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& de la vertu ; que la Grece & Rome avoient des courtifannes dans les tems les plus célebres par les bonnes mœurs, mais que la galanterie fuppofe l'absence de tout héroïfine & de toute vertu, parce qu'elle ne fauroit exifter avec les paffions qui les produifent; parce qu'elle eft le réfultat d'une foule de petites paffions; parce qu'elle ne peut naître & s'étendre que par l'oifiveté, l'ennui & la frivolité; que chez un peuple où regne cette galanterie, la dépravation du fexe le plus fort fe communique au fexe le plus foible, & que la dépravation de celui-ci foutient, étend & fortifie celle de l'autre.

» La corruption (ajoute-t-il) commence par les hommes; mais les femmes, à l'inftant où > elles en deviennent les victimes, lui donnent > une force invincible. Elles la propagent par > leur exemple, par leurs confeils, par le ridi> cule, bien plus funefte encore, par leurs

gra

ces, par l'adreffe de leur efprit, par leurs lar> mes, par leur douleur, par leur crédit en fa> veur des hommes dignes de leur intérêt, par > l'empire qu'elles acquierent dans leurs familles, » & qu'elles étendent enfuite fur les loix & les > magiftrats. <<

>> Que deviennent les mœurs lorfque l'afyle de > l'innocence eft violé, lorsque le fanctuaire des > vertus conjugales eft fouillé par le vice? Quel » homme aura de la pudeur lorfque les femmes > ne rougiffent plus? Quel frein aura le peuple » lorsque ceux qui devroient lui fervir de mo> deles triomphent dans l'opprobre, &, par le

plus honteux égarement de l'opinion, enno

bliffent le vice & la dépravation morale? « >> Tel eft l'état où fe trouvent aujourd'hui la plupart des peuples de l'Europe. C'est ainsi que » la même cause qui rend les richeffes deftructives de leur félicité, c'eft-à-dire, l'excès de » l'opulence d'une part & l'excès de la mifere » de l'autre, fert encore à corrompre leurs

> mœurs. «

Si dans un état qui poffede des mines abondantes & une balance de commerce extrêmement avantageuse, les loix n'ont pas fu donner un écoulement convenable à la quantité fuperflue de numéraire qui s'y accumule quel fera l'effet de cet excès de richele fur le bonheur du peuple? La prospérité apparente & éphémere qu'elles lui auront procurée ne fe changera-t-elle pas bientôt en une véritable calamité? Lorfque l'aviliffement du numéraire aura fait croître fans mefure le prix des denrées & des ouvrages manufacturés, lorsque ne pouvant plus foutenir la concurrence de l'étranger ils ne pourront plus être ni tranfportés au-dehors, ni confommés au-dedans, que deviendra le citoyen au milieu de fes tréfors?

» Propriétaire, il ne pourra plus ( répond > M. Filangieri) cultiver fon domaine; fermier, > il ne trouvera plus à employer fes bras; ar» tifan, il ne pourra plus exercer fon art; né

gociant, il ne faura à qui confacrer fon acti> vité & ses spéculations; miférable & inoccupé

la richeffe publique ne fera qu'un mot pour lui, & il ne fentira que le poids de la pau> vreté individuelle. Il renoncera au travail > > parce qu'il ne faura pour qui travailler; & lorf » que cet excès de richeffes aura disparu, il con

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tinuera de détefter le travail, par l'habitude » d'inaction qu'il aura contractée. L'oifiveté ren> dra plus terrible encore l'influence de l'ennui, » de la frivolité, de la vanité, de la galanterie. > Le goût de l'inaction perpétuera la mifere; » la mifere diminuera le nombre des mariages, » & étendra l'efprit de débauche. «

» De quelque maniere que noùs dirigions nos > observations, nous trouverons toujours que » les caufes qui peuvent rendre les richeffes d'un » peuple, deftructives de fa félicité, font les > mêmes que celles qui corrompent fes mœurs. «

Mais l'auteur fait voir que ces caufes n'exifteroient point chez un peuple où le systême légiflatif qui eft l'objet de fon ouvrage, feroit adopté ; que les richeffes d'un tel peuple, créées & réparties par les moyens qu'il a propofés, ajouteroient à fon bonheur &, par ce bonheur, à les vertus.

En traitant de l'influence de l'inftruction publique fur la vertu & le bonheur du peuple, il obferve que l'ignorance eft la fource de l'imperfection des loix, & que leur imperfection eft la fource des vices du peuple ; que l'erreur corrompt l'opinion, la plus invincible de toutes les puiffances humaines; que l'ignorance cache le bien & le mal; que l'erreur obfcurcit toutes les notions de l'un & de l'autre; que la premiere rend le peuple infenfible au bien qu'on veut lui faire; que, par la feconde il lui devieut odieux, que l'une & l'autre empêchent le bien & perpétuent le mal.

» Dans une fociété naiffante, le peuple (dit> il) peut être vertueux & ignorant. Il n'eft pas > difficile de faire pour lui des loix qui lui con.

> viennent, & de les lui faire adopter. L'évi» dence les crée; la fuperftition les fanctifie.

Mais lorsqu'on eft parvenu à ce période de > l'état civil où les rapports fe multiplient à l'in>> fini, où une profonde & difficile étude de ces >> rapports peut feule créer les bonnes loix, où » la connoiffance générale de ces rapports bien combinés peut feule les faire adopter, dans un tel état de fociété la vertu ne peut exifter fans > l'inftruction publique.

» Un peuple vertueux ne peut donc confer>ver fa vertu fans acquérir des lumieres. Un > peuple corrompu ne peut devenir vertueux » qu'en fubftituant l'inftruction à l'ignorance, > la vérité à l'erreur. «

» Le méchant, dit Hobbes, est un enfant re» bufte. Le méchant n'a que les forces du corps, > dont la nature a fagement privé l'enfance afin

de la préferver des maux qui maiffent de ces forces lorfqu'elles ne font pas unies à celles » de l'efprit & dirigées par elles. Chez un peu»ple naiffant, la force phyfique de la fociété eft > proportionnée à fa force morale. Comme l'une >> eft très-foible, il n'eft pas néceffaire que l'au>tre ait une grande énergie pour pouvoir la di

riger. Mais fi, dans le progrès du tems, les > forces phyfiques de la maturité ne font point réglées par les forces morales de cet âge, le peuple > deviendra, comme le méchant dont parle Hob› bes, un enfant robufte qui, privé d'expérien> ce, de prévoyance, de jugement, uniquement

guidé par les défirs & les caprices de l'enfance, > convertira en inftrument d'infortune, de dou

leur & de mort, ces mêmes forces dont l'emploi déterminé par la raifon eût été pour lui », une force inépaifable de bonheur. Un peuple ignorant peut donc jouir d'une forte de prof» périté tant qu'il refte dans l'enfance; mais il > ne peut la conferver dans fon état de matu> rité, ou la recouvrer après l'avoir perdue, > fans les connoiffances & les lumieres que ré>pand l'inftruction publique. «

Telle eft la véritable influence de l'inftruction publique fur la vertu & le bonheur des » peuples; tel eft le lien qui les unit & affure » leur influence réciproque. <<

Ces deux volumes contiennent beaucoup de remarques & de vues qui nous paroiffent mériter au plus haut degré l'attention des légif lateurs.

(Journal encyclopédique; Affiches, annonces & avis divers.)

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