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De M. l'Abbé DE LINIERES, à l'Auteur de ce Recueil

Sur un Problême à réfoudre, proposé par M. le Chevalier DE DOLOMIEU, dans le Journal du mois de Juillet 1775, page 5.

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J'ai lu, Monfieur, dans vos Obfervations phyfiques qui me font arrivées bien tard, le Problême fuivant que vous y propofez. » On a obfervé conftamment dans les mines, entr'autres dans » les mines de charbon de Montrelay, mines de plomb de Pontpean, » & autres mines de Bretagne, que les eaux & fources fouterraines » font plus abondantes & plus fortes la nuit que le jour, c'est-à» dire, qu'une quantité quelconque de fceaux d'eau tirée pendant » le jour, faifant baifler l'eau des fonds d'un ou deux pieds, la » même quantité, tirée pendant la nuit, la fera baiffer au plus de quelques pouces, & même le plus fouvent ne fuffira que pour » l'entretenir à fon niveau. On demande aux Phyficiens la caufe & » la théorie de ce Phénomène ? «

Refolution du Problême.

Il n'y a point de doute qu'il ne s'élève des terres minérales, qu'arrofent les fources fouterraines, quantité de vapeurs & d'exhalaifons qui rempliffent toutes les cavités, tous les canaux, toutes les veines, que baignent ces eaux fouterraines. Ces vapeurs, dégagées des terres minérales par la fermentation, ramaflées, refferrées, emprifonnées dans ces cavités, acquièrent, par leur réunion, une grande force de reffort, laquelle s'accroît & s'augmente en raifon compofée, & de leur denfité, & du degré de chaleur que la fermentation des matières minérales, dont elles fe font échappées, leur a communiqué. Ces vapeurs exercent donc une violente preffion fur les eaux de ces fources fouterraines, qui coulent entre deux terres le long de divers canaux qu'elles fe font creufés infenfiblement. Cette preffion doit, fans doute, précipiter leur écoulement, & par conféquent auffi leur éruption par les iffues qu'elles trouvent. Les creux profonds que l'on Tome VI, Part. II. 1775.

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forme en fouillant la mine, leur ouvre ces iffues. Il faut donc que ces creux fe rempliffent d'eau à une plus grande ou moindre hauteur, à proportion de la plus grande ou moindre preffion qu'exercent les exhalaifons ou vapeurs fouterraines. Or, il eft manifefte que la nuit cette preffion doit être plus forte & plus intenfe que le jour..... .... Je le prouve. L'air de notre athmofphère, qui occupe les fonds de la mine & tous fes dehors, eft plus humide, plus denfe & plus froid la nuit que le jour, & refferre par conféquent davantage la nuit que le jour, les pores de la terre par où ces exhalaifons peuvent s'évaporer. En un mot, les terres, qui recouvrent ces mines, tranfpirent beaucoup moins la nuit que le jour, à caufe du refferrement de leurs pores que le froid de la nuit ne peut manquer de produire ; & les vapeurs qu'elles exhalent, trouvant les pores bouchés ou rétrecis, ont plus de peine à s'échapper dans les airs & à s'y diffiper. D'où il fuit, que celles qui font retenues dans ces cavités, font plus condenfées pendant la nuit que pendant le jour. De plus, la diffipation de ces vapeurs, étant alors beaucoup moindre, elles doivent fe maintenir dans un degré de chaleur plus intenfe. Leur reffort eft donc plus vif à double titre, & à raifon d'une plus grande denfité, & à raifon d'un plus grand degré de chaleur. Il ne faut donc pas s'étonner que les eaux s'élèvent plus haut de plufieurs pieds, la nuit que le jour, dans les fonds de ces mines où elles font jettées par la preffion de ces efpèces de pompes foulantes qui agiffent tout-à-l'entour pour l'y porter.

Ces pompes foulantes dont nous venons de parler, peuvent être plus ou moins éloignées de ces fonds, où les eaux fe rendent. Car la Nature peut les avoir établies principalement fur les baffins & réfervoirs qu'elle a creufés peu-à-peu dans le fein des terres, pour fournir à nos fources, une eau perpétuelle. L'eau qui s'en écoulera pendant la nuit, fera plus abondante par une fuite de ce mécanifme que nous venons de développer, & de-là, elle ira donner plus de hauteur à celle qui occupe les fonds de la mine. Les vapeurs, que la fermentation détache de ces terres minérales humectées, fe gliffent le long des diyers canaux, jufqu'à ces grandes cavités où le font formés ces grands réfervoirs; & par les divers degrés de preffion qu'elles y exercent fur les eaux qu'ils contiennent, elles les font couler plus ou moins abondamment par l'ouverture qui fe trouve à l'endroit du bord où fe fait l'écoulement.

Il ne fera peut-être pas hors de propos de dire ici en paffant, & par occafion, que par cette voie nous pouvons très-bien expliquer auffi les fontaines intercalaires.

Cette vapeur, qui s'élève des terres minérales détrempées, fe samaffe, s'épaiffit, fe condense, s'échauffe, & remplit toute la ca

vité dont les eaux du réfervoir occupent le bas. Cette vapeur, qui reçoit à tout moment de nouvelles forces d'une caufe toujours perfévérante, preffe les eaux du baffin, & les fait couler, avec impétuofité, par l'iffue qui fe préfente à quelque endroit de fes bords, jufqu'à ce que ce baffin foit prefque épuifé, & que l'eau, en s'abaillant, ait été contrainte d'abandonner le canal d'écoulement (1), & alors la vapeur s'échappe foudain par cette ouverture même, qui a déja donné paffage aux eaux. Ce qui étant fait, le baffin fe remplit encore d'eau, & quand elle eft parvenue jufques pardeffus l'ouverture intérieure du canal d'écoulement, la vapeur emprifonnée s'épaiffit de nouveau, fe condenfe, s'échauffe, & après avoir acquis le degré de force requis, fait monter l'eau par sa preffion, jufqu'à l'extrémité fupérieure du canal d'écoulement, que nous fuppofons s'élever obliquement comme le petit goulot d'un cruchon ou d'une caffetière; & par-là, l'eau s'écoule de nouveau avec précipitation, étant pouffée par l'action de la vapeur renfermée dans la cavité, & tout fe fait enfuite de même qu'auparavant.

Au refte, dans l'explication de ce dernier phénomène, la cavité fouterraine, où fe trouve le réfervoir en queftion, ne doit communiquer nullement avec les autres cavités, ou canaux par où l'eau coule jufqu'à l'endroit où va fe rendre la fontaine intercalaire, que par le feul tuyau recourbé que nous appellons canal d'écoulement. On pourroit même fe paffer tout-à-fait de l'action des vapeurs renfermées dans la cavité où fe trouve le réfervoir, en donnant feulement au canal d'écoulement la figure d'un tuyau recourbé à la façon d'un fiphon à jambes inégales, pourvu, 1°. que l'eau, en s'écoulant du réfervoir, en rempliffe entièrement la capacité; 2°. que la quantité qui paffe par cette efpèce de fiphon en tems donné, excède celle qui tombe dans ce réfervoir; car alors, la feule action du reffort de l'air fuffit pour la production du dernier phénomène, par les raifons qu'il eft aifé d'imaginer en fe rappellant le mécanifme du jeu du fiphon.

J'ai l'honneur d'être, &c.

(1) Par cette expreffion, dont je me fers dans cette Differtation pour abréger, j'entends l'ouverture par où l'eau du baffin ou du réfervoir s'écoule.

REM A R QUES

Sur le fond de la Mer, & fur les Cartes qui le représentent;

Par M. l'Abbé DIC QUE MARE, Profeffeur de Phyfique & d'Hif toire Naturelle; de plufieurs Académies Royales des Sciences, des BellesLettres & des Arts, &c, &c.

SI le portrait de la terre commence à être reffemblant dans fes principales parties, ne pouvons nous pas dire de celui du fond de la mer, qu'il n'eft encore que très-foiblement ébauché ? Les fondes, c'eft-à-dire le braffiage & la nature des fonds, ont toujours paru un objet intéreffant à connoître, fur tout à l'ouvert des détroits & dans les parages des terres baffes difficiles à appercevoir, qu'on craint d'approcher, & auprès defquelles en général la mer a peu de profondeur; mais les progrès de cette connoiffance ont été lents parce que la plupart de ceux qui s'en font occupés, quoique capables, à certains égards, avoient des connoiffances trop refferrées: combien donc n'eft-il pas confolant pour les navigateurs, de voir paroître fucceffivement les résultats des travaux de l'Académie Royale de Marine, de MM. d'Après de Mannevillette, l'Abbé Pingré, de Bougainville, de Fleurieux, de Verdun, & de plufieurs autres! Que ne doivent-ils pas fe promettre de la fagacité & du zèle avec lequel M. Blondeau, de la même Académie, travaille à fon Routier général des côtes de l'Europe: quel fruit ne doivent-ils pas retirer de la lecture des derniers voyages des Anglois, & principalement de celui du Capitaine Cook ?

L'heureuse révolution qu'a opérée depuis vingt-cinq ans dans l'art de naviguer, la détermination des longitudes à la mer, par la diftance de la lune aux étoiles & au foleil, nous met à portée de calculer plus sûrement dans les aftres, l'étendue des continens & des mers, & nous procure, ainfi que la conftruction des horloges marines, l'avantage ineftimable de déterminer à chaque inftant, le vrai lieu du vaiffeau; mais ce n'eft pas tout, la perfection entière des cartes marines des parages où la fonde peut avoir lieu, & où

elle devient néceffaire, femble exiger des connoiffances fubfidiaires dont le commun des hydrographes ne foupçonne pas même les rapports avec la fcience dont ils s'occupent; au contraire, les génies heureux qui ont pouffé fi loin les théories, qui les appliquent aux chofes de pratique, & les mettent même à la portée d'un certain nombre d'hydrographes & de navigateurs, connoiffent par leur propre expérience, combien il eft utile d'étendre fes connoiffances pour être en état de mettre de l'ordre dans le réfultat des opérations, & pour en recueillir tout le fruit. Un grand nombre de mains, fouvent peu habiles, procédant avec lenteur, tirent de la carrière les matériaux, les entaffent fans ordre, ou les préfentent fous différentes formes : l'artifte paroît donner de l'importance à ce travail méchanique, les matériaux fe difpofent, l'édifice s'élève, étonne l'imagination, & parle à l'efprit du plus petit nombre, tandis que la multitude en jouit fans difcernement; cependant l'émulation & les talens relatifs à la marine fe communiquent, & nous touchons peutêtre au moment où l'extrême difficulté des difcuffions hydrographiques ne retardera plus l'examen des ouvrages les plus compliqués, où il fe trouvera plus que jamais, parmi les favans quelqu'un dont le coup-d'œil pénétrant, en difcernera la foibleffe au milieu des enveloppes dont on s'eft prefque toujours efforcé de l'entortiller. Quelqu'effrayante que puiffe être pour moi même cette vérité, j'aime à me la repréfenter, duffai-je voir effacer entièrement les traits légers que j'ai ofé tracer dans quelques petites parties du tableau de la mer; je me réjouirai d'y en voir fubftituer de plus heureux.

De tout tems les marins ont fondé & ont rapporté leurs fondes fur des plans ou des cartes, au lieu où ils croyoient être ; mais combien d'incertitudes fur ce lieu! combien de cartes mal dreffées! La défectuofité des anciens inftrumens, & mille circonftances qu'on connoît affez, pour me difpenfer d'en faire l'énumération, ont dû influer fur la détermination des latitudes, & l'eftimè, feul moyen qu'employe encore le plus grand nombre, n'a jamais pu procurer rien de certain, ni même d'à-peu-près pour celle des longitudes, fi ce n'eft dans les cas où la vue des terres, & de bonnes opérations auront peu après donné lieu de corriger les erreurs : il a donc fallu avoir recours aux fondes faites exprès, en s'éloignant peu -à-peu des côtes, & on remarque que c'eft la voie qu'ont fuivie quelques anciens; mais en dreffant les cartes qu'ils nous ont laiffées, la plûpart ont fi mal rendu la partie géographique, qu'ils ne paroîtroient mériter de confiance à aucuns égards, fi une tradition conftante, & une vérification non interrompue, ne nous euffent dévoilé ce qu'on pouvoit recueillir de leur travail, & fi nous n'euffions fu trouver les moyens combinés d'en faire ufage: d'autres nous ont

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