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Jaloux original, à qui tout fait ombrage.
Par notre belle veuve il se prétend trahi,
Et, fur ce faux foupçon, l'on dit qu'il s'eft enfui;
Et tandis que l'amant promene par le monde ;
Depuis trois mois entiers, fa douleur vagabonde,
L'amante court les champs, voyage par dépit,
Et des fautes d'autrui fon humeur me punit.

Valfain demande à Lifette fi elle croit que F'amant fugitif ait tort.`

Pour cela, je le crois très-fort (répond la fuivante) ): Car enfin elle l'aime.

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Elle l'aime, s'écrie Valfain! Lisette continue:

Quand je dis qu'elle l'aime... elle l'aimoit jadis ; Mais à préfent... Oh non', c'eft autre chofe, & même Je crois qu'elle pourra, de retour à Paris. ... Prendre un parti prudent, & que je lui confeille... Difpofer de fon cœur pour un autre.....

De ce perfifflage, que l'auteur alonge autant qu'il le peut, il réfulte que Valfain eft reconnu que Lifette & Gaillardin le grondent de ne pas aller aux éclairciffemens: car enfin, dit l'aubergifte,

.. quand on aime, on parle à la perfonne.

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Lifette pouffe encore plus loin le reproche; & Valfain eft forcé de convenir qu'ils ont raifen. I imagine d'abord de lui faire entendre un air qu'elle aime & qui lui convient, avant de fe préfenter, & il chante l'air fi connu, Il faut quand on aime une fois, &c. Après cet air & un autre, Franchette vient dire à la foubrette que fa maîtreffe l'appelle, & Lifette alors engage

Vallain à la fuivre. Gaillardin, refté avec Fanchette, termine ce premier acte.

Au fécond, après une fcene de Gentil & une de ce dernier avec Fanchette, dans laquelle il eft queftion du ridicule amour de Gentil pour la fille de Gaillardin, Mondor & Elife fortent de l'auberge pour refpirer l'air du dehors, tous les deux triftes & ne s'occupant que de leurs plaintes éternelles, l'un fur les travers de fon fils, & Elife fur fes procès, fe parlant peu, mais ne s'adreffant la parole que pour trouver mauvais que l'un croie pouvoir mettre fes peines au

deffus de celles de l'autre.

Mais franchement, Monfieur, (dit Elife) je ne vous conçois pas :

Vouloir abfolument me vaincre en infortune?

MONDOR (fe fachant auffi ).

Mais vouloir avec moi faire caufe commune,
Et qu'en fait de malheur on vous cede le pas, &c.

Gentil fe joint à cette bizarre querelle, & conclut qu'ils ont tous trois raifon; après quoi il rentre dans l'auberge, d'où fortent Léonore Valfain, Gaillardin, fa fille & Lifette. Bouderie de Léonore & de Valfain, qui tous deux ne veulent fe céder en rien, & dont aucun ne veut convenir du plus petit tort. Arrive le pere Laurent, le confolateur que l'aubergifte a annoncé & promis à tout le monde. Ce philofophe de la montagne développe lui-même fon caractere par le couplet fuivant :

Déja l'aftre de la lumiere

A fait la moitié de fon tour.

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Tout le village accourt pour jouir de fa préfence & des confolations que doit répandre fa philofophie-pratique. De la philofophie à des payfans, à des enfans, à quelques malheureux imaginaires ! Il nous femble qu'il y a un peu de fafte dans l'annonce de cette médecine de village. Quoi qu'il en foit, voici comment, dans un fextuor de M. Chardini, cette annonce eft conçue.

Viens, aimable philofophie;

Par fa voix (*), parle à notre cœur.
Viens, heureux charme de la vie,

Calmer (bis) notre jufte douleur (bis ).

Le pere Laurent trouve fon auditoire un peu nombreux. Gaillardin lui préfente les principaux de ces plaignans.

Eh! qu'on fe plaigne ou non, (dit le pere Laurent ) Le tout eft de favoir

S'il eft un vrai fujet de jufte désespoir.

Elife veut bien qu'on l'examine : elle est fåre (dit-elle) d'être la plus à plaindre. Elle étoit riche autrefois le pere Laurent dit auffi qu'il l'étoit, & qu'il n'a rien aujourd'hui. On le fé

:

(*) Celle du pere Laurent.

licite de fa fanté, & il répond que la maladie vingt fois fur fes membres fouffrans exerça fes rigueurs; que ce n'eft pas vraiment la faute des docteurs, s'il eft encore en vie; que, victime du fort pendant 40 ans, trahi par les amis & fa famille, il a trouvé par-tout des cœurs faux & méchans. Tous s'écrient: Eh bien! voilà mon hiftoire.

C'eft fur ce refrain, toujours répété par tour le monde à chaque tableau que le pere Laurent préfente de fes infortunes, que l'auteur a bâti La comédie, & qu'il a cru ne pouvoir lui donmer d'autre titre que celui de l'histoire univerfelle.

Le philofophe de la montagne fait plus il prend en particulier chaque plaignant, & prenonce fur chacun d'eux l'oracle qu'on va voir, & qui les ramene à la raison.

La plaidenfe Elife lui dit :

Des procès ruineux, hélas! m'ont appauvrie.
Pour avoir de mon bien la vingtieme partie,
C'est pour mon bien, Monkeur, qu'il m'a fallu rifques.
A quoi le confolateur répond:

Un procès, Madame, eft un jeu,
Même aux gaguans toujours funefte.
De la fortune on cede un peu
Pour favoir conferver le refe.
Moi, j'ai plaidé, même avec gain,
A tous mes procès je mis fia,

De peur d'en gagner davantage (bis).

Il paffe enfuite à Mondor, ce pere que le libertinage de fon fils afflige, & la leçon qu'il lui donne eft de s'y prendre autrement qu'il ne

fait avec ce fils, que trop de contrainte & de févérité ne peut ramener dans la bonne voię. A l'égard de Valfain & de Léonore, comme il n'eft queftion entr'eux que de bouderies, de ca prices & de fantaisies, & que, felon toute apparence, il refte entr'eux un fonds d'inclination &, fi l'on veut, d'amour, il n'eft pas dificile au pere Laurent de faire tarir la fource de leurs plaintes, en obtenant d'eux de ne pas contrarier fans ceffe eux-mêmes le bonheur dont ils peuvent jouir c'est ce que fait notre philofophe, en leur difant qu'

Un couple qui fe boude eft un couple qui s'aime.

Les jeux d'enfans par lefquels l'action de la piece avoit commencé, la terminent avec un vaudeville qui a pour refrain: l'hiftoire univerfelle.

Nous ne favons fi, daprès l'apperçu que nous venons de donner de l'ouvrage, nos lecteurs peuvent s'en faire une idée bien mette; mais nous convenons qu'après plus d'une lecture nous nous fomines trouvés dans l'embarras d'en concevoir hien & le plan & les vues. De petites perceptions métaphyfiques font fort étrangeres au genre de l'opéra-comique, & il nous femble que le talent de l'auteur demande des fujets plus natuFels, plus propres à la plaifanterie & à la gaicté.

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