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préfentans d'une nation, s'accorde à détruire les intérêts & les droits du peuple. D'un autre côté, tous les décrets n'ayant de force qu'autant qu'ils feront revêtus, au moins tacitement, du confentement général, l'intérêt public né peut qu'être bien défendu contre toutes les difpofitions arbi traires.

Ainfi toute autre maniere de gouverner, oppofée à celle-ci, établit elle-même ce niveau déteftable, en ce qu'elle foumet les droits de tous les hommes à la volonté d'un feul ou d'un petit nombre; ce qui produit ce defpotifme, qui, fe créant une prérogative fans limites comme fans reftriction, devient le fléau de la pro priété.

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2e. Objection. Le gouvernement du peuple caule prefque toujours le trouble & la confufion, par le droit que chaque citoyen poffede de voter dans les affemblées folemnelles, & par celui qu'il a d'être choifi à son tour. Réponse. Il faut, dans un état libre, confidérer deux chofes 1. s'il eft bien conftitué, & fi étant folidement établi, tous fes membres font fuppofés favorifer cet établiffement; 2°. A cet état eft encore à fon berceau, au fortir d'une guerre civile, & fi les débris de l'ancien gouvernement fubfiftent; enfin, s'il fe trouve encore beaucoup de citoyens qui fe déclarent les ennemis de la conftitution naiffante.

En premier lieu, il eft inconteftable que tous les membres d'un état libre, fans diftinction, doivent avoir, dans la plus grande étendue poffible, le droit de choisir leurs repréfentans dans

les grandes affemblées, & celui d'être éligibles; l'étendue de ce droit doit être réglée suivant la nature, les circonftances & les befoins de la nation.

La feconde décifion de l'auteur eft tranchan. te, elle paroîtroit bien rigoureufe dans la pofition où nous fommes; mais la liberté n'eft pas indulgente, & fon régime eft févere. Il ne veut pas que lorfqu'un gouvernement s'éleve fur les débris d'un ancien gouvernement, la partie de la nation qui vient de fe foumettre à regret, ait le droit d'élire & d'être éligible, avec la même étendue que l'autre partie. » Il eft évident, ditil, que les ennemis de la liberté, qui, à la fin d'une guerre civile, ont été fubjugués, ne doivent point partager les droits du peuple. Cette faveur leur faciliteroit les moyens d'exciter de nouveaux troubles, & de perpétuer les divifions; ce feroit expofer au hafard la liberté des citoyens il eft donc de toute équité qu'ils foient privés du droit de cité.... Ceux qui ont com mencé la guerre pour affouvir l'ambition des tyrans, au préjudice des intérêts du peuple, ne doivent & ne peuvent être regardés comme faifant partie de ce peuple mais leurs vainqueurs devenus leurs fouverains, ont le droit de les traiter comme des efclaves, parce qu'ils fe font rendus coupables du crime de LEZE-MAJESTÉ DU PEUPLE, en combattant contre le peuple, dont ils devoient foutenir la caufe; & que loin d'affurer l'indépendance, la dignité & l'inviolabilité de fa puiffance & de fes prérogatives, au mépris de toutes ces confidérations, ils ont été

les affaffins du peuple. Ainfi ces ennemis de la liberté ont perdu tous leurs droits & tous leurs priviléges; & s'il arrivoit que par la fuite & par une grace particuliere, il leur' fût accordé quelque propriété, ou quelques jouiffances, ils ne doivent jamais les confiderer comme leur appartenant de droit, mais au contraire comme une faveur qu'ils obtiennent de la libéralité du penple qui leur pardonne «.

3e. Objection. Le maniement des affaires exige un jugement & une expérience qu'on ne peut attendre des nouveaux membres qui composent, à chaque élection, les grandes affemblées.

Réponse. Dans tout gouvernement en doit confi dérer deux chofes, les actes de l'état & les fecrets de l'état. Par les actes de l'état, on entend les loix & les décrets du pouvoir législatif; ces actes ont le plus d'influence fur le bonheur comme fur les maux de la république. Ces actes feuls peuvent fervir de remede contre les abus, les inconvéniens & les ufurpations qui l'affoibliffent ou la détruifent: or, les objets fur lefquels portent les abus qui oppriment le peuple, étant à la connoiffance de tous, qui mieux que le peuple fait quand & comment ils font infup portables?..... L'homme le plus nouveau dans les affaires eft toujours fuffisamment inftruit par les feules lumieres de la raifon, fur ce qui l'intéreffe en qualité de citoyen; ainfi le pouvoir, quand il réfide dans les affemblées fucceffives du peuple, ne peut jamais devenir dangereux.

Quant à ce qu'on appelle les fecrets de l'état, ou la partie exécutive da gouvernement,

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on obferve que ces affaires ne font point à la portée du commun des hommes; il eft néceffaire, pour les bien administrer de réunir à l'habileté une fageffe mûrie par le tems ou par l'expérience il peut donc être avantageux, par cette raison, de les laiffer dans les mêmes mains, fuivant la bonne ou la mauvaise administration de ceux à qui elles font confiées..... Dans le cas où ils fe permettroient d'en abufer, ces adminiftrateurs font toujours foumis à rendre compte de leur conduite dans les affemblées du peuple. Les dépofitaires de la confiance du peuple nê doivent être continués dans l'exercice de leurs fonctions qu'autant de tems qu'il devient néceffaire, foit pour la fûreté & l'avantage du peuple, foit pour mettre un terme aux maux dont il fe plaint; mais lorsqu'ils y ont pourvu, il importe à la république qu'ils rentrent bientôt dans le même état de dépendance où se trouve le reste du peuple, & qu'ils obéiffent aux loix émanées de leur fageffe, afin que leur foumiffion à ees mêmes loix en affure l'exécution.

4e. Objection. Dans tous les états libres, le public fe trouve fouvent exposé à de grands malheurs par les tumultes, les orages de la dif corde, & les divifions qui s'y élevent. - Réponse. Ces diffentions inteftines ne font pas inhérentes à la forme de ce gouvernement, & les principales caufes en font communes à toutes les au tres formes. Mais en admettant même que le peuple, lorsqu'il eft libre, ait un penchant naturel qui le porte à la fédition, comparez ces nmultes, quand ils arrivent, aux malheurs que

produit la tyrannie des rois, fecondée par le zele & l'activité des favoris, habiles à prendre les premiers accens de la liberté pour le cri de la révolte, & qui préferent un peuple avili hébêté & corrompu, aux nobles élans du citoyen; vous verrez, 1o. que les maux occafionnés par les tumultes populaires s'étendent fur un petit nombre de perfonnes déja coupables, tels que les trente tyrans à Athenes, les décemvirs à Rome, & tant d'autres, auxquels la fureur du peuple a fait porter avec févérité la jufte peine de leur trahifon : 2°. que ces tumultes ne font pas de longue durée ; mais que femblables à un accès violent, ils finiffent de même : 3°. que s'ils occafionnent la ruine de quelques particuliers, ils finiffent toujours par tourner an plus grand avantage des citoyens. C'eft à la fin de ces tumultes que le peuple de toutes les nations s'eft procuré les meilleures & les plus fagos loix. Oppofez à cela, fous le gouvernement des grands, les résultats de leurs confeils, de leurs volontés, de leurs projets, de leurs divifions. N'ont-ils pas toujours pour objet ou pour fuite l'oppreffion du peuple, les renversemens de fes droits, de fa propriété, de fa liberté ? L'hiftoire attefte que les tumultes & les diffentions n'ont jamais été que la fuite des rufes & de l'ambition de quelques grands, dont les intérêts étoient contraires à ceux du peuple, & qui confpiroient contre fa liberté.

5e. Objection. Sous le gouvernement du peuple, il y a peu de fûreté pour la claffe opulente des citoyens, par la liberté avec laquelle le pen

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