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LETTRE

De M. DE MORVEAU à l'Auteur de ce Recueil,

Sur la manière d'agir du Mercure dans les maladies dont il eft le Spécifique.

M. les éloges que j'ai entendu donner par tous les gens de l'art, à l'Ouvrage que M. de Horne vient de publier fur les différentes méthodes d'adminiftrer le mercure, m'ont engagé à chercher l'endroit où il traite de fa manière d'agir; & quoique très-peu verfé dans les sciences médicinales, j'ai lu ce chapitre avec l'intérêt de quelqu'un qui a propofé fes idées fur le même fujet, & qui défire les apprécier.

comme

M. de Horne attribue la manière d'agir du mercure, curatif, à ce qu'il eft poffible qu'il faffe dans les liqueurs du corps humain, des mutations fuffifantes pour que les parties virulentes fe trouvent par-là détruites, & ne puiffent plus agir comme telles, par la défunion de leurs principes conftituans, ou que rendues ainsi d'une ténuité évaporable, elles s'échappent par tous les émonctoires qui leurs font ouverts; il juge en conféquence que la vertu du mercure eft probablement due au fouffre de ce minéral, dont la vapeur bienfaifante entraîne le virus vénérien ou le décompofe, & que la combinaison, qui fe fait du mercure avec les acides, peut être regardée comme la caufe occafionnelle du développement de ce fouffre, quoiqu'on ne puiffe dire comme il s'opère.

Ce langage, d'un aufli favant Médecin qui s'explique avec autant de réferve, qui n'indique que des probabilités, m'enhardit à vous communiquer, Monfieur, le morceau fuivant, tel que je l'ai lu à la Séance de l'Académie de Dijon, du 29 Novembre 1771, fous le titre de Conjectures, &c, Je n'y ajouterai qu'une obfervation qui fut rapportée dans la même Séance, à l'occafion de cette lecture, par un Chirurgien dont le nom & les ouvrages font bien connus, & qui fut retenue fur le regiftre.

Je viens de voir dans un extrait de l'Effai de M. Peyrilhe fur la vertu anti-vénérienne des alkalis volatils, qu'à l'exemple de Sydenham, cet Auteur, rapportant l'action du mercure aux loix de Tome VI, Part. II. 1775.

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l'hydraulique, fuppofe qu'il ne guérit qu'en excitant un mouvement fébrile, qu'en foutenant ce mouvement pendant un efpace de tems proportionné à l'épaiffiffement vénérien, & appuie cette induction. fur les bons effets des alkalis fixes & volatils. Il ne m'appartient pas d'examiner des faits de cette nature, mais je crois pouvoir remarquer, 1°. qu'ils ne tendroient qu'à établir une propriété commune quelconque entre le mercare & les alkalis, & que dans le fyftême de nos connoiffances actuelles, il eft tout auffi probable que les alkalis ont, du moins jufqu'à un certain point, comme le mercure, la propriété de s'emparer du phlogistique; 2°. que l'hypotèse ne néceffite même pas une propriété commune, parce qu'on peut opérer la défunion de deux principes par des voies très-différentes, & en attaquant particulièrement l'un ou l'autre ; c'est ainfi que l'acide & l'alkali décompofent également un fel métallique, le premier en s'appropriant la bafe, le fecond en lui enlevant le principe avec lequel elle étoit combinée.

Conjecture fur la manière d'agir du mercure dans les maladies dont il eft le Spécifique.

Depuis que l'on a éprouvé l'efficacité du mercure dans le traitement des maladies qui font le fruit contagieux de la débauche, on a, fans doute, imaginé bien des hypothèfes pour rendre compte de fa manière d'agir fur le corps humain, & en particulier fur la manière dont il attaque fi heureufement le virus vénérien, j'avoue que je ne les connois pas, la lecture des ouvrages où j'aurois pu les rencontrer, fuppofe une application plus profonde que celle que je puis donner à des objets de goût; & fi j'ofe propofer aujourd'hui une conjecture à ce fujet, c'eft que j'y ai été conduit par les expériences que j'ai faites fur le turbith minéral, & dont j'ai donné le réfultat dans une Differtation fur le phlogistique; c'eft que ces expériences m'ont paru établir des vérités nouvelles, & que la conjecture dont il s'agit, en étant en quelque forte la conféquence naturelle, j'ai pu croire qu'elle n'avoit point encore été formée. Je fens que pour l'annoncer avec avantage, il faudroit réfuter les fyftêmes qui l'ont précédée, examiner les faits qui peuvent la contrarier & la faire cadrer avec les obfervations les plus accréditées, mais ce travail feroit au-deffus de mes forces, je me borne à préfenter cette idée comme je l'ai conçue; fi les gens de l'art la juge digne de quelque attention, elle ne tardera pas à recevoir entre leurs mains la forme qui peut la rendre utile.

J'ai prouvé, contre l'opinion commune, que le mercure étoit

calcinable (1), c'est-à-dire qu'il étoit fufceptible de perdre fon phogistique, de même que les autres métaux imparfaits, ou du moins une partie de fon phlogiftique néceffaire à l'état de métal lifation: ce point de fai acquis, fa réductibilité fans addition n'en a pû balancer les preuves; mais en même-tems qu'elle m'a fervi à appuyer quelques conféquences par rapport à la nature du phlogistique & au méchanifme des réductions métalliques, elle m'a forcé de reconnoître dans le mercure une propriété particulière qui lui appartient exclufivement aux autres métaux, ou du moins dans un degré exclufif; cette propriété eft la facilité avec laquelle il fe recombine avec le phlogistique qui traverfe les vaiffeaux quoiqu'il ne foit engagé dans aucune bafe, ni arrêté par aucun flux: je remarquerai en paffant, que cette propriété fe concilie affez bien avec ce que j'ai dit en dernier lieu dans mon Effai PhyficoChymique fur la cryftallifation, que l'état de fluidité du mercure étoit abfolument une déliquefcence phlogistique, comme l'état de l'huile de tartre étoit une déliquefcence aqueufe; or c'eft de cette propriété que je tire toute la théorie de l'action du mercure fur le virus vénérien.

De quelque manière, & fous quelque forme que l'on adminiftre il est dans un état falin; dans le nombre des différentes méthodes dont j'ai oui parler, la feule qui me paroiffe fufceptible de quelque difficulté à cet égard, eft la méthode des frictions avec l'onguent mercuriel; mais M. Beaumé fait voir dans fes Elémens de Pharmacie, que la graiffe que l'on emploie dans la préparation de cet onguent, n'eft pas un fimple intermède propre à divifer le mercure, que fon acide attaque & diffout le métal & qu'ainfi il y en a au moins une partie réduite à l'état falin: il y a long-tems que l'on auroit dû le foupçonner, fi l'on eût fait plus d'attention à la prompte rancidité de la graiffe ainfi mêlangée, parce que cette rancidité eft un figne manifefte de la défunion des principes acide & inflammable qui conftituent les huiles.

Maintenant fi on demande de quelle manière agit le fel mercuriel, on peut répondre d'abord que ce n'eft ni comme fel neutre, ni à raifon de fon acide: ce n'eft pas comme fel neutre, parce qu'alors il ne feroit fpécifique qu'autant qu'il feroit déterminé & pour la nature de l'acide, & pour le degré de faturation : ce n'est pas non plus à raifon de fon acide, puifqu'il change dans les différentes préparations, & que l'efficacité du remède eft conftante; c'est donc uniquement la bafe de ce fel qui agit, & elle agit non pas

(1) Voyez Digreffions Académiques, page 221 & fuivantes.

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comme engagée dans tel ou tel acide; mais elle agit feule & dégagée de toute autre fubftance qui ne ferviroit qu'à modifier fes propriétés.

Il paroit donc déja conftant que les acides quelconques, tels que l'acide huileux, l'acide marin, l'acide acéteux, la crême de tartre, & tous ceux que l'on employe prefque arbitrairement dans les traitemens dont il s'agit, ne fervent que par la propriété qui leur eft commune à tous fans exception, de calciner les métaux avec lefquels ils s'uniffent; car puifque nous avons établi d'une part, que le mercure étoit calcinable, & de l'autre, qu'il n'étoit fpécifique que lorfqu'il étoit employé dans l'état falin, il fuit rigoureufement de ces deux principes, que ce n'eft plus le mercure même, mais la chaux du mercure que ces acides portent dans le corps humain; d'où je conclus que cette chaux ayant la vertu fingulière d'attirer puiffamment le phlogistique de fe combiner avec lui très - facilement, de fe l'approprier enfin, il eft probable qu'elle agit en fe revivifiant.

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Ce feroit ici le lieu d'effayer de déterminer la nature de la matière morbifique que cette révivification décompofe en s'appropriant un de fes principes, ou de faire fentir du moins, qu'elle eft telle qu'une furabondance de phlogistique en fait le vice principal, & que la privation de cette portion de phlogistique trop développé, peut en arrêter les effets & en détruire le ferment; mais c'eft un vuide que je fuis encore forcé de laiffer à remplir à ceux qui font plus occupés de la Médécine; j'ajouterai feulement, pour appuyer ma conjecture, que la révivification que je fuppofe, n'a rien d'impoffible, puifque la chaux de fer fe réduit par la feule digestion dans l'huile, puifque la chaux de cuivre fe réduit pareillement au degré de chaleur néceffaire à la préparation de l'onguent égyptiac, & par le feul contact des parties inflammables du miel; cette dernière obfervation a encore cela de remarquable, que la combinaifon de la terre métallique & du phlogistique, fe fait malgré la préfence d'un acide; comment donc pourroit-on révoquer en doute la poffibilité de la réduction de la terre mercurielle dans le corps humain,' tandis que nous avons des expériences qui en démontrent la réducti bilité dans un degré extraordinaire & infiniment fupérieur à celle de toutes les autres terres métalliques.

P. S. M. Hoin, Affocié de l'Académie Royale de Chirurgie, qui étoit préfent à la lecture de ce Mémoire, dit avoir été témoin d'un fait qui donnoit beaucoup de vraisemblance à ce système, c'est qu'il avoit vu un de fes malades rendre par les pores du mercure réduit, & qui fans doute avoit repris dans fon paffage par la masse humorale, le phlogistique dont il étoit dépouillé en y entrant.

SECONDE

LETTRE

Du même Auteur,

Sur le BLEU de Pruffe.

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M. Daus un Mémoire imprimé au Tome IV de vos Obfervations de Phyfique, &c. page 357. M. de la Folie de l'Académie de Rouen, a propofé une nouvelle préparation du bleu de Pruffe, par l'alkali de la foude, pour éviter, tant à ceux qui le compofent qu'à leurs voifins, l'odeur fétide que répand la combuftion du fang de bœuf. En lifant cet article, je me fuis rappellé avoir employé avec fuccès pour la même préparation, un procédé qui a le même avantage, & que je crois plus économique.

En faifant, il y a quelques années y a quelques années, les expériences fur le bleu de Pruffe, que j'ai rapportées dans ma Differtation fur le Phlogiftique (1), je me trouvai manquer abfolument de liqueur alkaline faturée, l'impatience d'achever une opération dont le résultat m'inréreffoit, me fit chercher les moyens les plus expéditifs pour me procurer la quantité qu'il me falloit de cette liqueur, & que j'au rois été obligé fans cela, de faire venir de Paris: je penfois bien que la déficcation du fang de bœuf devoit être défagréable; mais je ne croyois pas qu'elle pût être auffi atroce que l'annonce le Mémoire de M. de la Folie, & qu'elle l'eft en effet ; je ne fongeois qu'à aller vîte, & l'idée que j'avois prife de la théorie de cette préparation me perfuada que je pourrois fubftituer au fang de bœuf, des matières animales prefqu'auffi peu chargées de terre, & naturellement sèches; en conféquence, ayant trouvé fous ma main du poil de bœuf dont j'avois provifion pour les luts dont on garnit les cornues de verre, j'en mêlangeai groffièrement une poignée avec quatre onces de fel de potaffe, je plaçai le tout dans un grand creufet pour le faire calciner de la même manière que l'on calcine le mêlange d'alkali & de fang de bœuf defféché, je leffivai le réfidu, & après la concentration des leffives & la neutralifation de l'alkali furabondant, j'eus le jour même, fans aucune odeur incommode,

(1) Digreffions Académiques, page 244 & fuivantes.

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