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rement employé à caractériser la fageffe & la vérité? Serons nous donc toujours obligés de déplorer l'abus des talens? L'Auteur de ces Epitres, qui font en vers, paroît avoir confpiré contre les principes: du Culte & de la Morale; il porte un oil curieux & téméraire fur des objets qu'il ne devoit qu'adorer. Examinons fes fophifmes; c'est ici la caufe de la Révé→ lation & des Mours.

Il expofe d'abord fes idées fur la vérité, confiderée d'une manière générale, fur fon caractére diftinctif, & fur fes rapports avec l'opinion. Il prétend qu'il eft abfurde d'adopter des articles de Foi par autorité de quelque homme que ce foit; & à cette occafion, il fait une fatire vioJente contre les Miniftres de toutes les Religions.

&

Si l'Anonyme parle de ces Fanatiques fans Miffion, qui abufent de la crédulité des Peuples, pour dominer fur leur Foi, que Dieu défavoue; il eft fans doute abfurde de les croire. Mais s'il s'agit des Auteurs facrés, qui n'ont écrit qu'après l'infpiration de l'Esprit Saint,ou du Corps, des Pasteurs qui confervent & expliquent la Tradition de l'Eglife dans tous les fiécles; la même raifon qui nous conduis

au Chriftianifme, nous oblige en même tems de recevoir d'eux le Symbôle de nôtre Foi: cette confequence eft liée néceffairement avec le principe fondamental de la Révélation. Mais en admettant même la vérité de cette Révélation en gé néral, dit l'Auteur, il refte toujours une difficulté infoluble, qui eft de fçavoir ce qui eft révélé en particulier. Voilà une pure chicane la Révélation en général n'eft rien, de même que l'idée en général: nos Myftéres font confignés dans les Livres faints; & c'eft là la Révélation particu Hiére & unique dont l'autorité eft confta tée par les prophéties & les miracles.

:

A l'égard des Miracles, l'Anonyme paroît adopter le fentiment d'un célébre Apologiste de la Religion. Il penfe que Dieu peut produire des effets destinés à des fins connues de lui feul, par des moyens phy fiques que nous ignorons. Cette idée n'a rien d'hétérodoxe, pourvû que l'on convienne que fl'on explique de la forte la nature des différens prodiges opérés en faveur duChriftianifme,ils n'ont pas moins le caractére des vrais miracles, que s'ils étoient contre le cours ordinaire de la Na ture.

Notre Sophifte s'élève enfuite contre

l'Enthoufiafme de l'homme pour les myf téres & les paradoxes; il lui impute notre indolence, notre pufillanimité & nos in conféquences; il plaifante d'une maniére indécente fur les terreurs falutaires de la Religion, & il qualifie d'abfurde le sentiment qui présente la foumiffion à l'autorité, comme néceffaire pour maintenir la Société, & lui affurer le bonheur. Mais n'infiftons pas la-deffus: tout bon Citoyen qui aime le bien public, fent tout le ridicule & le fcandale de ces objections.

9.

Dans fes réflexions fur la Divinité, Anonyme foutient que l'on ne peut pas juger de fes attributs par les idées que nous avons de la perfection, parceque ces. idées ne fe rapportent qu'à nous, & aux qualités principales de notre feule Nature. Difficulté frivole: les idées d'une per fection bornée telle que celle de l'homme, nous conduisent néceffairement à la connoiffance d'une perfection fans bornes, & nous en démontrent l'existence. Voilà conféquemment l'Etre Suprême, & nous participons à fa plénitude pour parler avec les Livres faints, par les attributs de notre nature, qui en font une émanation.

L'Auteur léve entiérement le masque. La Science, la Religion & la Vertu, dit-il,

e penvent nous rendre heureux, parce que la félicité eft au-deffus de notre portée; un fentiment non interrompu de plaifir ou de douleur, eft incompatible avec notre Nature: nos fenfations agréables ou pénibles, ne font que relatives, & réciproquement néceffaires. aux autres: On ne peut à la vérité fe procurer fur la terre une félicité parfaite; mais cette malheureuse viciffitude qui ramene alternativement le plaifir & la douleur, eft une fuite de la chûte de l'homme, & l'on peut défier ce Raisonneur téméraire de prouver qu'elle foit attachée effentiellement à l'Ame humaine. Il fe fait enfuite une espéce d'Optimisme à part: tout est bien, parce que tout eft néceffaire ; il ajoute encore que nous ne devons qu'aubien ou au mal phyfique, le fentiment que nous avons du bien ou du mal moral, de forte que comme le mal moral qui n'eft relatif qu'à l'hom me, ne fçauroit être regardé comme un défaut dans les deffeins de la Providence; de même auffi le bien moral, ne peut étre d'aucun mérite relativement à la Divinité. Ik s'enfuit de ces principes que c'eft l'intérêt qui fixe la nature des crimes & des vertus, & qui qualifie arbitrairement les actions des hommes. Mais fans infifter fur ces

conféquences révoltantes; n'eft-il pas abfurde de dire que la Morale n'eft qu'une fuite du fentiment phyfique ? Ne nous infpire-t-elle pas une foule de notions qui en font indépendantes, & qui n'ont aucun rapport avec notre intérêt fenfible Que l'on nous apprenne, par exemple, qu'elle eft la fenfation qui nous a donné l'idée du défintéreffement, du pardon des injures, quand on peut fe venger fans pé vil, &c.

peutTM

Au refte, quelque foit le principe de la Moralité des actions, l'Auteur veut eneore nous perfuader que la raifon ne que nous montrer la vertu, fans qu'elle puiffe nous y porterefficacement,& que les difpofitions de l'ame généralement eftimées vertueuses, font fréquemment l'occafion de: nos chutes dans le vice, dont des difpofi tions tout oppofées & déteftées univerfel lement, nous auroient préfervés; c'eft ainft, ajoute t'il pour développer ces horribles Maximes, qu'un homme eft obligé d'être

dur, , peu liberal, impitoyable, parce que: s'il étoit humain & généreux, il pourroit tui arriver de répandre fes bienfaits fur des fujets qui en feroient indignes, ou fe ruiner par fes largeffes, ce qui fruftréroit fes Créan diers. Ce fyftême abominable fait l'op

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