Page images
PDF
EPUB

dans ce Monaftére effrayant; heureu fi, à force de fouffrir, il peut expier non-feulement fes forfaits, mais ceux dont il a été la caufe. Rien de plus touchant & de plus terrible que cet excellent morceau, dont nous n'avons pu ren-" dre dans un Abrégé,toute la force & toute la beauté.

En voilà affez pour donner une idée de ce Roman. Nous prions Mr. l'Abbé P.... au nom du Public, de ne pas permettre qu'une autre plume que la fienne acheve cet Ouvrage : les Lecteurs ne pourroient qu'y perdre. Mais nousTM ofons l'exhorter en particulier à mieux lier fes Sujets, à dédaigner des événémens ou bas ou minutieux, à s'en tenir aux objets fombres, ou terribles qu'il fçait peindre avec des couleurs fi vives & fi vraies. C'eft alors que fon ftyle noble & pittorefque attache & fait fentir pour le vice une horreur qui fotce de convenir que le bonheur ne confifte que dans la vertu. ́

[ocr errors]

THE AUCTION, A Modern Novel. L'ENCAN, Roman nouveau, en 2 vol. à Londres, 1760.

en:

E Roman eft un éloge de la Vertu.. On y voit le tableau des difgraces auxquelles elle eft fouvent expofée; & pour ne pas défefperer fes Profélites, la répréfentant toujours dans le malheur & dans l'affliction, l'Auteur finit, felon l'ufage, par effuyer fes larmes, & la réconcilier avec la fortune & la profpérité. Cela n'arrive pas toujours dans le monde; mais tout Ecrivain qui travaille dans ce genre, doit imiter nos preux Chevaliers, & reparer les torts. C'est Fanny qui est l'Héroine de ce Roman; il lui arrive une foule d'avantures dont elle se tire toujours très heureufement. Avouons. cependant que les différentes circonftances où l'Auteur la place, s'arrangent affez mal avec la févérité de la vertu; & que fi Fanny n'a pas perdu fon innocence, elle s'eft trop expofée à la perdre, ce qui peut diminuer l'intérêt qu'on prend à fon fort. Voici le fond de toute l'intrigue.

Sir William Forrefter, Gentilhomme

Campagnard, de Yorkshire, épouse une jeune perfonne très aimable, qui le rend en peu d'années père de quatre filles : elles meurent toutes, excepté Fanny: la mére même expire à la fuite d'une couche. Forrester en paroît accablé de douleur; il fe confole, & fe rémarie. Sa féconde femme eft une vraie Xantippe, qui fe conduit avec Fanny comme la plus cruelle marâtre. Sa dureté augmente pár la naiffance d'une fille nommée Charlotte, qui a le caractère de sa mère, & qui devient le fléau de fa foeur. Forrefter a encore un fils qu'il veut élever à fa maniere, e'eft à-dire en faire un Ruftre & un Chaffeur : il eftimoit beaucoup les ufages des Anciens; les combats à coups de poings, furtout, lui plaifoient extrêmement; c'est pourquoi, à peine fon fils at'il l'âge de quatre ans, qu'il le fait lutter avec un petit Mendiant du même âge: le combat eft fanglant; mais le jeune Forrester remporte la victoire. Son père transporté de joye donne un schelling. à ce jeune pauvre & trente fols à fa mère, fans s'appercevoir que fon cher fils', malgré toute fa bravoure, a eu un œil poché, trifte fruit de ce ridicule combat. Pour multiplier les incidens, Miftriff

Leckart focu de Forrefter, arrive chez lui quelque tems après. C'étoit une Veuve qui avoit beaucoup de mérite. Son hiftoire forme ici un Epifode affez long. Elle s'étoit échappée dans fa jeuneffe, de la maifon paternelle,pour époufer un Offeier qui l'aimoit éperduement. Elle avoit alors fix mille livres fterl. à fa difpofition, dont elle employa une partie à lui acheter un Brévet, & plaça lerefte à la Compagnie du Sud: mais bientôt après ils perdent tout leur bien, & fe trouvent réduits à la derniere indigence. Des Créanciers impitoyables mettent le comble à leur affliction, en faisant arrêter l'Officier dans la prifon de la Fleet; il y meurt de chagrin en peu de tems, & il laiffe fa femme. & une petite fille qu'il en avoit, dans toutes les horreurs de la pauvreté. Miftriff Lockart qui s'étoit renfermée avec lui depuis la détention, & quien avoit reçu les derniers foupirs, fe livre alors à tout fon défefpoir. Mais un bon Eccléfiaftique la détermine à fupporter avec conftance fes malheurs & la vie. Elle avoit encore une reffource; c'étoit une obligation de Ɛoo liv. fterl. qui étoit cachée dans fon Bureau avec d'autres bijoux de prix. Cet incident eft affez mal-adroit; car ne pour

ra t'on pas dire que le Défunt auroit du en faire ufage, plûtôt que de fe défefpérer & de mourir. Quoiqu'il en foit, Miftriff fort de la prifon, & rentre chez elle; mais on lui apprend qu'une fille qui la fervoit, a fait emporter fon Bureau, & qu'elle a enlevé fon enfant. Quelle complicationde difgraces! le bon Eccléfiaftique la confole dans ces nouveaux malheurs, & par fes foins elle obtient de fa mère une penfion annuelle de 50 1. fterl. Elle paffoit un jour devant une maifon ou l'on' faifoit un Encan; elle a la curiofité d'y' entrer; mais le premier objet qui frappe fa vûe, c'eft fon Bureau qu'elle ne manque pas d'acheter, & ce qui eft encore plus merveilleux, elle y retrouve fon obligation & fes bijoux ; le titre de ce Roman eft pris de cette avanture. Il ne s'agiffoit plus que de retrouver auffi fa fille; l'Auteur eft trop complaifant pour lui refuler cette confolation; il fait paroître für la fcène une jolie femme de chambre nommée Betty, qu'elle reconnoît pour ce cher enfant qu'elle cherche. I ya ici beaucoup d'évanouiffemens pour rendre cette fituation plus attendriffante. Ce n'eft pas encore tout; la fortune. s'empreffe de réparer tous fes torts; elle

[ocr errors]
« PreviousContinue »