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excès de follicitude qui donne aux enfans une > certaine pufillanimité, une certaine foibleffe > d'ame propre à anéantir toute espece de cou» rage, tout fentiment de les propres forces; le > peu de confidération, le peu d'avantages réek » que procurent les ennuyenfes & difficiles fonc>tions d'inftituteur, qui cependant, lorfqu'elles > font bien remplies, fuppofent une grande éten> due de connoiffances & de lumieres, & une > grande perfection de caractere; enfin la cor> ruption des mœurs, contre laquelle les loix > devroient lutter fans ceffe, mais que nos inf>>titutions fociales femblent faites uniquement » pour protéger; tous ces abus n'atteftent-ils > pas évidemment combien peu d'avantages il y > a à espérer de l'éducation privée, & combien il y a d'inconvéniens à craindre? <<

Ces remarques fur l'impuifance de l'éducation particuliere font fuivies de plufieurs autres relatives aux avantages de l'éducation publique,;' & deftinées à montrer qu'elle eft absolument néceffaire, malgré les imperfections inévitables qui accompagnent.

> Le nombre des inftituteurs devant être moins confidérable, (dit M. Filangieri) & le gou> vernement pouvant donner à leurs fonctions >> la confidération qu'elles méritent, en compo>fer une espece d'ordre de magiftrature refpec> table, & offrir à leur émulation de grandes > espérances, trouveroit bientôt beaucoup d'hom> mes dignes d'exercer des fonctions, fi refpecta

bles. Choifis par le gouvernement & dirigés par » la loi, ils s'éleveroient au-deffus de tous co

• préjugés dont un feul peut rendre illufoire la > plan d'éducation le plus parfait, & ils feroient > véritablement dignes de former les enfans de > la patrie d'après les grands deffeins du légifla> teur. L'éducation étant entiérement fondée fur > l'imitation, le législateur n'a befoin, pour for> mer des hommes, que de bien diriger ceux > qui doivent leur fervir de modeles. Ces hommes, il eft vrai, ne feroient pas entiérement femblables, beaucoup refteroient inférieurs aux > modeles, quelques-uns les furpafferoient ; mais > le plus grand nombre auroit au moins quel ques traits de reffemblance, & ces traits for meroient le caractere national. <

> Tous les hommes, à quelque âge qu'ils » foient, font également dirigés par l'opinion, Ce n'eft pas tant l'évidence de la vérité qui frappe le commun des hommes, que l'opinion > qu'ils ont de la perfonne qui l'annonce. Que > le guerrier illuftre, tout couvert de bleffures, brillant des fignes glorieux de fes triomphes, parle publiquement du courage & des talens > militaires; que le magiftrat, revêtu des- ornemens de fa place, enfeigne la juftice & le refpect pour les loix; que le citoyen qui a le > mieux mérité de la patrie, inspire des fenti> mens d'amour & de refpect pour la mere cont> mune de tous les citoyens, quels effets ne pro> duiront pas leurs inftitutions! Qui pourra douter de la fupériorité de pareilles leçons fur > celles d'un pédagogue mercenaire? <

» Le moyen le plus efficace, dir un des plus profonds philofophes de l'antiquité, pour con

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* ferver la conftitution du gouvernement, c'eft d'élever la jeunesse fuivant l'esprit de cette conflitu» tion (*). «

> Seroit-il donc poffible d'obtenir ce but fans » une éducation publique? Quel homme auroit fur ce point un intérêt plus grand que le > fouverain? Qui en auroit plus les moyens? > Qui en connoîtroit plus l'importance & pour> roit mieux en tracer le plan ? «

M. Filangieri obferve enfuite que l'homme naft dans l'état d'ignorance, mais qu'il ne naît point dans l'erreur; que toutes les fauffes opinions fone acquifes; que l'enfance étant l'âge de la curiofité & de la foiblefle de la raifon, eft ordinairement l'époque de cette funefte acquifition. » Si > les oreilles des enfans continue-t-il) pou

> voient être inacceffibles à l'erreur, les vérités > pénétreroient facilement dans leur ame. Il n'y > a qu'une éducation réglée par le magiftrat & » par la loi qui puiffe produire cet effet dans > le peuple, & une telle éducation ne peut être » qu'une éducation publique. <

» Dans tous les gouvernemens, chez tous les > peuples, l'opinion publique eft la plus grande

force de l'état. Son influence, foit pour le > bien, foit pour le mal, eft très-puiffante. Elle > eft supérieure à l'action comme à la réfiflance » de l'autorité publique, & il eft, par confé» quent, de la plus grande importance qu'elle ➤ soit rectifiée dans son principe, & dirigée dans

Ariftose, Polisig,, livre I.

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fa marche. De tous les moyens dont le légiflateur peut fe fervir pour produire cet effet, » en eft-il un plus efficace que celui dont je » parle? <

Dans fes Idées générales fur l'éducation phyfique de la premiere claffe, M. Filangieri demande fi l'homme ne fauroit perfectionner fon efpece comme il a perfectionné les autres efpeces d'animaux.

» L'hiftoire (dit-il) fait ceffer ce doute, que » l'état actuel des chofes nous inspire. Il faut >> renoncer à toute certitude hiftorique, pour > douter que le phyfique de l'homme ait reçu > chez quelques peuples ce perfectionnement dont > aujourd'hui nous fommes fi éloignés. Le Cré

tois, le Spartiate, le Romain ne fembleroientils pas aujourd'hui des hommes d'une efpece > différente de la nôtre? Au milieu d'un mil> lion quatre cent mille mercenaires armés, quel > eft parmi nous le guerrier qui pourroit fo >plier aux exercices de la phalange grecque ou » de la légion romaine? Eft-il dans toutes nos

armées un feul homme qui pût fupporter feu>lement le poids de leurs armes, qui pût réfif. > ter à leurs longues & fatigantes marches? Il

fuffit de lire dans le huitieme dialogue de Platon > fur les loix la defcription des exercices gym> naftiques qu'il propole, pour voir jufqu'où s'é> tendoit cette différence, & comment elle étoit > en entier l'ouvrage du légiflateur. Entre les maux que nous devons attribuer à la découverte de la poudre, il faut fans doute compter l'indifférence des législateurs relativement

au phyfique des hommes. Lorfque l'idée de la » guerre excitoit celle d'une lutte où les hom>mes étoient exercés comme êtres intelligens, » & non comme machines; lorsque, sur la mer > comme fur la terre, les hommes luttoient > corps à corps & fe défendoient de l'épée &

de la main; lorfque le foldat voyoit & tou> choit celui à qui il donnoit ou dont il rece» voit la mort, lorfque les armes dont on fe » fervoit n'excluoient ni la force, ni la dexté¬

rité, mais les exigeoient & les fecondoient; > alors, comme la force, l'énergie & la dextérité des individus avoient la plus grande part dans l'iffue de la guerre, la perfection phyfi» que des corps devenoit le principal inftrument > de la fûreté ou de l'ambition des peuples, &, > par conféquent, le principal objet des foins › du législateur. «

» Mais aujourd'hui qu'on a donné à des machines l'énergie des hommes, & qu'on a tranfa formé les hommes en machines; aujourd'hui → que les vrais foldats font le fufil & le canon; > aujourd'hui que le foldat meurt fans favoir » qui le tue, évite, pourfait ou attaque des > êtres qu'il ne voit pas & qu'il ne touche pas,

qu'il reçoit également la mort de la main du > plus foible comme de celle du plus fort; au> jourd'hui enfin que la guerre a changé de face,

les législateurs ont tourné vers la perfection > des armes, des foins qui autrefois étoient dirigés vers la perfection de l'homme. «

A la revue des corps qui fe faifoit chez les

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