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furde qu'on avoit voulu établir entre les intérêts & les maximes du facerdoce & de l'empire, elle a dirigé vers le même but les ex> hortations du prêtre & les décrets du légiflateur, les préceptes du croyant & les devoirs du citoyen. «

» L'autre partie de la légiflation, relative » la propriété, fubftituant la clarté, l'uniformité & la précifion à l'incertitude, à la con> fufion, aux contradictions des loix qui com→ posent aujourd'hui cette partie du droit, a fubftitué des fentimens de fécurité, de concorde, de paix, à l'efprit de haine & de diffention qui aujourd'hui tourmente & fépare → les citoyens. <<

» Les loix relatives à la puiffance paternelle » & au hon ordre des familles, auront porté > dans les mœurs domeftiques ces fentimens de > bienveillance & d'attachement fi néceffaires an > bonheur de tous les jours & de tous les inftans. «

» La fageffe des loix, combinée avec la for> me du gouvernement, aura déterminé avec rang d'exactitude les divifions des pouvoirs & l'exercice de l'autorité, que nul individu n'aura → perdu, par la nature de fa condition, la pof» fibilité d'y participer. L'amour du pouvoir sera

conftamment uni à l'amour de la patrie, & le premier fentiment fervira toujours à fortifier & maintenir le fecond. <

> Enfin la fageffe du gouvernement ajoutane un nouveau degré de force à celle des loix > en maintiendra l'efprit, & préviendra cette op❤ pofition que nous voyons chez tant de peu

→ plas

ples entre la légiflation & l'adminiftration. «

Dans la fuppofition que nous avons faite, » & que nous avons droit de faire, puifqu'elle » n'eft autre chofe que l'exécution du fyftême > législatif que nous avons propofé, on voit ai> fément que l'amour de la patrie naîtroit de >> toutes parts chez un tel peuple, & y acquer, roit un très-grand degré d'énergie. «

Examinons avec M. Filangieri par quelles caufes les richeffes peuvent empêcher ou détruire le bonheur d'un peuple.

>> Si un peuple pauvre & vertueux (dit-il) » fubjugue un peuple riche; fi l'armée victo»rieufe emmene dans fa patrie, avec les pri

fonniers, les tréfors immenfes dont elle les a » dépouillés; fi les preftations & les tributs aux» quels elle les fouinet, prolongent & affurent » les avantages de la victoire; ce paffage ra» pide de la pauvreté aux richeffes fera-t-il le >> bonheur de ce peuple, on ne le privera-t-il > pas plutôt de celui dont il jouiffoit? Ces richeffes, qui ne font pas le produit des travaux de l'agriculture, de l'induftrie de l'arti> fan, des fpéculations du négociant, mais de la violence & de la rufe, quels effets pro» duiront-elles für le peuple qui s'en voit le » poffeffeur? La haine du travail; le goût de » l'inaction; la vaine recherche de tous ces plaifirs factices, qui ne peuvent compofer le banheur, lorfqu'ils ne font pas préparés par le > travail; l'ennui, ennemi de toute félicité com

me de toute vertu; les cabales, les intrigues, » & tous ces défordres devenus néceffaires à une Tome XII.

B

> ame oifive pour lui faire éprouver le fenti>ment de fon exiftence. L'efprit militaire & > les inftitutions anciennes pourront réfifter quel

que tems à la funefte action de ces forces > deftructives; mais ils feront à la fin obligés » de fuccomber. Telle fut la fituation de Rome & de plufieurs autres peuples de l'antiquité. « > Si, par des moyens moins violens, un état >> acquiert des richesses, mais que, par les erreurs des loix & les vices du gouvernement, > ces richeffes fe concentrent dans un petit » nombre de mains, cette inégalité de répar

tition fera-t-elle favorable ou contraire au bon>> heur du peuple? La pauvreté, qu'on peut » fouffrir dans l'état d'égalité, ne deviendra-t> elle pas infupportable à l'aspect de l'opulence? » Les privations, indifférentes en elles-mêmes >> lorsqu'on ne connoît pas les jouiffances, ne > deviendront-elles pas de vrais fupplices, lorf» que ces jouiffances feront connues? L'humi

liation fe joignant à la mifere n'en rendra-telle pas le fentiment plus douloureux ? La » fubfiftance ne deviendra-t-elle pas plus difficile dans un état où la multitude fera pauvre, >> & où un petit nombre fera comblé de biens, que chez un peuple où tout le monde eft dans » le même état de pauvreté ? La liberté civile, qu'on ne peut affoiblir fans détruire la félicité fociale, pourra-t-elle conferver toute fon énergie entre l'excès de l'opulence & l'excès de la mifere ? <

» Si le bonheur d'une multitude pauvre eft diminué & détruit chez ce peuple, le petit

> nombre des riches en fera-t-il plus heureux ? > Objet éternel de la haine & de l'envie, leur > fituation leur offrira-t-elle une félicité plus › réelle ? L'inaction & l'ennui ne viendront-ils

pas fans ceffe empoifonner leurs plaifirs, déja > fi affoiblis par l'exceffive facilité de la jouif

fance? La difproportion entre les befoins & > les moyens de les fatisfaire n'eft-elle pas tou

jours contraire au bonheur? Après avoir joui » & abufé de tous les plaifirs, n'arriveront-ils > pas à ce point où les extrêmes fe touchent, » & où commence la douleur? Leur reftera-t> il autre chofe que l'absence de toutes les paf» fions? La vaine & fatigante recherche de défirs > nouveaux ne fera-t-elle pas auffi douloureuse » pour eux, que le fera pour la multitude l'i> nutile recherche des moyens de fatisfaire fes

befoins? L'activité de l'ame, qui accompagne d'ordinaire la médiocrité de la fortune, & y > attache un fentiment fi doux, n'eft-elle pas également éloignée de l'excès de la mifere » & de l'excès de l'opulence? «

Après avoir confidéré l'influence qu'a cette efpece de richeffe fur le bonheur du peuple, M. Filangieri examine celle qu'elle a fur fes mœurs; il voit que la même cause qui la fend deftructive du bonheur, en fait auffi une fource de corruption. Lorfque les richeffes ( dit-il ) ten> dent néceffairement à fe concentrer dans un > petit nombre de mains, pourquoi prendroit-on la peine de les acquérir par le travail? La » baffeffe, l'intrigue, la fourberie, ne feront > elles pas l'unique moyen de paffer de la mifere B &

» à la richeffe, de la dépreffion à la tyrannie? » Dans un tel état de chofes, le pauvre qui veut > devenir riche ne doit-il pas parcourir tous les > degrés de l'abjection, c'est-à-dire, tous les degrés des vices qu'elle fuppofe? La cupidité, qui peut me, pas être la paffion dominante d'an » peuple riche, lorfque les richeffes y font bien > diftribuées, pourra-t-elle ne pas l'être chez » un peuple où elles font fi mal réparties? L'homme qui a les moyens de pourvoir fuffifamment à fes befoins par un ufage modéré de fes forces, est-il difpofé à cette paffion comme ce» lui qui languit dans l'indigence? Si, chez un » peuple où les richeffes font bien diftribuées,

les diftinctions qu'elles produifent font en petit » nombre, & fi elles font très-nombreuses chez » le peuple où elles font mal réparties, dans > lequel des deux feront-elles le plus défirées, le

plus ambitionnées ? Si l'un de ces peuples peut > être dominé par des paffions grandes & no»bles, comme nous l'avons prouvé, en sera

t-il ainfi de l'autre? La vanité ne régnera telle pas dans le petit nombre des riches, com> me la cupidité dans le grand nombre des pau» vres? L'ennui qui mene à la frivolité ne conduira-t-il pas auf à la vanité, qui en eft une » fuite inévitable, & ces trois forces combinées, > outre les vertus qu'elles empêchent, outre les >vices qu'elles produifent, n'ameneront-elles pas » la galanterie, pour terminer cette œuvre de corruption générale? «

L'auteur obferve ici que la débauche publique pout exifter dans un état au milieu de l'héroïfme

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