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Réfléxions fur différentes parties de la Peinture, pour fervir de Notes au Poëme de L'ART DE PEINDRE.

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Es foins que Mr. Watelet s'eft don

né pour perfectionner un Art auffi eftimable que celui de la Peinture, nous engagent à nous étendre fur ces Réfléxions heureux fi nous pouvions fouvent enrichir notre Journal de productions auffi utiles & auffi agréables. Les développemens dans lefquels il entre ici, enPhilofophe & en Obfervateur, faciliteront l'in telligence de cet Art aux efprits les plus ordinaires, & mettront les Artiftes fur la voye qu'ils auront à fuivre, pour appro cher davantage de la perfection.

Voici l'ordre que Mr. Watelet a obfervé dans les Réfléxions. Des Proportions, de l'Ensemble, de l'Equilibre ou Pondération, du Mouvement, de la Beauté, de: la Grace, de l'Harmonie ou Clair-obfcur dela Couleur, de l'Effet, de l'Expreffion, & des Paffions. Dans tous ces objets que

* Voyez ce que nous en avons préfenté dans s nos deux précédens Journaux.

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nous préfenterons fucceffivement, nous; laifferons prefque toujours parler l'Aureur. Il eft impoffible de s'exprimer plus. énergiquement, & plus convenablement fur la matiére qu'il traite; nous ne ferons. que fupprimer des détails dans lesquels les bornes de ce Journal ne nous permettent: pas d'entrer.

La proportion confifte dans les différentes dimenfionsdes objets comparées entrelles. Les premières idées d'imitation dans la Sculpture & dans la Peinture, fe font portées naturellement à faire les. copies égales aux objets imités : l'opé ration d'imiter de cette manière eft moins. compliquée; par conféquent elle eft plus. facile. Les mefures font les moyens par lefquels on parvient à s'inftruire des proportions, & à en donner des idées juf tes. Les uns mefurent la figure par le moyen de la longueur de la Face. Les au tres prennent la tête entière, c'eft-à-dire,. une ligne droite, qui, de la hauteur du deffus de la tête, fe termine à l'extrémité: du menton. Les proportions varient fuivant la difference d'âge; la tête par exemple, eft dans l'enfance beaucoup plus groffe, que dans les autres âges, par proportion aux autres parties.

A trois ans, la longueur de la tête einq fois répétée, forme toute la hauteur d'un enfant. A quatre, cinq & fix ans la hauteur eft de fix jufqu'à fix têtes & demie au lieu que dans l'âge fait, les proportions adoptées font de huit têtes pour la grandeur totale:

La proportion de sept têtes & deux parties, (c'eft-à-dire, lept têtes & demie), convient à un jeune homme à la fleur de fon âge, & dont l'éducation efféminée n'a pas permis aux fatigues & aux exercices violens le foin de développer entiérement fes refforts. La proportion de huit têtes pour la figure entière,, eft propre à repréfenter la ftructure d'un jeune homme dans la force de fon âge,. & dans l'exercice des armes : le dévelop pement du corps eft un effet de l'action répétée de toutes fes parties, comme le: développement de l'efprit s'opère par l'u fage fréquent de fes facultés.

L'âge viril fé caractérise par une dimenfion moins allongée. L'approche de: la vieilleffe doit donner encore un caractère plus quarré, qui dénote, l'appesantiffement des parties folides. Dans l'extrê me vieilleffe enfin, le dépériffement réell accafionne différens changemens dans la

proportion, qui ne doivent plus être évalués.

Les variétés, dans les proportions, font encore occafionnées par la différence du fexe. Indépendamment de la hauteur totale qui eft moindre dans les femmes; elles ont le col plus allongé, les cuiffes plus courtes, les épaules & le fein: plus ferrés, les hanches plus larges, les bras plus gros, les jambes plus fortes, les pieds plus étroits: leurs mufcles moins apparents rendent les contours plus égaux, plus coulants, & les mouvemens plus doux.

Les jeunes filles ont la tête petite, le -col allongé, les épaules abaiffées, le corps menu, les hanches un peu groffes, les cuiffes & les jambes un peu longues, & les pieds petits.

L'âge & le fexe n'ont pas le droit exclufif de caractériser les proportions du corps humain. Le rang, la fortune, le climat & le tempéramment contribuent à caufer dans les développemens des proportions, des différences fenfibles.

Les extravagances des modes, n'ont point d'empire réel fur les dimensions que la Nature a fixées : cependant, elles en impotent trop fouvent aux Artiftes affez

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foibles pour s'y prêter, & rendent plus vagues les idées de proportion qu'il feroit à fouhaiter, pour le progrès des Arts, qu'on eût inceffamment préfentes dans leur plus grande exactitude. Le mouvement du corps y occafionne des changemens très-diftincts & très-apparents. Un membre étendu pour donner ou pour recevoir, éprouve, par exemple, un accroiffement; & l'on obferve une infinité de ces anomalies ou irrégularités dans les actions de compreffion, de relâchement, d'extenfion, de fléchiffement, de contraction & de raccourciffement. Les paffions dont les mouvemens font vio-. lens, doivent occafionner des différen çes fenfibles dans les proportions. Toutes ces variétés de proportion font prin-: cipalement l'ouvrage de la Nature. Si l'Art doit être flatté de pouvoir, pour : ainfi dire, ajouter quelquefois à la Natu-re; il doit être intimidé des rifques qu'il court, lorfqu'il ofe regarder les licences comme des fources particulières de la beauté,

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L'ENSEMBLE eft ce que préfente: à la vûe l'union des parties du tout. L'Enfemble d'une figure eft l'union des parties proportionnées qui font néceffaires à fa

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