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& en particulier fur les liquides; l'art d'augmenter le froid & de le concentrer, comme nous augmentons & concentrons le feu, est à peine ébauché le froid produit dans les corps une forte de mouvement qui eft l'inverfe du mouvement produit par le feu.

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Il paroît affez prouvé que le feu fépare les parties ou les raréfie en les pouffant du centre à la circonférence; le froid au contraire, opéreroit un effet analogue; mais par un autre méchanifme, c'est-àdire en pouffant les parties de la circonférence au centre: il eft des corps durs dont la ftructure eft telle que le froid eft peut-être capable de les folidifier, bien loin de les diffoudre comme fait le feu, chaque molécule de ces corps fe prêtanr un appui & une force mutuelle les différentes couches qui les compofent, forment des efpèces de voutes que l'impreffion du froid ne fait que refferrer & affermir; refte à favoir fi quelques manipulations & préparations ne donneroient pas à un froid extrême toute la qualité diffolvante dont il peut jouir. Ariftote dit quelque part que le grand froid peut fondre le plomb réduit en lames très-minces; je ne fais fi on admettra un fait auffi extraordinaire; l'autorité de ce grand homme & les expériences que nous avons raffemblées fur les analogies du froid & du chaud ne fuffifent pas pour faire préfumer la poffibilité d'un pareil phénomène; elles peuvent feulement nous engager à tenter des expériences qui feroient infailliblement fuivies de fuccès inattendus.

XXIII

CONCLUSION.

Remarque fur ce que les anciens entendoient par l'antipéristase.

Les analogies que nous avons raffemblées font très-dignes d'occuper les Phyficiens qui favent que la méthode analogique eft le grand inftrument des connoiffances humaines. Nous les avons préfentées dans l'ordre qui nous a paru le plus naturel, & nous avons tâché d'en donner les explications les plus fatisfaifantes on peut voir qu'il eft plufieurs de ces analogies dont les raifons n'ont femblé très cachées, que parce qu'on n'a pas eu égard à toutes les caufes qui concourent à produire un même effet; nous conviendrons cependant que nous fommes peut-être encore fort loin d'avoir faifi les vraies caufes des effets que nous avons énoncés.

Nous avons défini le froid & le chaud comme l'ont fait tous les Phyficiens anciens & modernes ; il n'y a point, ont-ils dit, de chaleurs & de froids abfolus; ces deux qualités ne font produites que par l'abfence prefque totale ou la préfence d'une grande quantité de feu dans les corps : cette opinion, quoique vraisemblable, offre des

difficultés;

difficultés; le froid que l'on penfe n'être que l'abfence ou la grande diminution du feu qu'un corps peut contenir, devroit produire une diminution dans le volume de ce corps, & c'eft bien ce qui arrive à un certain degré de froid; mais au-delà de ce degré, le volume augmente, les parties fe défuniffent, la glace entre même dans un certain degré de fufion, & coule comme une lave lorfqu'elle éprouve un plus grand froid que celui qui fuffit pour la tenir dans l'état de glace: il arrive quelque chofe de femblable aux métaux qui éprou vent un très-grand froid: ils diminuent d'abord de volume jusqu'à un certain point: après cela, ils ceffent de fe contracter; mais en éprouvant un plus grand froid, ils fe dilatent, deviennent caffans, & en cet état on dit qu'ils font gelés. En augmentant l'intensité du froid, dit un Chymifte, il eft à préfumer qu'on liquéfieroit les métaux; on les feroit couler comme l'eau congelée foumise à un très-grand froid. Chymie Expérim. par M. Baumé, tom. I. pag. 52. Cet Auteur eft ici de l'avis d'Ariftote, dont nous avons rapporté le fentiment & une expérience qui mérite d'être répétée. M. Baumé remarque que l'air contenu dans l'eau n'eft pas la feule caufe de la dilatation de la glace. Cet air n'eft pas dans un état de compreffion: fi l'on perce la glace avec une aiguille pour en faire fortir les bulles d'air, il n'en fort pas, ou s'il en fort, c'eft fans efforts. Ibid. pag. 77.

D'un autre côté, la chaleur ne paroît pas être une propriété inféparable du feu, puifqu'il y a du feu fans chaleur; tel eft le feu pur & épars, la lumiere ou la matière éthérée, le feu électrique non concentré, &c. la chaleur ne paroît fe manifefter que par l'action des parties des corps mis en mouvement; un Auteur moderne foupçonne même que le feu eft effentiellement froid. Chymie Expér. tom. I. pag. 5o.

Le froid & le chaud pourroient donc dépendre de caufes qui nous font encore fort inconnues, & plufieurs des analogies que nous avons raffemblées, engageront le lecteur à le penfer.

Mais dans l'état d'imperfection où font nos connoiffances fur un fujet auffi important, nous n'avons pas cru devoir nous écarter des idées reçues, & en fuivant l'opinion que le feu plus ou moins abondant, produit le chaud & de froid (opinion très-fimple, & fondée fur un grand nombre de faits), nous avons cru expliquer affez heureufement pourquoi des circonftances particulières faifoient fouvent produire des effets femblables à des caufes fi différentes : nous nous en tenons là, fans recourir à des principes cachés : les anciens admertoient l'antipériftafe: pour compléter la matière de nos recherches nous finirons par faire quelques remarques fur ce grand mot, qui étoit d'une reffource infinie dans la Philofophie fcholaftique. B b b

Tome VI, Part. II. 1775.

Par antipériftafe on entendoit l'intensité d'action qu'acquiert un contraire (par exemple la chaleur,) quand il eft environné ou foumis à l'action de fon contraire (le froid.) Les anciens Philofophes avoient remarqué que l'on digere mieux en hiver qu'en été : cela, difoient-ils, a lieu par antipériftafe; le froid extérieur concentre la chaleur interne du corps, laquelle devient plus confidérable, augmente le jeu de toutes les fonctions, & fur- tout celui de l'eftomac : les corps combuftibles brûlent mieux par un grand froid que pendant tout autre tems, par le même principe.

C'étoit l'antipériftafe qui rendoit les premiers rayons du foleil fi dangereux pour les plantes qui avoient fupporté la gelée de la nuit; la chaleur de ces rayons, en concentrant le froid renfermé dans les tendres boutons & les fleurs ou les jeunes fruits de ces plantes, lui donnoit plus d'activité; cela paroiffoit fi vrai, qu'en préfervant les plantes de ces rayons, le froid avoit bien moins d'effet, ou n'en avoit point du tout; on expliquoit de la même manière pourquoi la fucceffion du chaud au froid & du froid au chaud étoit fi dangereuse pour les animaux.

Les Modernes, qui ne fe contentent pas de mots fcientifiques pour rendre raifon des effets naturels, ont obfervé les phénomènes dont nous parlons, & en ont connu d'autres, fans fe croire obligés de recourir à des caufes nominales.

Ils ont obfervé que lorfqu'on plonge un thermomètre dans l'eau froide ou même glacée, la liqueur contenue dans l'inftrument monte, dans les premiers inftans, de quelques degrés; que lorfqu'on le plonge dans l'eau chaude elle baiffe; mais après les premiers momens, la chaleur & le froid agiffent, l'une en faifant monter la liqueur, l'autre en la faisant descendre fuivant les loix ordinaires de la nature.

M. Duluc nous donne un autre exemple de l'antipériftafe des Anciens dans l'expérience qu'il a faite avec l'hygromètre, de fon invention, lequel forti de la glace fondante, & plongé dans l'eau chaude, bien loin de remonter, defcend de quatre degrés dans le premier moment.

Si l'on fait attention à ces exemples, on conclura que les Anciens n'avoient recours à l'antipériftafe, que parce qu'ils ne les avoient pas confidérés affez foigneufement: en effet, ce n'eft que dans les premiers inftans qu'un contraire n'eft pas détruit par fon contraire, & qu'il augmente même d'intensité après ces premiers inftans, ces contraires fe combattent, & le plus fort l'emporte, ou ils fe combinent quand ils agiffent conjointement, & il en résulte un effet moyen.

Ce n'est donc qu'à des circonstances particulières qu'il faut rap

porter les effets attribués à l'antipériftafe, comme nous l'avons fait, par exemple, dans les Nos IX & XIV. & ailleurs.

DE LA

CRYSTALLISATION DES SELS;

Par M. J. G. PFEHLER.

1.POUR-traiter les chofes avec ordre, nous allons d'abord définir la cryftallifation. La cryftallifation eft la réunion des particules falines, divifées & tenues en féparation par l'intermède de l'eau (1). En général, les cryftaux font des malfes folides, brillantes, de figure anguleufe, régulière & conftante dans chaque fel, mais différente dans les différens fels (2). D'après cette définition, nous allons divifer en deux parties ce que nous dirons fur les fels. Dans la première, nous parlerons de la diffolution du fel, & dans la deuxième, de la réunion en maffe régulière de ce même fel diffous. Mais auparavant, voyons ce que l'on doit entendre par fel.

II. Par le mot de fel, on entend tout corps fapide, diffoluble dans l'eau, & dont on peut le féparer en lui confervant toujours fa même nature (3). D'après leurs différentes propriétés, les Chymiftes en reconnoiffent de trois efpèces : les acides, les alkalis & les neutres. Les fels acides ont pris ce nom de la faveur acide qu'ils produifent fur la langue. Leur principale propriété eft de teindre en rouge les fucs bleus des plantes, & de former avec les alkalis des fels neutres. Les trois règnes de la Nature fourniffent ce fel; auffi le divife-t-on en acide minéral, végétal & animal. Les alkalis, qui forment la feconde claffe, font effervefcence avec les acides, teignent en verd les couleurs bleues végétales, & forment un fel neutre avec les acides. Les trois règues de la Nature donnent l'alkali foflile, le

(1) Boerrhave, Elém. Chym. p. 571.

(2) Rouelle, Mém. de l'Acad. des Sciences, ann. 1774, p. 356. Macquer, Elém. de Chym. théor. p. 34.

Baumé, Chym. exp. & raif. t. 2, p. 171, 173, 179,

(3) Vogel, Inft. Chem. §. 22.

Dict. de Chym. t. 2, p. 414 & 416,

Spielmann.Inft. Chem. § LII,

végétal & l'animal. Enfin, les fels neutres doivent leur naissance la combinaifon d'un fel acide avec un alkali jufqu'à faturation, mais ils n'ont aucune propriété alkaline ni acide (1). Aujourd'hui on donne en général le nom de fel neutre à tout produit de combinaifon des acides avec toutes les fubftances qui peuvent leur être unies; comme alkali, terres, métaux, &c. (2).

III. Il faut d'abord que le fel fe diffolve, avant que fes atomes puiffent, par leur propre force, fe réunir & former des cryftaux. C'est ce que l'on nomme diffolution. La plus ordinaire qu'on appelle fuperficielle, eft la réunion mutuelle des parties intégrantes d'un corps avec celles d'un autre de nature différente, par laquelle cependant ils ne forment plus qu'un tout qui paroît homogène. Pour cela, il eft néceffaire qu'il y ait un des deux corps dans l'état de fluidité, ou au moins, que fes parties intégrantes foient moins unies & lices entr'elles, que celles de l'autre corps. Le premier de ces corps fe nomme le diffolvant ou menftrue, & le fecond, le corps diffous (3). Ainfi, la diffolution des fels eft cette opération par làquelle ils fe divifent dans l'eau au point d'échapper à notre vue, femblent ne former qu'un feul corps avec elle, & y reftent fufpendus tant que la diffolution fubfifte (4). Comme elle doit être déduite de l'affinité du corps diffous avec le corps diffolvant (5), il eft évident que le corps diffous doit pofféder quelque chofe de la nature du diffolvant, afin que fes parties puiffent s'unir avec les fiennes, & ne former qu'un feul corps. Les parties du corps diffous, échappant à notre vue, il eft donc réduit à fes plus petits élémens, & leur lien commun a donc été brifé & rompu. Leur réduction quand on les dégage de leur menftrue, prouve encore que le diffolvant agit fur leurs élémens phyfiques, & qu'il ne les abandonne que dans l'aggrégation & la mixtion parfaite (6). L'eau est le diffolvant de tous les fels, & entre dans leur compofition, fuivant tous les Chymiftes. Les particules de l'eau ayant beaucoup plus d'affinités

(1) Dict. de Chym. t. 2, p. 432.

(2) Rouelle, L. c. p. 3530

Dict. de Chym. p. 468.

(3) Dict. de Chym. t. I, p. 353 Spielmann. L. c.

(4) » C'est en cela que la diffolution diffère de la fufpenfion; car dans celle»ci, les corps s'en féparent comme dans les émulfions «. Spielmann, L, c. Exp. IV.

(s) Idem, §. XLVIII.
(6) Idem, L. c. §. XLV,

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