jarretiere. Il affecte d'avoir tonjours à fa table quelques pieces de vaiffelle finguliérement antiques, dont il fait l'apologie à la compagnie, excufant leur peu d'élégance, en faveur de ce qu'elles ont fervi autrefois à fon aïeul. Si c'eft à la campagne, même hiftoire : il ne vous laiffera pas finir les complimens d'ufage, à vo tre arrivée, avant de vous conduire à la peinture d'un homme armé de pied en cap, monté fur un courfier fougueux qui fait le principal or nement de la grande falle; » ce portrait, dirat-il d'un air d'importance, a été peint par le célebre chevalier Godefroid Kneller: auffi eftil d'une reffemblance parfaite. « Vous ne ferez pas une demi-heure chez lui, fans être déja informé que c'eft cet aïeul qui a fait embellir cette piece, que c'eft par lui que les écuries furent rebâties, le colombier déplacé, les bofquets plantés, & que c'eft encore le même important perfonnage, qui fit ajouter trois cloches au carillon du village. Enfin il pareit par tous les difcours qu'il vous, tient, qu'il défire de vous perfuader, qu'il n'a jamais eu de pere. Mais le vrai est, que le grand pere avoit, par fes extravagances, engagé fes biens de telle maniere que fon fils fut forcé, pour fubfifter, d'embraffer une profeffion, qu'il a fuivie cependant avec tant d'industrie & de fuccès qu'il s'eft mis en état de libérer nonfeulement fon patrimoine, mais même de le laiffer confidérablement augmenté au propriétaire actuel que vous venez de voir. Auffi vous avouerez que cet homme ne manque pas de bonnes raisons, pour rougir de l'existence roturiere de fon pere,

On trouve à la pape 107 du troifiemė voluine un caractere fentimental, caractere fi fort à la mode aujourd'hui entre nos belles dames, qui aiment à fe piquer de fenfibilité & de délicateffe d'ame.

> Que la vivacité du tempérament de cette belle perfonne que nous venons de voir, dit le comte, contrafte bien avec le maintien & l'habit de deuil de la dame qui eft dans la place voifine elle pourroit réellement fervir de modele à l'artifte qui auroit à peindre la figure de la mélancolie. A la vérité, je ne la vois pas répan dre des larmes; mais elle paroît accablée d'une trifteffe fi profonde, qu'elle refte infenfible aux attentions charmantes de fon compagnon, qui fait tous les efforis pour l'amufer par la plus agréable mufique que j'aie jamais entendue. Une jenne épouse, qui vient de perdre un mari qu'elle aimoit tendrement, me paroît, an moins pendant les premieres femaines de deuil, un objet de vraie compaffion. Je ne peux que faire compliment à votre excellence, dit Afmodée, fur votre réflexion un peu mordante. Quoi qu'il en foit, cette lady eft une vierge fage, & fon yeuvage, car c'eft ainfi qu'elle confidere fa fitua tion préfente, n'eft qu'une fantaisie de fentiment. C'eft une dame très-aimable & très-accomplie : elle eft destinée à être l'époufe d'un homme d'une fortune confidérable, mais d'un génie curieux, qui, avant la noce, a cru devoir faire un voyage autour du monde pour faire des découvertes tant en navigation qu'en hiftoire naturelle. Il est parti depuis près de deux ans, fans

que jufqu'à préfent on ait entendu parler du vaiffeau fur lequel il fait voile ; de forte que généralement on le croit mort, victime de fa curiofité. En conféquence de cette opinion générale, elle a pris d'elle-même, comme vous voyez, le plus grand deuil, & pleure, comme le feroit une veuve, la perte de fon amant qu'elle regarde comme enfeveli dans quelque mer de l'autre hémisphere. Et, à dire vrai, il feroit plus heureux pour elle que le deftin en eût ainfi difpofé. Dans ce cas, elle auroit prolongé de tendres regrets, fondés fur le fentiment flatteur d'une affection réciproque, au lieu qu'elle fera bientôt condamnée à pleurer dans l'amertume d'une mortification peu méritée, car il fera de retour dans quelques femaines, fain & fauf; mais oubliant fes engagemens, il adreffera d'abord fes vœux à une autre lady.

Le portrait de ces vains oifeux qui ne cherchent qu'à promener leur exiftence inutile & leur parure recherchée dans les places publiques, ap= partient à tous les pays.

Ce jeune homme, dit Afmodée, en habit bleu & vefte de buffle, eft un jeune tailleur à qui l'on doit accorder quelque mérite car fes habits font de fa façon. La perfonne qui suit, en habit de même couleur avec collet jaune, eft un cordonnier qui, par ordre, étrenne une paire de bottes neuves, faites pour un des chalands de fon pere. Celui qu'il falue en paffant fuit une branche du même commerce, avec cette différence, à la vérité, que l'un chauffe les hommes & l'autre les chevaux. Celui qui vient après

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eft un petit mercier, & le fuivant un filou. Le fier-à-bras, qui regarde comme s'il vouloit terraffer tous ceux qu'il rencontre, eft une forte de compagnon dangereux, & qui fait, par l'ufage, très bien manier une arme très-puiffante, car il eft journalier chez un droguifle, & il emploie la meilleure partie de la journée dans l'exercice du pilon & du mortier. Cette figure galante qui fe préfente à deux dames, eft un jeune chirurgien qui fort de l'hôpital, & offre dans ce moment fes fervices pour les guérir d'un mal 'dont il a été jufqu'ici incapable de fe guérir luimême. — Cette haute maigre figure d'homme qui eft affez âgé pour être le grand-pere de tous ceux qui l'entourent, eft un baron allemand qui eft par état pourvoyeur complaifant, dont l'occupation actuelle eft de fervir aux plaifirs d'un vieux lord débauché. L'homme que vous voyez en capotte & en bottes crottées, le fouet en main, eft le fils d'un confiturier, qui ne monte pas à cheval une demi-douzaine de' fois par an : mais il s'eft fali les bottes à deffein dans une ruelle par où il a paffé, afin de faire croire à quelques femmes de fa connoiffance, qu'il rencontrera ici ce foir, qu'il a chaffé ce matin avec le roi, dans le bois voifin de Windfor. La perfonne bien habillée qui entre immédiatement après lui, & dont les bas de foie blancs & les fouliers reluifans n'ont pas la moindre fouillure, a en effet fait beaucoup de chemin dans ce peu d'heures, car cet après midi il a commis un vol fur le grand chemin, à dix milles environ de la capitale, & n'a échappé à la prife que

par la promptitude & la diligence de l'animat fur leruel il étoit monté. «

( Analytical review.)

COUP-D'ŒIL fur les quatre concours qui ont eu lieu à l'académie des fciences, belles-lettres & arts de Lyon, pour le prix offert par M. l'abbé RAYNAL, fur la découverte de l'Amérique, in-8vo. A Lyon, aux frais de l'académie, & fe trouve chez Bruyset, fils aîné; à Paris, chez Gattey, 1791.

TANT

ANT qu'il y a eu (felon un avertiffement) quelque efpoir d'adjuger le prix, les commissaires chargés de rendre compte à l'académie des ouvrages envoyés au concours, fe font bornés à en faire l'analyfe, & n'ont pas voulu y joindre leurs idées ou leurs vues, pour ne rien préjuger, & ne pas gêner les concurrens, en leur indiquant une route qui pouvoit n'être pas la meilleure.

Cet inconvénient (ajoute-t-on) n'étant plus à craindre, dès qu'il n'y a plus de concours onvert, l'académie croit devoir publier cet examen, lu à la féance publique du 20 avril 1790, comme une preuve de l'attention qu'elle a donnée au grand problême dont elle n'a pu couronner la folution.

Les commiffaires de l'académie & M. Ì'abbé Raynal avoient posé la queftion en ces termes :

La