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» Crediderim, poffum credere, je croirois; crest didiffem; potui credere, j'aurois cru: condition, ftipulation, fuppofition qui, quoiqu'un peu différentes, fe touchent de bien près, & font renfermées dans les fens les plus ordinaires du mode fub. jonctif. Le fens, ou mode de penfée, peut être rendu à un certain point dans un mode impéra. tif & dans le verbe principal. Un ingénieux étimologifte anglois, M. Horne Tooke, a démontré que la particule grecque é, & le fi romain ne font que des contractions de certaines parties, ou inflexions des verbes fubftantifs & fum, lefquelles parties de ces verbes ont un fens impératif, comme, que cela foit ainft. Le même auteur fait voir que la particule angloise, if, eft auffi une contraction de l'impératif du verbe give, qu'on écrivoit & qu'on prononçoit anciennement gif. Si vis me flere, fit efto, quod vis, ou velis me flere. Fac, pone, te velle me flere. L'impératif, fac, étoit d'un usage fréquent chez les anciens écrivains latins dans ce fens ils fe fervoient rarement de pone, qui fut fort ufité les écrivains modernes. 70s étoit employé par les Grecs dans le même fens. En effet diverfes parties tant de Tienui, que de pono, fervirent à Τίθημι, 'cet effet; en quoi les Romains furent, à ce que je préfume, les imitateurs des Grecs. Il eft à remarquer que l'ufage que les François font de la particule conditionnelle, fi, fufpend tout-àfait 'celui du fubjonctif, ou du mode conditionnel. Le françois régit toujours le mode indicatif on dit fi je peux, fi je pouvois, fi je pourrai. Jamais, fi je puiffe, fi je pulle, dans le

:

par

fubjonctif; ni même, fi je pourrois, dans le mode conditionnel.

> Quant à la circonflance, où elle fe trouve adjointe à un membre précédent d'une fentence, & ordinairement à un verbe dans l'indica. tif, ce qui a fait donner à ce mode le nom de fabjonctif, la différence du fetis entre le fubjonctif, ainfi employé, & l'indicatif en plufieurs cas, & même l'infinitif fimple, dans d'autres, eft fi petite, qu'il eft difficile de la déterminer, & peut-être impoffible de l'exprimer en paroles. C'est ainsi qu'en traduifant d'un langage dans un autre, nous trouvons fouvent que ces trois modes grammaticales peuvent, & peut-être, doivent s'échanger pour conferver le fens original, fans heurter les regles du langage dans lequel la verfion fe fait. Mais l'emploi d'une inflexion, ou mode particulier, pour diftinguer, dans une fem tence, le verbe fecondaire ou adjoint du verbe .. fondamental, ou principal, eft fouvent d'un grand úfage, & je crois, que fans beaucoup de raffinement, l'on doit trouver de l'élégance, & peut-être auffi plus de précifion, dans ces langues, qui ont confervé cette délicateffe, comme le latin & le françois ; car cela eft presque perdu de vue dans la langue angloife. Mais il faut obferver qu'on ne doit pas mettre au mode fubjonctif tout verbe qui fe trouve joint à un autre par le pronom relatif qui. Dans beaucoup de cas on peut employer indifféremment l'indicatif ou le fubjonctif, tant en latin qu'en françois; mas tantôt il eft mieux de fe fervir de 'un, tantôt de l'autre. Dans les occations où

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l'affirmation eft certaine & pofitive, l'indicatif doit être continué dans le fecond membre de la phrase.

Heu quoties fidem

Mutarofque deos FLEBIT : & afpera
Nigris aquora ventis
IMITABITUR infolans,

QUI nunc te FRUITUR credulus Aurea's
Qui femper vacuam, femper amabilem
SPERAT, nefcius aura

Fallacis miferi, QUIBUS

:

Intentata NITES.

Cependant je RENDS grace au zele officieux,
Qui fur tous mes périls vous FAIT ouvrir les yeux.

Jeune & vaillant héros, DONT la haute fagefle
N'EST point le fruit tardif d'une lente vieilleffe.

Quoique dans ces lignes de Boileau il ne fe trouve le feul verbe EST, il ne dépend pas que moins du premier membre de la fentence, auquel il eft joint par le relatif DONT. Ne foit point le fruit, feroit en premier lieu mauvais françois, & en fecond lieu auroit été une infinuation très-impertinente à Louis XIV, comme fi fa haute fageffe eût été ou contingente ou hypothétique mais Boileau n'étoit pas homme à tomber dans une de ces erreurs."

C'eft d'après le même principe, je suppose; que le mode indicatif eft encore employé dans le paffage fuivant de la fainte écriture: Je fuis l'éternel, ton Dieu qui T'A1 tiré du pays de l'E gypte, de la maifon de fervitude. Le mode fubjonctif, qui T'AIE TIRÉ, feroit très mauvais

affet ici, où l'affirmation eft pofitive & certaine, & la même raison ne nous feroit jamais héfiter d'exprimer la même penfée en latin, de la même maniere Ego fum Dominus tuus Deus qui EDUXI te è terra Egypti, è domo fervitutis. Ce feroit s'exprimer très-mal, fi, au-lieu d'eduxi, on fubftituoit eduxerim.

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Mais dans des exemples fans nombre, où le verbe adjoint exprime une chofe incertaine, précaire, contingente ou dépendante de la volonté, ou du pouvoir d'un autre, on fe fert du mode fubjonctif : ce qui fait que ce mode a dans tous les tems une forte d'affinité ou de rap port à un fens futur. Cependant, à l'égard de l'emploi de l'un ou l'autre de ces deux modes, on a toujours laiffé aux écrivains, tant en vers qu'en profe, une grande liberté, dont profitent encore les meilleurs auteurs. En voici des exem ples tirés de Virgile & de Cicéron :

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» QUID FACIAT lætas fegetes, QUO SIDERE terram Vertere, Macenas, ulmifque adjungere vites

CONVENIAT: QUÆ CURA boum, QUI CULTUS habendus
SIT pecori, apibus quanta experientia parcis.
Hinc canere incipiam.

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Vos, o clariffima mundi Lumina, labentem calo QUE DUCITIS annum Liber, & alma Ceres; veftro fi munere tellus Chaoniam pingui glandem MUTAVIT arifiâ, Poculaque inventis Achelola MISCUIT uvis : Munera veftra cano. Tuque O CUI prima frementem FUDIT equum magno tellus percussa tridenti, Neptune & cultor nemorum CUI pinguia Cea Ter centum nivei TONDENT dumeta juvenci, s

Enumerare poffum QUE SIT in figuris animantium, & quam folers fubtilifque defcriptio partium, quamque admirabilis fabrica membrorum. Omnia enim QUÆ quidem intus inclufa SUNT ita nata, atque ita locata funt, UT nihil corum fupervacaneum SIT, nihil ad vitam retinendam non neceffarium.

Cujus quidem adminiftratio nihil HABET in fe QUOD reprehendi POTEST; ex iis enim naturis QUÆ ERANT, QUOD effici POTUIT op timum effectum eft: doceat ergo aliquis potuiffe melius fed nemo unquam docebit : & SI QUIS corrigere aliquid VOLET, aut deterius faciet, aut id, quod fieri non POTEST, defiderabit. <<<

Dans ces paffages, les verbes adjoints font écrits en lettres capitales; ils font au nombre de dix-fept, dans lefquels il ne s'en trouve pas moins de douze dans le mode indicatif : & l'on obfervera, da moins par rapport aux deux paffages de Cicéron, que le fens exprimé par l'indicatif adjoint ne differe pas, en plufieurs cas, de celui qui, dans d'autres endrois, eft rendu par le mode fubjonctif.

>> Ces obfervations plus particulieres, & le fait généralement connu, que dans notre langue (l'angloise) nous trouvons moyen de nous paffer de l'ufage d'un mode grammatical particulier pour marquer fimplement la circonftance d'un être adjoint, me paroiffent s'accorder parfaitement avec la raifon donnée des fens étendus & variés de ce mode qu'on appelle fubjonctif, & même confirmer pleinement ce qu'on en a dit, «

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