

M. Méefe a eu pour but dans fes recherches, de faire des expériences plus nombreuses fur l'action de la lumière dans les différens états des plantes, & d'examiner tout ce qui peut concourir à les ettioler.

Je rangerai ces expériences fous différentes claffes, à-peu-près dans le même ordre que l'Auteur auroit fuivi, s'il avoit publié lui-même fon Ouvrage; & c'eft déformais lui qui va parler.

I. De l'action de la lumière fur les femences.

EXPÉRIENCE I. J'ai femé, le 7 Janvier 1773, trente grains de Cameline (Myagrum Sativum, Lin. Spec. Elant.) dans trois vafes. Le vafe A a été mis devant une fenêtre, expofée au Nord; le vase B dans un endroit féparé par une cloifon de la chambre où étoit le vale A, & dans lequel l'air fe renouvelloit continuellement. La lumière, qui entroit par une fente, donnoit un peu fur le vafe B. Enfin, le vafe C fe trouvoit dans le même endroit, mais dans une obfcurité parfaite.

Le 19 du mois, les plantes commencèrent à lever dans le vafe C; le 20, dans le vafe B, & le 21, dans le vafe A, à-peu-près en nombre égal. Le vafe A étoit expofé à une chaleur un tant foit peu moindre les deux autres.

que

Au commencement de Février, les plantes C étoient trois fois plus longues que les plantes A; mais elles excédoient feulement d'un quart les plantes B.

La couleur des plantes A étoit à-peu-près naturelle : la tige étoit un peu blanchâtre, les feuilles étoient vertes les tiges des plantes B & C étoient femblables; mais les feuilles de B étoient peu vertes: celles de C étoient encore plus jaunâtres. Les feuilles des plantes B étoient peu diftantes les unes des autres celles de C étoient contigües & plus petites que celles de B: celle de A étoient les plus grandes.

Les tiges des plantes A étoient droites, affez fermes : celles de B l'étoient moins, & inclinées vers la lumière : celles de C étoient les plus longues, penchées à terre, & fingulièrement tortillées. La gelée interrompit cette expérience mais vers la fin, l'accroiffement en longueur étoit plus lent qu'au commencement, & les plantes C languiffoient.

[ocr errors]

EXPÉRIENCE II. J'ai répété l'expérience précédente avec le même fuccès. Les plantes C font mortes en moins d'un mois : les plantes B ont vécu plus long-tems : les plantes A ont continué de vivre.

Ces expériences prouvent que les femences lèvent dans l'obfcurité comme en plein jour; mais que les plantes s'y ettiolent & périffent: enfin, que cet ettiolement eft d'autant plus grand, que l'obscurité eft plus parfaite.

II. Expériences fur les Plantes qui ont déja pouffé des feuilles.

EXPERIENCE III. J'ai mis dans l'obfcurité des plantes qui avoient déja leurs premières feuilles, & j'en ai planté d'autres dans des vafes expofés à la lumière. Les dernières ont crû comme il faut les premières ont péri en fix femaines, fans croître, fans s'allonger. J'ai fouvent répété cette expérience. Les plantes que j'ai employées font l'Arroche Atriplex hortenfit rubra: la Luzerne, Checlicago pelymorpha, le Synapis alba le Polygonum fagopyrum, ou bled

noir.

[ocr errors]

EXPÉRIENCE IV. J'ai planté dans l'obfcurité, le 10 Avril, des oreilles d'Ours, (primata Auricula) qui portoient déja des boutons dans les aiffelles des feuilles : ces plantes ne fouffrirent aucun changement jufqu'à la fin d'Avril; enfuite, les feuilles fe fanèrent peu-à-peu, comme fi elles avoient manqué d'eau, quoiqu'on eût eu foin de leur en fournir abondamment. Ces plantes s'étoient pourries peu-à-peu, & étoient mortes vers la mi-Mai. Ses pédicules ne s'étoient allongées que d'un quart de pouce dans plufieurs d'entr'elles, tandis que celles qui avoient été expofées à la lumière étoient parvenues à perfection.

EXPERIENCE V. J'ai pris deux pieds d'Ancolie (Aquilegia vulgaris, Flore purpurea) dont les feuilles, encore jeunes, n'étoient pas développées: après trois femaines, les feuls petioles des plantes qui avoient été mifes dans l'obfcurité s'étoient fort allongés, favoir de quatre pouces: les feuilles font reftées roulées : la couleur pourprée avoit peu changé : les feuilles intérieures & les plus jeunes tendoient plus vers le jaune que les extérieures & les plus âgées. Ces plantes font mortes vers la mi-Mai.

[ocr errors]

EXPÉRIENCE VI. La même chofe a eu lieu pour le Rumex fanguineus. Quelques-unes des feuilles de cette plante étoient déja développées, ayant des veines rouges mêlées à une fubftance parenchymateufe membraneufe, verte: d'autres ne l'étoient pas. Ces dernières fe font fort allongées, mais ne fe font pas développées, quoique ces plantes aient vécu plus d'un mois.

Il eft digne de remarque que la fubftance parenchymateufe & membraneule des jeunes feuilles, qui eft naturellement verte, étoit

devenue jaunâtre, & que la couleur rouge n'avoit fouffert aucun changement. Les feuilles qui étoient déja parfaites & vertes n'en ont pas fubi non plus, finon qu'elles jauniffoient, en commençant à périr, comme cela a toujours lieu. Enfin les feuilles qui étoient nées dans la lumière ont péri beaucoup plutôt que celles qui ont été produites lorfque la plante étoit déja dans l'obfcurité. Il ne s'eft point formé de tige cela vient peut-être de ce que ces plantes étoient trop foibles, trop jeunes, & n'avoient pas affez de feuilles développées: cette confidération m'a engagé à faire des expériences fur des plantes plus fortes.

:

EXPÉRIENCE VII. Le 28 Avril, j'ai mis dans l'obscurité les plantes fuivantes :

Livéche, ou Ligufticum levifticum.
L'Armoife, Artemifia vulgaris.

Le Bluet des montagnes, Centaurea montana.
Echinops Sphaerocephalus.

La première & la dernière de ces plantes ont péri en peu de jours; ce qui a eu lieu auffi en répétant cette expérience. Peut-être cependant, doit-on plutôt attribuer cet effet à la tranfplantation qu'à d'autres caufes, quoique ces plantes fe foient bien portées pendant quelques jours, & qu'enfuite elles aient péri fubitement.

L'Armoife a perdu peu-à-peu fes feuilles radicales: ella a produit de petites tiges, qui étoient, au commencement, plus allongées que celles de la même plante, expofée à la lumière. Ces tiges étoient blanches & portoient des folioles plus étroites, beaucoup plus petites, & jaunâtres : les poils en étoient plus rares & un peu plus longs. Cette plante ne donna aucun figne de fleurs jufqu'à la mi-Juillet: elle périt alors.

[ocr errors]

Le Bluet s'éleva promptement, perdit fes feuilles vertes, & il en vint d'autres autour de la tige, qui étoient pâles, plus étroites, & qui portoient moins de poils.

Conféquences.

1°. Les femences germent dans l'obfcurité auffi- bien qu'à la lumière; (Exp. I & II.) la lumière ne me paroît donc pas influer fur cette partie de la végétation: mais les plantes en ont befoin dès qu'elles font forties de leurs enveloppes. Tant que la plante eft encore couverte de terre, elle s'ettiole plus ou moins; & peut-être que cette espèce de maladie eft utile alors, en ce qu'elle eft caufe que la plante refte plus long-tems tendre, & s'étend par-là même avec plus de force que fi les fibres avoient déja acquis plus de roideur. C'eft fur-tout dans les plantes provenues de femences qui ont été mifes très-profondément

en terre, qu'on obferve cette efpèce d'ettiolement de la partie qui en a été couverte. Il m'eft arrivé de leur trouver des tiges fi minces & fi longues, qu'on auroit jugé qu'il leur auroit dû être impoffible de pouffer à travers une aufli grande quantité de terre.

2o. De jeunes plantes ne vivent pas dans l'obfcurité, n'y croiffent pas ce n'est qu'aux grandes & adultes que j'ai vu produire des tiges.

3. Les feuilles vertes, produites avant qu'on ait intercepté la lumière, périffent toutes mais celles qui ont été produites dans

l'obfcurité même, vivent plus long-tems.

4°. Les parties qui font naturellement vertes deviennent jaunes; mais la couleur pourprée paroît ne pas changer dans les feuilles & les petioles nés dans l'obscurité.

5o. Enfin la structure des poils paroît différer un peu de ce qu'elle eft ordinairement.

Ne pourroir on pas rapprocher quelques-uns de ces phénomènes, & raifonner ainfi ?

Les feuilles radicales paroiffent néceffaires à la production de la tige car, en coupant ces feuilles à tems, il m'eft très rarement arrivé de voir naître une nouvelle tige, avant que la plante eût acquis de nouvelles feuilles radicales. Il eft donc probable qu'elles préparent & fourniffent à la plante un fuc alimentaire, comme le font les feuilles féminales, ainfi que les expériences de M. Bonnet l'ont prouvé (1). Or, quelles font les plantes qui ne produisent pas de tiges dans l'obfcurité? Ce font les jeunes plantes qui n'ont pas encore de feuilles féminales, ou qui n'en ont que peu: de plus âgées, qui avoient des feuilles feminales, en ont produit. Tout paroît donc fe réduire à ceci, que l'abfence de la lumière empêche ou retarde le développement des feuilles radicales.

III. Expériences fur les poils des Plantes.

ON fait que les poils font très - vraisemblablement des vaiffeaux afpirans & excrétoires, & qu'ils font fujets à bien des variétés. J'ai fouvent remarqué que les plantes qui fe trouvent dans les terreins fecs, en ont beaucoup plus que celles qui font dans des endroits fort humides. La lumière influeroit-elle fur ces poils?

EXPERIENCE VIII. Il m'a paru que les poils étoient plus rares, & quelquefois plus longs dans des plantes que j'ai élevées dans l'obfcurité, que dans celles qui croiffoient à la lumière. Telles font le Violier

(1) Recherches fur les Feuilles, cinquième Mémoire, page 286.

« PreviousContinue »