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de Cordonnier s'étoit fait Prêtre & Miffionnaire, nes'occupoit qu'à déchirer les Proteftans; de forte que Le Febvre, Docteur de Sorbonne, ne put s'empêcher de détromper le Public fur fes impoftures & fes calomnies.

La controverfe va dégénerer en affaire de calcul. Il s'agit de fçavoir combien il y a de Réformés dans le Royaume? L'Auteur du Mémoire Politico-Critique propofe la deffus des vûes fingulieres. Il place d'abord un million de Non-Conformiftes dans le Royaume en 1562: depuis cette époque jufqu'en 1685, ils ont fait un million de Profélites: voilà donc deux millions de Proteftans à la révocation de l'Edit de Nantes: un quart s'eft expatrié; un autre quart composé de Vieillards décrêpits avec un vingtiéme d'enfans, a payé le tribut à la Nature; un troifiéme quart s'eft converti; il ne refte donc plus que cinq cent milleRéformés en France: mais c'eft encore trop; l'Auteur n'en trouve plus que cinquante mille en conféquence de fes nouvelles fpéculations*. Notre Anonyme oppose

Apologie de Louis XIV &c.

ici gravement calcul à calcul,& il trouve le moyen de les porter à près de trois millions.

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On regarde ordinairement la révocation de l'Edit de Nantes comme une réfolution mal réfléchie, fatale aux forces de l'Etat, aux Finances, aux Arts, & comme l'époque de la dépopulation, &c. Mais voici ce que l'Auteur que nous venons de citer, avance très-férieufement fur l'opulence actuelle de la France. Nous faifons, dit-il, pour quatre cent ,, quatre vingt-neuf millions cinq cent dix-neuf mille cinq cent cinquante-huit livres, fix fols, d'affaires tous les ans avec l'Etranger. Notre exportation est de deux cent foixante & dix millions ,, quatre cent cinquante & cinq mille, deux cent quarante-deux livres, dix fols. L'importation eft de deux cent "9 dix neuf millions, foixante & quatre ,, mille, trois cent quinze livres, feize fols. Donc notre Commerce produit annuellement un bénéfice de cinquante & un millions, trois cent quatre-vingtdix nille neuf cent vingt-fix livres. Donc le fuperflu de nos denrées & de notre induftrie eft un capital d'un milliar, vingt-fept millions, huit cent dixhuit mille cinq cent trente-quatre

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,,vres. Quel eft le Peuple de l'Europe ,,qui puiffe fe vanter de pofféder une mi,, ne fi abondante. "

Le même Ecrivain, pour évaluer l'argent exporté par les Réfugiés, prétend le répartir au marc la livre, & en donnant à chacun vingt-cinq livres, la masse de l'argent exporté fera conféquemment de douze cent cinquante mille livres à raifon de cinquante mille Réfugiés. Mais notre Anonyme qui croit fentir plus vivement la perte que fit alors le Royaume, donne deux cens écus au moins, à chaque Réfugié, ce qui multiplié par fix cent mille, qui eft le nombre des Proteftans qui défertèrent alors la France, forme une fomme de trois cent foixante millions d'argent exporté. A l'égard des produits immenfes de l'induftrie & du commerce, qui furent alors perdus pour le Royaume, & qui enrichirent l'Etranger, l'Apologifte cite une célébre délibération des deux Chambres du Parlement d'Angleterre, par laquelle on prétendoit qu'il étoit de l'intérêt de la Nation d'encourager de plus en plus lefdits Proteftans (Réfugiés) qui avoient déja introduit dans ce Royaume, plufieurs nouvelles Manufactures, & qui

En 1703.

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lés avoient portées à un fi haut dégré deper fection, que depuis peu de tems on avoit transporté pour un million de livres fterl. d'étoffes de laine hors du pays, plus qu'on n'avoit fait avant que les Réformés euffent paffé dans ce Royaume. Les Anglois avoient alors bien des raisons pour exagérer ce calcul.

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L'Auteur qui ne s'eft formé aucun plan dans cet Ouvrage, & qui marche toujours au hazard, revient encore ici au Maffacre de la St. Barthélémi. Il nous affure d'abord que le Pape Grégoire XIII. en fit rendre à Dieu des actions de ces folemnelles, qu'il alla proceffionellement de l'Eglife de St. Marc à celle de St. Louis, qu'il indiqua un Jubilé, & qu'il fit frapper une Médaille pour immortaliser cet événement, On a répondu que ces démonftrations publiques n'avoient pas pour objet l'horrible Sçène qui s'étoit paffée en France, & qu'elles ne regardoient que la découverte d'une Conjuration dont les Proteftans furent alors accufés : mais l'Anonyme aime mieux flétrir la mémoire du Pontife, que de foufcrire à fon Apologie. Quant aux motifs de cette affreufe profcription, le Duc d'Anjou, depuis Henri III, déclara en confidence à for

Médecin Miron, que le Maffacre avoit été une affaire imprévue,& caufée unique. ment par les troubles que l'Amiral excitoit dans la Maison Royale.,, Mais fi l'on

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n'en vouloit qu'à l'Amiral, dit l'Au,,teur, pourquoi ne l'avoir pas fait affaffiner, lorsqu'il étoit venu seul aupara ,, vant à la Cour? Si le complot n'avoit ,, pas été tramé de longue main, pour,, quoi faire venir toute la Nobleffe Pro

teftante à Paris, fous le prétexte d'une ,, nôce, & la loger dans le quartier de l'Amiral? &c.

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Le maffacre ne fe fit pas non plus,. continue l'Auteur, pour chatier dans les Proteftans,des Sujets perfides & rebelles. Catherine de Médicis convenoit elle même qu'ils ne démandoient que leur faoul de prêches; & nous fommes forcés de convenir après tous les Hiftoriens que ce monftrueux attentat fut l'effet d'un faux zéle de Réligion, & de la haine que l'on portoit aux Réformés.

La profcription paffa de la Capitale dans lés Provinces du Royaume. Les Dépu tés de Lyon, qui fe trouvoient à Paris, lorfqu'elle y commença, démandérent à la Reine la permiffion d'expédier un Courier dans leur Ville, pour y

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