Page images
PDF
EPUB

vingt-quatre grains d'un fel alkali très - fec, mais dont les petits cryftaux étoient un peu longs.

14. L'acide vitriolique a diffout peu de ces cendres, & il en eft réfulté des petits cryftaux qui fe remarquoient à peine.

15. Les acides nitreux & marins, au contraire, ont diffout ces mêmes cendres entiérement & fans laiffer rien précipiter, les diffolutions confervoient la limpidité de l'eau; la plus douce évaporation a laillé à peine appercevoir de véritables cryftaux, ce qui donnoit lieu de préfumer qu'elles contenoient peu d'alkali végétal; mais ce qui a refté de liqueur étoit à peu près comme une gelée qui, après l'exficcation à une chaleur plus forte, a produit une masse blanche & fans figure particulière.

16. Il eft à propos d'interpréter ici la fignification du mot de rhubarbe de Mofcovie. Tout le monde fait que dans la plupart des anciennes matières médicales, la rhubarbe dite de Mofcovie, c'està dire, celle qui eft apportée de Chine par la Ruffie, paffe pour la plus mauvaise ; mais à préfent nous avons entre les mains un Ou vrage compofé par feu Jean-George Gmelin, Profeffeur & Docteur, homme célèbre qui, à fon retout de Pétersbourg à Tubingen, fa patrie, a prouvé dans une excellente differtation qu'il a donnée à l'ouverture de fon Cours, fous le titre, Rhabarbarum Officinale, année 1752, dans laquelle il fait part d'une defcription plus exacte & plus certaine non- feulement de cette plante, mais particulièrement de la bonté & de l'avantage que mérite fur les autres la rhu barbe qui nous vient par la Ruffie; on trouve auffi dans la feconde édition de l'excellente matière médicale de Cartheufer, imprimée à Francfort-fur-l'Oder, année 1767, un détail fait par feu M. de Fif cher, premier Médecin du Prince, qui contient la méthode dont on cultive la rhubarbe dans toute la Ruffie; on peut ajouter d'au tant plus de foi à cette dernière, que l'établiffement, les règlemens, & les préparatifs relatifs au tranfport de la rhubarbe, dépendoient en grande partie de ce favant; & je puis dire avec vérité, que depuis cette époque les précautions que l'on prend pour la culture, la confervation & le choix de cette marchandise, ont été plutôt perfectionnées que négligées, & pour appuyer ce qui a été dit plus haut, on peut certifier que pour qu'il ne paffe de ce pays chez l'étranger aucune rhubarbe défectueufe, on a grand foin de la brûler la regardant comme très - inutile.

17. D'après toutes mes expériences, j'étois parfaitement convaincu de la préfence de la félénite dans la rhubarbe: mais il s'agiffoit de favoir fi elle fe trouvoit exiftante également dans toutes les espèces lorfque l'on tire cette racine de la terre, ( ce dont je doute encore) ou bien fi elle s'y formoit ou s'y laiffoit appercevoir avec le tems.

par la présence de la terre de la chaux dans cette fubftance; c'est une question à laquelle je ne puis fatisfaire avec certitude, d'autant plus qu'il faudroit en avoir des nouvelles plus fûres, & que nous manquons d'expériences faites fur les lieux, mais qui probablement pourroient être remplacées ici. Comme je defiroís en faire un effai fur une quantité de cette rhubarbe cultivée à Pétersbourg, appellée Rhabarbara vera palmata; j'en ai eu un morceau' qui portoit environ trois pouces d'épaiffeur; comme elle étoit fraîche, elle avoit l'odeur un peu plus pénétrante quoique tirée de la terre depuis un an. Elle purgeoit bien, enfin elle pouvoit être regardée par tout le monde comme la rhubarbe dite de l'Orient ou de Chine. Ce même morceau laiffoit appercevoir aux yeux, ainfi qu'au microscope, beaucoup de petites parties blanches que l'on pouvoit regarder comme falines; cependant, après en avoir pilé & lavé une partie comme j'en ai fait mention aux paragraphes cinquième & fixième, il ne paroiffoit aucun veftige de félénite, le tout fe dif folvoit dans l'eau, & quoique l'on vit une terre blanchâtre furnager, elle étoit trop légère pour qu'il fût poffible de la féparer de la rhubarbe.

18. Il réfulte naturellement de ce que nous venons de dire, cette question: D'où vient primitivement la quantité de cette terre calcaire? Se préfente-t-elle comme félénite, ou bien fe forme-t-elle en même-tems que la plante?

[ocr errors]

19. Quant à la préfence de la terre calcaire dans les végétaux, mais en plus ou moins grande quantité dans une plante que dans l'autre il n'y a pas à en douter; car fi nous examinions avec attention les cendres de tous les végétaux, nous trouverions prefque dans toutes quelque chofe de calcaire, & particuliérement fuivant qu'elles ont été plus ou moins calcinées. J'avoue qu'en lifant quelques defcriptions étrangères fur la potaffe de Ruffie, que l'on foupçonne être mêlangée de beaucoup de chaux, il m'eft fouvent venu à l'idée que la violence du feu qui avoit fervi à fa calcination, pouvoit avoir donné en grande partie origine à cette fubftance calcaire; mais il faudroit une analyse plus exacte ou plus fuivie, pour favoir à quoi attribuer le premier principe de cette terre: qu'il me foit permis de dire à ce fujet ma façon de penfer ; & comme elle n'est autorifée que par des conjectures, je n'engage perfonne à y ajouter

foi.

20. Je me fuis reproché à moi-même, au commencement de cette Differtation, d'avoir été pendant long-temps, porté à croire que la terre faline fut la première bafe de la terre calcaire; en conféquence, il m'a il m'a paru naturel de penfer que les alkalis, ou fels lexiviels, pouvoient être exiftans par-tout, mais particuliérement dans 1775. JUILLET.

C 2

[ocr errors]

les plantes, d'autant mieux que, d'après les moyens que M. Margraff nous a donnés de l'y reconnoître tout formé, on a adopté, comme chofe démontrée, que le véritable alkali ou fel lexiviel, exiftoit dans les plantes avant l'incinération; mais il eft effentiel à ce fujet de confulter les traités utiles faits fur cette matière par M. Brunweifer, Docteur & Phyficien de la ville de Kellheim, qui font inférés dans le feptième volume des Collections Académiques de l'Electeur de Bavière. Mon opinion, à l'égard de l'existence de l'alkali dans les végétaux, avoit pour fondement la confiance dans laquelle j'étois, que le fel commun, fe décompofant entiérement, fe dépouilloit en premier lieu de fon alkali fixe, qui eft proprement l'alkali minéral, & que celui-ci, paffant par plufieurs canaux ou vaiffeaux, & fouffrant d'ailleurs différens changemens, fe débarraffoit de plus en plus de fa terre calcaire groffière, qui, devenant alors plus fubtile, plus pure, fe rapprochoit ainfi de l'alkali végétal; car, fuivant toutes les conjectures, il en eft de ces deux alkalis comme des fels lexiviels trouvés dans les végétaux; leur différence n'eft qu'en raifon de la terre, ou plus fubtile, ou plus groffière qu'ils contiennent alors, la terre calcaire devenue libre, quoique reftée dans les plantes, leur fera ou plus intimément incorporée, ou fera plus métamorphofée, fuivant leur ftructure ou leur

nature.

21. Mais il refte encore à éclaircir la queftion la plus difficile favoir d'où vient l'acide vitriolique qui conftitue la félénite dans la rhubarbe On voit aifément que cette question ne peut être réfoute que par l'oracle ex tripode dictum.

» C'est ainsi que s'exprime le grand Haller l'efprit humain ne » peut pénétrer dans l'intérieur de la Nature «.

Cette fentence conferve ici toute fa force; du moins je ne me vanterai pas d'avoir dérobé à la Nature fes fecrets, mais qu'il me foit permis d'annoncer mes conjectures, fans forcer, comme je l'ai déja dit, qui que ce foit à y ajouter foi.

22. Tous les Chymistes qui appuient leur théorie fur les principes de la faine Phyfique, conviennent que plufieurs plantes contiennent les trois efpèces d'acides minéraux fous la forme d'un fel moyen, mais cependant que le fel marin s'y rencontre en plus grande quantité. Que ce foit erreur de ma part ou non, j'aime encore mieux avouer ici que je ne me rétracte que jufqu'à un certain point de ma première opinion, dont j'ai fait mention, il y a environ quarante ans, dans le commerce littéraire de Nuremberg, qui étoit de croire que l'acide du fel marin pouvoit bien être l'acide univerfel, perfuadé fur-tout qu'il étoit celui que l'on regarde comme le plus commun, ou au moins celui qui en approchoit, parce que

la plupart du tems on le rencontroit fous cette forme; comme par exemple, ce même acide combiné avec un fel alkali de tartre très-pur, produit un tartre vitriolé; mais de favoir fi l'acide marin ne fe trouve point altéré par les élaborations multipliées qu'il fubit dans fes différens paffages, étant obligé de fe dépouiller de certaines parties qui lui font propres pour conftituer fon acide; favoir dis-je, fi ce même acide n'eft pas forcé de fe combiner avec d'autres principes, ce qui doit alors altérer fa nature; c'eft ce dont je n'ai jamais douté, & c'eft même auffi ajourd'hui le fentiment de plufieurs Chymiftes modernes, d'ailleurs, où pourroit-on chercher l'origine des différens fels & de leur acide, fi ce n'étoit dans les changemens & métamorphofes qui fe font pendant la circulation dans des vaiffeaux particuliers, & qui font propres à chaque plante? Pourquoi le bois de chêne, ainfi que d'autres aftringens, donnent-ils des apparences d'acide vitriolique, d'autres plantes du nitre, & la plupart des produits falins? C'est particulièrement ce qui a fervi de fondement à mes conjectures. Premiérement, je crois que le fel marin donne aux végétaux la terre calcaire, & que celle-ci, devenue avec le tems plus atténuée, elle devient plus foluble, ou que peutêtre par une augmentation d'acide, elle forme un alkali minéral, comme Gaubius dit en avoir trouvé dans du poivre, adverfar var argument. De pipere; mais fi ce changement eft porté au point que la terre calcaire groffière foit féparée, elle repréfente alors l'alkali végétal, comme on le remarque dans le tartre. Je faifois imprimer cette Differtation lorfque je trouvai, à la vingt-huitième feuille du paragraphe 21 dans le Traité excellent d'une nouvelle Minéralogie de Cronsted, imprimée à Copenhague en 1760, des Obfervations que je ne puis paffer fous filence. Le fentiment de l'Auteur femble être différent du mien, ou du moins, il paroît douter qu'un fel puiffe réfulter de la chaux, au lieu que je cherche à prouver que la chaux eft le produit du fel; je ferois peut-être de fon avis s'il n'y avoit rien qui n'empêchât de croire que le fel a été plutôt formé que la chaux, & en affez grande quantité pour ne point entrer en comparaison avec elle; d'ailleurs, fans faire mention des autres opinions, on fait que ce n'eft que peu-à-peu & par couches que la chaux fe forme. Cette obfervation mérite d'ètre rapportée toute entière, afin que le Lecteur indulgent le Lecteur indulgent en puiffe porter fon jugement.... Remarques fur le 21e. paragraphe. » Peut-être y a-t-il des pierres » à chaux qui renferment l'acide du fel commun en différentes proportions qui nous font inconnues; il eft incroyable combien l'eau » de mer contient de chaux ; c'est même de cette chaux dont les animaux teftacés fe fervent comme de matériaux pour former leurs coquilles il eft poflible que la Narure fe foit ménagé un moyen 1775. JUILLET.

دو

.

[ocr errors]

» de compofer avec la chaux un alkali minéral, & que, foit la chaux, » foit l'acide du fel marin, fe trouvent mêlés à cette fin dans l'eau de »mer, de façon qu'ils contribuent tous lesdeux, par leur combinaison mutuelle, à la formation du fel marin ordinaire «.

que

23. Mais fi je conviens maintenant que le fel commun, contenu dans les plantes, foit fufceptible d'altération & de changement, il s'enfuit naturellement que les acides des fels peuvent également prendre une autre nature, & avoir d'autres propriétés. Il y a long-tems que je fuis éloigné de croire que toutes les opérations de la Nature, foit dans la compofition ou décompofition des corps naturels, doivent fe faire par les moyens que nous fournit la Chymie, ou même par l'action du feu : on fe contente feulement de nous expliquer & démontrer les effets particuliers de la force attractive combinatoire dans les végétaux ; mais on nous laiffe ignorer comment il arrive que fur un même terrein, il croiffe des plantes falutaires, d'autres vénéneufes; ne devroit-on pas en chercher la raifon dans la vertu particulière de la matière principe des plantes mêmes, autant de l'attribuer aux différens vaifleaux qui fervent à leurs fécrétions? 24. Mais tant que la terre faline, contenue dans les plantes, n'aura pas changé entiérement de nature, elle fera toujours foluble dans les menftrues aqueux, comme on l'a prouvé à l'égard du quinquina & des autres fubftances aftringentes; mais fi avec le tems, ou par d'autres circonstances, cette terre perdoit tout-à-fait fa falinité, elle pourroit alors, en raifon de fon analogie avec celle de la chaux, fe combiner avec l'acide univerfel répandu dans l'air, & qui fe trouve même dans les plantes ftiptiques, & former alors une félénite à l'aide de l'air ambiant, ainfi que de l'acide qu'elles contiennent; car l'expérience, rapportée au paragraphe 11e, confirme que plus la rhubarbe eft vieille, plus elle contient de félénite; ce qui fert encore à le faire voir, c'eft que la bonne rhubarbe, confervée dans un endroit fec, augmente toujours un peu de poids.

25. Dans tous les Traités de matière médicale, on attribue à la rhubarbe des vertus fingulières, je pourrois même dire toutes oppofées; on la dit purgative, enfuite aftringente, enfin corroborante cependant, on entend fouvent répéter que la rhubarbe, fnrtout en substance, ne convient point aux perfonnes attaquées d'hémorrhoïdes; il faut néanmoins convenir que plufieurs ont cru qu'il y avoit dans la rhubarbe quelque chofe qui les empêchoit de la regarder comme un remède univerfel & divin; effectivement, la plus grande partie s'eft apperçue qu'elle contenoit quelque chofe d'indif foluble qu'ils regardèrent comme une terre; d'autres crurent que ce qui la rendoit purgative, étoit très - volatil, & par conséquent ne reftoit pas dans les préparations où elle entroit, & fur- tout dans

« PreviousContinue »