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vent de l'efprit & des graces dans tout ce qu'elles font. Ceux au contraire qui font revenus des folies de la jeuneffe, les trou-vent plattes & ridicules. Il faut attendre qu'une femme ceffe d'être jolie pour pouvoir juger fainement de fon mérite & de fes

talens.

Il y a toujours à perdre à faire fon amant de fon mari; mais il y a beaucoup gagner à faire fon ami de fon amant. Il eft inutile d'époufer fon ami, & l'on fait mieux de ne pas époufer fon amant.

LES CHAGRINS. Cette corde eft tou jours tendue, & répond à l'uniffon au plus léger ébranlement; notre pinceau, notre plume, notre langage, nos geftes, & jufqu'au fon de notre voix, tout devient éloquent quand il s'agit de peindre le malheur. C'est notre langue naturelle & nous la parlons en maîtres. Nous ne Jommes encore qu'à l'A, B, C, de celle du bonheur. On fait des tableaux du Té nare: on ne fait que des efquiffes de: Elifée.

Un des plus grands bonheurs des gens en place, c'est qu'ils n'ont pas le tems d'appuyer fur leurs chagrins. Sans cet avantage, ils feroient les plus malheureux des hommes.

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DIVERS SUJETS. L'honneur n'eft ** que le fimulacre de la vertu. Ceux qui font bien nés n'en ont pas befoin. Ils trouvent dans leur cœur le principe de : toutes leurs actions: (Il falloit ajouter, & dans leur raifon.) Les partis extrêmes font les plus faciles à prendre, & les plus difficiles à foutenir.

Le travail eft le fpécifique univerfel pour tous les maux auxquels notre ame eft nécessairement affujettie, la crainte, le chagrin, Pennui. Le plaifir nous diftrait, mais ne nous guerit pas.

L'homme d'efprit eft ferme; lefot n'eft qu'entété.

Il eft rare que les autres faffent cas de nous ou nous méprifent, pour les mêmes qualités que nous nous croyons, les défauts que nous nous reprochons. Le jugement du public fur les vertus & les vices des hommes, porte prefque toujours à faux. On peut gager à coup fur, que fi chacun fe montroit tel qu'il eft, on fe diroit reciproquement (peut-être des amis de vingt ans) je ne vous ai jamais s vu; je ne vous connois point.

On ne fçauroit trop payer les befoins, & trop peu la plûpart des plaifirs. En courant après le plaifir, on laiffe

échapper le bonheur. Il n'y a prefque perfonne qui ait un fentiment à foi, indépendant des circonftances.

L'occupation de la jeuneffe eft de jouir: celle de l'age mur eft, ou doit être de faire la jufte eftimation de ce dont on a joui, Il faut valoir beaucoup par foi même pour pouvoir impunément n'être rien dans la focieté.

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En voila affez pour donner une idée avantageufe de notre Moralifte. Nous l'exhortons à retrancher de fon Ouvrage quelques traits visiblement copiés tels que celui-ci, Les hommes ont de l'orgueil, mais la plupart des femmes n'ont que de la vanité. Cette phrafe eft prefque, mot pour mot,dans l'Esprit des loix. D'autres penfées font trop communes, comme les deux fuivantes; Ceux qu'on n'admire jamais, admirent rarement les autres. Les paffions font à l'ame, ce que la fièvre ef au corps. Il y en a quelques-unes de triviales par exemple: Un fat fe perfuade que tous ceux dont les idées font coneraires aux fiennes, ont l'efprit faux: il a la jauniffe, il voit tout jaune, Enfin il y en a plufieurs de hazardées, mais que les bornes de ce Journal ne nous permet tent pas de difcute. D&G

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Ce Recueil de Moralités eft dédié à la foeur de l'Auteur, & l'Epitre mérite d'être lue. C'est votre bien que je vous rends, lui dit-il, en vous offrant cet ouvrage. Il eft le fruit de ces entretiens que nous avons eus tant de fois enfemble. La confiance déchiroit le voile; l'amitié fouilloit dans le cœur, & nous trouvions dans Laveu réciproque de nos foibleffes, de quoi: découvrir celles des autres. Nous ne connoiffons pas l'Auteur de cet Ouvrage ;: mais qu'il eft heureux s'il trouve en effét dans une foeur que la Nature lui fait: aimer, un ami qu'il confulte & un Phi-lofophe qui l'éclaire.

LE MONDE MORAL

Ou Mémoires pour fervir à l'Hiftoire du Cœur humain par M.... Ancien Réfident de France dans plufieurs Cours étrangères; avec cette Epigraphe : Succefferunt....magis alii homines quam alii affectus & alii mores: Tacit. 2 vol. in:12; à Généve, 1760..

LF

E moyen le plus heureux pour inepirer la vertu c'eft de la tourneren:

fentiment. Les froids raifonnemens du Portique en imposent rarement à l'efprit, quand le cœur les défavoue ; c'est cette: partie de nous mêmes que les Moraliftes doivent intéreffer, s'ils veulent réellement faire gouter la fageffe. Qu'à l'attrait du fentiment, ils joignent celui du plaifir; c'est-à-dire, qu'ils offrent à notre imagination des fituations touchantes, & qu'ils leur prêtent encore le charme des images & le coloris de l'expreffion. Alors les Romans ne font: plus un vain amufement; ce font des écoles des mœurs, où fe forme d'autant: mieux une curieufe jeuneffe, que l'inf truction y paroît déguifée font le voile de l'agrément. Tel fut toujours le but de: l'élégant Ecrivain qui nous a arraché des larmes pour les malheurs de Cléveland... Tel eft encore le but d'un nouvel Ouvrage que nous ne craignons point d'at-tribuer au même Auteur. A la vérité, ce n'eft point ici un tableau en grand, où: les parties diverfes par d'imperceptibles,. mais néceffaires liaisons, tendent vers le : but, & forment un ensemble. Ce font au-contraire des morceaux détachés, quel-quefois affez peu intéreffans, toujours ce-pendant.fuivis d'une réfléxion morale,,

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