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entre Calais & Paris. Nous avons, à la vérité une relation d'un ancien mefurage, donné par feu M. Caffini de Thury, dans son livre intitulé La Méridienne vérifiée. Mais chaque page de cet écrit met en évidence, que ni les inftrumens dont on s'eft fervi, ni les mains qui les ont maniés, n'étoient pas de nature à garantir le même fuccès qui vient de couronner les efforts de leurs rivaux.

(Monthly review; Critical review.)

PAUL & VIRGINIE, comédie en trois actes en profe mêlée d'ariettes. A Paris, chez les li braires qui vendent des nouveautés.

PLUSIEURS

LUSIEURS circonflances attachent à ce drame, qui jouit encore de fon fuccès. D'abord il rappelle à l'efprit l'ouvrage charmant de M. Saint Pierre, lequel, du côté de la phyfique, a fouffert des contradictions non encore jugées parce que c'eft le procès d'un particulier contre des corps puiffans, mais qui, à l'envisager du côté de l'imagination, des graces, du fentiment, des mœurs & du ftyle, eft une des plus précieufes productions de notre fiecle.

Le drame de Paul & Virginie, tiré du der nier volume de cet ouvrage, en eft le tableau le plus piquant; & quoique l'auteur de la piece ait été obligé, pour l'adapter au théatre, d'en changer la catastrophe trop déchirante, il a fi GS

fidélement confervé les caracteres, les paffions & les mœurs du tableau original, qu'on pourroit la croire en entier de M. Saint-Pierre. Nous allons en donner une efquiffe.

Le théatre repréfente une partie fauvage de l'Ile-de-France. Le fite offre une perfpective impofante & pittorefque: plufieurs bananiers font épars çà & là; un dattier couvert de fruits eft au milieu du théatre. A la fin de l'ouverture, on entend le bruit de la pluie; & au moment où la toile fe leve, Paul & Virginie paroiffent fous le dattier, ayant fur leurs têtes, pour les garantir de la pluie, le jupon de Virginie.

Paul, fortant fa tête de deffous le jupon, dit: » Bah! le nuage eft paffé, il ne pleut plus. >> Toujours des orages, s'écrie Virginie! << Paul la raffure, étudie l'horizon, & l'appelle pour lui faire voir l'arc-en-ciel, ce phénomene qui, felon ce que lui a dit le pafteur, ne lui laiffe plus rien à redouter. Il lui demande, puifqu'ils font plus tranquilles, de lui chanter la petite chanfonnette que Domingue, leur noir, lui a apprife, & Virginie y confent. La voici : elle donnera une idée de l'aimable coloris du drame: c'est encore un des avantages qu'il a fur les écrits de ce genre il attache fouvent par la pensée, il plaît par la maniere dont il la développe on ne peut pas imiter mieux, en le portant au fentiment, le jargon negre.

Ma Zoé, fi quiter cafe,
Adieu tout bonheur à meis
Ami refter en extafe,

Rien feul qu'à penser à toi,

Le jour pour moi fans lumiere;
Le bouquet n'a plus d'odeur;
La nuit, fommeil fuit paupiere;
Caufer moi qu'avec mon coeur.

Quand toi revenir de ville,
Chanter ainfi qu'un oiseau ;
Coeur alors bien plus tranquille;
il plus ne fe fondre en eau.
Prends un bailer fous l'ombrage.
Toi me dis, ivre d'amour,
Que jour plus beau du voyage
Ah! c'est le jour du retour.

Ces deux charmans enfans s'entretiennent für leur fituation. Virginie, plus craintive, tremble de ne pouvoir plus retrouver le chemin qui doit les ramener auprès de leurs meres, fans doute bien inquietes. Paul ne fe croit pas fi éloigné de la maison; il s'oriente. Tiens, dit-il, quand nous fommes partis, les nuages alloient comme ça, nous allions à rebours; à préfent nous n'avons qu'à les fuivre, & nous nous trouverons à notre habitation; ça n'eft pas plus fin que ça. «

Tandis qu'ils font à raisonner, à s'attendrir fur le compte de leurs meres & fur les charmes de leur habitation, dont Paul eft le régiffeur, & dans l'enclos de laquelle il y a deux cantons, dont l'un s'appelle la Bretagne, & l'autre la Normandie, parce que ce font les noms des deux provinces qui ont donné le jour aux vertueufes meres, Virginie pouffe un cri en difant: Ah! que vois-je ? ce noir qui vient à nous : ah! j'ai peur, & Paul lui répond: Avec moi? fi donc. C'eft en effet un negre qui fe traîne, parce qu'il ne peut le fonts

nir fur fes pieds langlans. Le malheureux vient d'être vendu à un François qui le deftine à le fuivre dans fon pays : le negre a des petits enfans dans la cafe; il ne veut pas les quitter, mais fe cacher. Paul lui fait une petite cabane ; Virginie va lui chercher de l'eau pour le défalté rer. Il y a dans cette fcene quelques chants, & ils intéreffent comme les premiers.

Le pauvre negre revit un peu par les foins qu'en prennent Paul & Virginie; mais il fe croit perdu lorfqu'il voit fon maître s'approcher avec d'autres negrès auxquels il commande de le faifir & de l'enchaîner. Ce maître a l'air redoutable; il eft dans le coftume d'un colon, un bâton à la main. Paul implore fa clémence pour le negre, & il s'accufe de l'avoir retenu; Virginie lui reproche fon menfonge, & il lui répond: Oui, je ments, mais je le fauve.

Le maître du negre fait entendre à Paul qu'il faut qu'il tienne fon marché avec M. de la Bourdonnais, gouverneur de l'ifle; & fur ce que le negre obferve qu'il n'a fui que parce qu'on alloit le féparer de fes enfans, Virginie preffe l'habitant de pardonner à son esclave. En effet, il lui pardonne, en l'affurant que le gouverneur auquel il appartient ne tardera point à le ramener dans L'habitation, & qu'il y retrouvera fes enfans. Paul & Virginie font leurs adieux à l'efclave, qui leur témoigne la plus vive reconnoiffance en les quittant. Le maître du negre femble avoir pris un vif intérêt pour les deux jeunes gens, qu'il croit être les deux créoles dont on dit tant de bien dans le pays.

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Après cette fcene, Virginie dir à Paul: N'aije pas bien parlé à ce Monfieur ?-Oh! lui répond Paul, ce font tes yeux qui ont tout fait... Comme il te regardoit!... Enfuite on penfe à se remettre en route, fi pourtant je puis encore marcher dit Virginie. Paul parle de manger, il a faim; mais on fe fouvient qu'on a donné tout le reste de la provifion au pauvre negre. Comment fe reprocher le bon ufage qu'on a fait de fes dernieres reffources? On voit un dattier qui offre des fruits ils font un peu hauts; mais aucune difficulté n'arrête Paul, fur-tout quand il a la promeffe d'un baifer qu'on lui difpute encore après l'avoir mérité, & qu'il faut toujours ravir.

On veut enfin se remettre en route. Virginie reconnoît bien un petit ruiffeau qu'elle a paffé à fec, mais que les pluies ont groffi confidérablement. Paul propofe de la porter; on n'accepte point; on lui reproche de vouloir toujours faire. des voyages, & Paul fait figne à Virginie d'écouter comme lui. Les voilà tous deux les oreilles en l'air, & Virginie dit qu'elle entend la voix de Fidele, le chien de leur cafe, lorfque toutà-coup Paul s'écrie: Saur, voilà Domingue. Il paroît en effet de l'autre côté du ruiffeau ; il vent le traverser fur les pointes de rocher qui s'élevent au-deffus de l'eau; Virginie tremble à chaque pas qu'il hafarde; mais il arrive, il eft près d'eux; il leur raconte les alarmes de leurs meres, toutes les peines qu'il a prifes pour s'affurer de la route qu'il devoit suivre afin de les rencontrer. Dans les incertitudes où il étoit, il a imaginé de prendre quelques-uns de leurs vêteniens, de les

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