Sur les débris du prémier monde. Les prez fans gazon & fans fleurs, Le cours des fleuves suspendu, Le Poëte fe reproche de s'arrêter fi longtems a ce fpectacle; pourquoi, s'écrie-t'il, fixer fes yeux fur ces objets ? Au lieu de crayonner des portraits déplorables, Le Soleil va finir fon cours majeftueux, Il chante les beautés d'un Soleil couchant. Il célébre cet aftre radieux, le père de la Nature. Il excufe Zoroastre & fes Sectateurs, d'avoir pris pour Dieu meme, une fi brillante image de la Divinité. En voyant éclater fes derniers feux, & la Nature fi belle à fes derniers regards, ils étoient, en quelque façon, pardonnables de fe le figurer un grand Roi qu'alloit perdre la terre. Enfin le Poëte finit fon tableau par cette image: D'une belle foirée Le tranquille tableau La nuit déjà naiffante La Lune fe proméne Dans la célefte plaine. Parfemé de faphirs Le Ciel que je contemple, Eft il un vafte Temple Orné pour mes plaifirs? Ce que nous venons de rapporter de ce Poëme, fuffit pour en faire juger nos Lecteurs. Ils y auront trouvé, fans doute, -'comme nous, l'empreinte d'une imagination vive, féconde, brillante, & d'une ame fenfible. L'expreffion leur aura paru avoir, en général, de l'éclat, & ils y auront admiré de très beaux vers. C'eft dommage que le goût n'ait point dirigé ces heureux talens. Ce font prefque partout des corbeilles remplies de fleurs, mais dont une main délicate n'a point fait un bouquet. Ce défaut de goût fe montre même dans l'expreffion qui eft quelquefois impropre ou dure, furtout dans les petits vers. Malgré cela, fi l'Auteur eft jeune, fon Poëme lui fait honneur, & doit donner de grandes espérances; parce que la plupart des défauts que nous lui reprochons, tiennent aux talens les plus décidés. LES PHILOSOPHES. Comédie en trois Actes, & en V'ers, par Mr. Paliot, répréfentée la prémiére fois le 2. Mai 1760. D Amis jeune Officier, eftimé du feu mari de Cidalife, avoit été > élevé dans l'efpérance d'époufer Rofalie, fa fille unique, riche héritiere jeune, belle, charmante, qu'il adore & qu'il aime. Cidalife elle même, après la mort de fon époux, avoit confirmé le projet de cette union; & Damis étoit parti pour fes devoirs & fes affaires, plein de la douce idée de poffeder à fon retour l'aimable & tendre Rofalie. Mais pendant fon absence tout a changé. Cidalife qui, dans fes beaux jours, avoit toujours allié les goûts les plus incompatibles, coquette fans fcandale, prude fans fcrupule, allant le matin au sermon, le foir au théâtre, vertueufe par air, voluptueuse par temperamment, Cidalife enfin fe voyant âgée de cinquante ans, & fentant avec régrêt que fes graces éclipfées alloient la rendre nulle dans le monde, avoit cherché à s'y maintenir en jouant le bel efprit, & furtout en devenant Philofophe. En confequence elle avoit attiré chez elle les Philofophes du jour, ce qui lui avoit été facile, parce qu'étant riche, ils l'avoient régardée comme une dupe dont ils pouvoient mettre les fottifes à profit. Ces Philofophes font ValeDortidius & Théophrafte* tous trois Sous ces trois noms empruntés, on dé 2 efprits affez médiocres, vains, fuffifans, téméraires dans leurs opinions, fourbes dans leur conduite, ayant pour principe, que l'interêt & le plaifir font les uniques mobiles du fage, & qu'il doit tout y facrifier; cachant cependant ces maximes fous le grand nom de l'humanité qu'ils prodiguent à tous propos; mais dans le fond ne faifant femblant d'aimer les hommes en général, que pour les hair plus à leur aife, & les tromper plus commodément en particulier. Ces trois fripons, en s'impatronifant chez Cidalife, ont commencé par en chaffer tous les honnêtes gens. Mais Valere, pouffant plus loin fes idées, s'eft mis dans la tête d'époufer Rofalie; non qu'il l'aime, mais parce qu'il trouve fa fortune très-accommodante. Pour cet effet, il a fallu engager Cidalife à rompre avec Damis; cela n'a pas été difficile. Ses amis lui ont prêté la main; tous de concert, ont perfuadé à la bonne duppe, qu'il falloit marier fa fille à un Philofophe; & dès lors le choix figne Mrs. Did... D'al.... & Du... Nous pourrions mettre leurs noms tout au long fans les offenfer. ne |