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eft comme tous les effets, proportionnelle à leurs causes: ainfi; l'étincelle métallique, qui fond une légère feuille d'or entre deux verres, ne pourra point opérer ce changement fur une guinée, & la foudre, qui a fondu quelquefois de petits fils de fer, ne les a point endommagés lorfqu'ils avoient plus d'épaiffeur.

Je demande qu'on m'accorde l'hypothèse fuivante, qui est trèspoffible & très-naturelle que la foudre, après être tombée & après avoir parcouru divers corps qui ont formé fa route ou une efpèce de chaîne, que la foudre arrive enfin près de quelque perfonne qui porte une épée, dont la pointe foit à une petite diftance d'une masse de fer, ou d'un corps quelconque bon conducteur.

Explication des Principes inconteftables que nous avons établis en fuivant le flambeau de l'expérience.

Il réfulte néceffairement que la matière électrique, étant parvenue près de la poignée de l'épée, s'y portera préférablement, & de-là à la same, plutôt qu'aux autres corps voifins & à la perfonne même, par le fecond & le troifième principe. Mais la lame de l'épée est dans

chaîne électrique, & le fourreau n'y eft pas; conféquemment, par le premier & le quatrième principe, la lame, & non le fourreau, éprouvera l'effet de la commotion. Or, l'effet ordinaire de la commotion étant, par le cinquième principe, de fondre les métaux, la foudre qui, par elle-même, a une forte énergie, & qui eft accumulée fur la lame de l'épée, la fondra donc; & par le fixième principe, la fufion ne s'étendra pas quelquefois fur la poignée qui a beaucoup plus d'épaiffeur que la lame. Donc quelquefois la lame de l'épée feule fera fondue dans le fourreau, la poignée reftant dans toute fon intégrité. Enfin, le fluide électrique, après avoir fondu cette lame dans le fourreau, de ce culot métallique s'élancera dans le corps voifin que nous avons fuppofé près de la pointe de l'épée; il fe diffipera en continuant fa route, & fe perdra dans la maffe de la terre fans faire de ravage.

Pour applanir toutes les difficultés qui pourroient fe préfenter dans l'efprit de quelques perfonnes, & confirmer cette explication, nous ajouterons encore quelques mots. On conçoit bien que la lame de l'épée peut être fondue, mais il paroît plus difficile que le fourreau ne foit pas confumé en même-tems. Voici comment on peut difliper ce doute.

Si le fourreau devoit être brûlé, ce feroit par le moyen de la commotion ou explofion qui a fondu la lame, & à laquelle il participeroit également: or, il doit être exempt de combuftion, puifqu'il ne compofe pas la chaîne électrique, & qu'ileft entièrement

hors

dis

hors d'elle. Pour le démontrer, fuppofons qu'on faffe l'expérience de Leyde fur deux perfonnes qui tiennent, chacune par une main, une extrémité d'une même lame d'épée, de telle forte que le milieu de la chaîne foit formé par l'épée, & que cette lame longue. par exemple, de trois pieds, enfile un fourreau percé de deux pieds de longueur feulement. Si on décharge la bouteille de Leyde, je que ce fourreau, étant hors de la chaîne, ne recevra aucunement la commotion. On peut porter les chofes jufqu'à l'évidence, en variant l'expérience de cette manière tout étant difpofé, ainfi que nous l'avons preferit, qu'on ôte feulement le fourreau, & que l'épée étant toujours tenue à fes deux extrémités par les deux premières perfonnes, trois autres perfonnes empoignent, avec leurs deux mains, la longueur de la lame, de forte que ces mains forment une espèce de fourreau plus court que la lame, il eft de la dernière certitude que les deux premières perfonnes feulement reffentiront la commotion lorfqu'on déchargera la bouteille; & les mains qui repréfentent le fourreau, ne reffentiront rien, le fluide électrique n'agiffant point fur elles, parce qu'elles font hors de la chaîne. Donc le fourreau ne doit point être brûlé, puifque la matière électrique du tonnerre n'exerce point d'action fur lui, mais feulement fur toutes les parties de la chaîne électrique.

Le fluide électrique du tonnerre, étant entré par une extrémité de la lame, en fortira par l'autre, fans endommager le corps environnant, ou le fourreau, qui eft hors de la chaîne, & qui de de plus, eft beaucoup moins conducteur. En fortant, il fe portera fur le corps qui fera le plus voifin de fon iffue, ou fur celui qui aura le plus de vertu conductrice, ou fur celui qui réunira ces deux qualités.

Dans l'hypothèse faite plus haut, j'ai demandé que la pointe de l'épée fût à une petite diftance d'une maffe de fer, ou d'un corps quelconque bon conducteur, parce que l'obfervation paroît prouver que la foudre qui tombe fur un conducteur mince, fur un petit fil de fer, à la vérité, le fond affez facilement, foit qu'il foit contigu avec d'autres bons conducteurs, foit qu'il en foit féparé, mais elle ne liquéfie point un conducteur d'une maffe & d'une épaiffeur confidérable (par exemple, la lame d'une épée,) lorfque celui-ci fera contigu à un corps de même nature que lui. Cet effet n'arrive que dans le cas où il n'y a ni continuité, ni contiguité; alors, le Auide électrique, à caufe de la quantité furabondante de fa matière, s'accumule autour de ce corps, forme une athmosphère du feu le plus actif qu'on connoiffe, & dont l'énergie eft en raison du nombre des parties amoncelées; ce qui ne peut manquer d'opérer une fufion, comme il confte par le cinquième principe, Ggg

Tome VI, Part. II. 1775.

Malgré le défaut de contiguité, la matière électrique continue fa route, en faisant éclater une étincelle dans l'intervalle; car ce n'est jamais que dans des circonstances femblables que l'étincelle brille,' & c'est toujours en s'élançant d'un corps dans un autre qui eft diftant du premier, qu'on voit le fluide électrique fous la forme d'une lame de feu, ainfi que le favent tous ceux qui ont seulement vu faire des expériences fur cette matière.

Le phénomène qui nous a occupés jufqu'à préfent, peut éprouver des variations dans diverfes circonftances, & toutes les combinaifons dont il peut être fufceptible, fe réduifent néceffairement à quatre feulement: 1°. La foudre peut fondre la lame, fans produire aucune altération fur le fourreau: 2°. La foudre peut confumer le fourreau, fans fondre la lame: 3°. Elle peut opérer une fufion fur la lame de l'épée, & brûler en même-tems le fourreau : 4°. Enfin, elle ne produira aucun effet fur l'un ni fur l'autre, ou l'altération dont elle fera caufe, fera très-peu de chofe.

Le premier fait, qui eft le plus difficile, a été expliqué jufqu'ici, d'une manière, je crois, fatisfaifante, & d'après des principes clairs & inconteftables.

Le fecond peut être ainfi conçu: fi quelquefois le fourreau a été brûlé, fans que la lame ait fouffert aucun dommage; cet effet vient de ce que le degré d'électricité communiqué, a été trop foible pour fondre le métal. Dans des tems propres à l'électricité, ou lorfque la bouteille de Leyde n'eft pas affez chargée, on ne réuffit pas à fondre la feuille d'or renfermée entre deux plaques de verre ; il faut pour cela une forte électricité; ainfi, lorfque ce ruiffeau de matière électrique qui tombe fur l'épée, eft trop foible pour opérer la fufion du métal, la lame n'éprouvera aucun changement, & fi le bout de l'épée fe trouve trop éloigné de tout autre conducteur, l'étincelle ne s'élancera pas de-là fur quelqu'autre corps, puifqu'il n'y en a pas par l'hypothèse, d'affez proche, relativement à fon énergie actuelle.

La vertu électrique qui ne tend qu'à fe communiquer, fe répandra fur le petit tuyau de fer qui termine la pointe du fourreau & ne trouvant point d'autre corps ambiant à une jufte distance, se repliera en quelque forte en attaquant le fourreau qui, alors, deviendra partie de la chaîne, pour fe communiquer enfuite au corps de l'homme; mais quoique cette quantité donnée de matière électrique, foit infuffifante pour fondre la lame, elle pourra cependant produire un effet plus petit, qui eft de brûler le fourreau par le fixième principe; & de même que l'explofion d'une bouteille de Leyde qui ne peut fondre l'excitateur, produit cependant la fufion d'une légère feuille d'or. Si l'on jette dans un feu qui ne foit pas

trop ardent, une épée dans fon fourreau, la flamme qu'on fuppofe foible & peu active, confumera le fourreau, & laiffera la lame dans fon entier.

Troisièmement, lorfque le fourreau a été brûlé & la lame fondue, on expliquera ce phénomène comme le premier & le fecond cas que nous venons d'examiner, & dont il fait partie; ainfi rien de difficile.

Quatrièmement enfin, fi la flamme électrique de la foudre a moins d'activité que dans les circonftances précédentes, elle ne fera qu'échauffer le métal, fans confumer même l'enveloppe ou le fourreau. Nous avons vu plus haut, que des clefs trouvées dans la poche d'un homme foudroyé, étoient brûlantes, quoiqu'elles ne fuffent cependant point fondues dans la plus grande partie de leurs dimenfions, l'étoffe de l'habit n'étant aucunement brûlée ni échauffée : ce fait fe conçoir facilement par ce qui arrive tous les jours, & il réfulte de ce que le métal qui a plus de denfité, reçoit plus de degrés de chaleur, & les conferve plus long-tems. Sur un métal expofe aux ardeurs du foleil en été, mettez une gaze ou une légère étoffe, & vous verrez une différence bien notable dans l'intensité de chaleur communiquée aux deux corps.

Ainfi, plus les loix de la nature & les principes de la faine Phyfique feront étudiés & approfondis, mieux on connoîtra les véritables refforts de tant de phénomènes merveilleux qui brillent de toutes parts à nos yeux; & quelque multipliés & quelque divers qu'ils foient, on les rapportera aux mêmes caufes. La nouvelle explication que nous avons donnée d'un phénomène des plus difficiles en fournit un exemple; mais elle ne peut plaire qu'à ceux qui pofsèdent bien toute la théorie électrique ; & il n'eft pas poffible que ceux qui n'en ont aucune idée, ou qui n'en ont qu'une légère teinture, ce qui eft à-peu-près la même chofe, puiffent la goûter. Ne comprenant point cette explication, ils s'étendront avec complaifance fur la ténuité plus ou moins grande des molécules de la foudre & des pores de l'acier & du bois, &c. Ce jargon menfonger n'en impofera pas moins à ceux qui le proférent, qu'à ceux qui l'entendent pourquoi le langage de l'erreur eft-il prefque toujours préféré à celui de l'aimable vérité?

LETTRE

Ecrite à M. DARCET, Docteur- Régent de la Faculté de Médecine de Paris, Profeffeur de Chymie au Collège Royal, par M. BERNIARD.

M. Il semble, d'après la belle fuite d'Expériences que vous avez donnée sur le Diamant, que fa volatilisation ne devroit plus être un problême; cependant, il fe trouve encore des Chymiftes & des Phyficiens qui la révoquent en doute; c'eft pourquoi j'ai été bien aise de faire l'expérience en Pologne, pour prouver que vous n'avez rien avancé qui ne fût muni du fceau de la vérité.

Habitant une partie de la Pologne, où il n'eft pas aifé de fe procurer tous les Inftrumens Chymiques, principalement les fourneaux, je m'en fuis conftruit moi-même, entr'autres, un de fufion, d'après le modèle de celui du Laboratoire de M. Rouelle. Après y avoir fondu le granit, je ne doutai plus que je ne parvinffe à y volatilifer le diamant."

Monfieur & Madame la Marquife Myszkowki, M. le Comte Poninski, M. le Comte Vessel, Grand Tréforier de la Couronne ainfi que M. fon fils, & plufieurs autres perfonnes de diftinction ayant défiré que l'expérience fe fît en leur préfence, je foumis le fix de Septembre, cinq diamans à l'action du feu dans le laboratoire de M. le Marquis, en fon château de Mirow, de la manière fuivante.

1o. Je mis trois diamans, pefant ensemble un grain, dans un creufet de porcelaine, muni de fon couvercle à gorge rentrante, que vous donnâtes avec des coupelles, à Madame la Marquife, avant notre départ de Paris : j'enfermai ce creufet dans un fecond creuset d'Allemagne, avec fon couvercle auffi à gorge rentrante, pour empêcher que le charbon n'y entrât, & je le mis dans le milieu du fourneau fur un trépied de fer, que j'avois fait faire exprès pour que mon creufet ne vacillât point lorsque j'ajouterois du charbon.

2o. Je mis deux autres diamans dans deux petites coupelles de pâte de porcelaine, que je plaçai fur le bord du fol de la cheminée du même fourneau, & que je couvris avec une capsule de terre cuite pour éviter la communication du charbon, mais de manière que l'on pouvoit aisément appercevoir la flamme telle que celle que préfenta le diamant que M. Roux, Profeffeur de Chymie, de la

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